Le P. Cantalamessa encourage à redécouvrir la Croix glorieuse

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Commentaire de l’évangile du dimanche 14 septembre

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ROME, Vendredi 12 septembre 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 14 septembre, fête de la Croix glorieuse, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale. 

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 3, 13-17 

Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme.
De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.

© Copyright AELF – Paris – 1980 – 2006  Tous droits réservés 

De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert…

Aujourd’hui, la croix n’est pas présentée aux fidèles sous son aspect de souffrance, de dure nécessité de la vie, ni même de chemin pour suivre le Christ, mais sous son aspect glorieux, comme motif de fierté et non de pleurs. Voyons tout d’abord l’origine de la fête. Celle-ci rappelle deux événements éloignés l’un de l’autre dans le temps. Le premier est l’inauguration, par l’empereur Constantin, de deux basiliques, une sur le Golgotha et une sur le sépulcre du Christ, en 325. L’autre événement, au VIIe siècle, est la victoire chrétienne sur les Perses qui a permis de récupérer les reliques de la croix, et leur retour triomphal à Jérusalem. Au fil du temps, la fête a toutefois acquis une signification à part entière. Elle est devenue la célébration joyeuse du mystère de la croix, instrument d’ignominie et de supplice, que le Christ a transformée en instrument de salut.

Ceci est reflété par les lectures. La deuxième lecture repropose le célèbre hymne de la Lettre aux Philippiens, où la croix est vue comme le motif de la grande « exaltation » du Christ : « il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout, au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père ». L’Évangile aussi parle de la croix comme du moment où le Fils de l’homme a été « élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle ».

Il y a eu dans l’histoire deux manières fondamentales de représenter la croix et le crucifix. Nous les appelons, pour des raisons pratiques, le mode ancien et le mode moderne. Le mode ancien, que l’on peut admirer dans les mosaïques des basiliques anciennes et sur les crucifix de l’art roman, est un mode glorieux, festif, plein de majesté. La croix, souvent seule, sans le crucifié, est parsemée de pierres précieuses, et projetée contre un ciel étoilé, avec au-dessous l’inscription : « Salut du monde, salus mundi », comme dans une célèbre mosaïque de Ravenne.

Dans les crucifix en bois de l’art roman, ce type de représentation s’exprime à travers le Christ qui trône en habits royaux et sacerdotaux sur la croix, les yeux ouverts, le regard droit, sans une ombre de souffrance, mais rayonnant de majesté et de victoire, non plus couronné d’épines mais de pierres précieuses. C’est la traduction en peinture du verset du psaume « Dieu a régné du bois (de la croix) » (regnavit a ligno Deus). Jésus parlait de sa croix en ces mêmes termes : comme du moment de son ‘exaltation’ : ‘Et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi’ » (Jn 12, 32).

Le mode moderne commence avec l’art gothique et s’accentue toujours davantage, jusqu’à devenir la manière ordinaire de représenter le crucifix, à l’époque moderne. Un exemple extrême est la crucifixion de Matthias Grünewald sur l’Autel de Isenheim. Les mains et les pieds se tordent autour des clous, la tête agonise sous un bandeau d’épines, le corps est couvert de plaies. Les crucifix de Velasquez, de Salvador Dalì et de tant d’autres, appartiennent également à ce genre.

Ces deux modes soulignent un aspect authentique du mystère. Le mode moderne – dramatique, réaliste, déchirant – représente la croix vue, d’une certaine manière, « de face », dans toute sa réalité crue, au moment où l’on y meurt. La croix comme symbole du mal, de la souffrance du monde et de la terrible réalité de la mort. La croix est représentée ici « dans ses causes », c’est-à-dire dans ce qui en général la produit : la haine, la méchanceté, l’injustice, le péché.

Le mode ancien soulignait non pas les causes mais les effets de la croix ; non pas ce qui produit la croix mais ce qui est produit par la croix : la réconciliation, la paix, la gloire, la sécurité, la vie éternelle. La croix que Paul définit « gloire » ou « fierté » du croyant. La fête du 14 septembre est appelée « l’exaltation » de la croix, car elle célèbre précisément cet aspect « exaltant » de la croix.

Il faut unir le mode moderne de considérer la croix et le mode ancien, redécouvrir la croix glorieuse. Si au moment de l’épreuve il nous a été utile de penser à Jésus sur la croix en proie à la douleur et aux tourments, car nous le sentions ainsi proche de notre souffrance, il faut maintenant penser à la croix d’une manière différente. Je m’explique à travers un exemple. Nous venons de perdre une personne chère, peut-être après des mois de souffrance. Eh bien, il ne faut pas continuer à penser à elle telle qu’elle était sur son lit ; en telle ou telle circonstance, dans quelle condition elle se trouvait à la fin, ce qu’elle faisait, ce qu’elle disait, en se torturant peut-être le cœur et l’esprit, et en alimentant d’inutiles sentiments de culpabilité. Tout cela est fini, n’existe plus, c’est une chose irréelle ; en agissant ainsi, nous ne faisons que prolonger la souffrance et la garder en vie de manière artificielle.

Il y a des mères (je ne dis pas cela pour les juger mais pour les aider) qui, après avoir accompagné un enfant pendant des années dans son calvaire, refusent de vivre différemment une fois que le Seigneur l’a rappelé à lui. A la maison, tout doit rester comme au moment de la mort de cet enfant ; tout doit parler de lui ; les visites au cimetière sont continuelles. S’il y a d’autres enfants dans la famille ils doivent s’habituer à vivre eux aussi dans ce climat imprégné de mort, avec de graves dommages psychologiques. Toute manifestation de joie à la maison leur semble une profanation. Ces personnes sont celles qui ont le plus besoin de découvrir le sens de la fête de demain : l’exaltation de la croix. Ce n’est plus toi qui porte la croix, mais désormais c’est la croix qui te porte ; la croix ne t’écrase plus, elle t’élève.

Il faut penser à la personne aimée telle qu’elle est, maintenant que « tout est fini ». C’est ce que faisaient les artistes anciens avec Jésus. Ils le contemplaient tel qu’il est maintenant : ressuscité, glorieux, heureux, serein, assis sur le même trône que Dieu, avec le Père qui a « essuyé toute larme de ses yeux » et lui a donné « tout pouvoir sur la terre et dans les cieux ». Non plus en proie aux tourments de l’agonie et de la mort. Je ne dis pas que l’on peut toujours commander son cœur et l’empêcher de saigner en pensant à ce qui s’est passé, mais il faut essayer de faire prévaloir la considération de la foi. Si non, à quoi sert la foi ?

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ZENIT Staff

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