Le Linceul renvoie à l’amour infini de Jésus

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Interview du président de la Commission diocésaine du Linceul

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ROME, Vendredi 30 avril 2010 (ZENIT.org) – A l’occasion de l’ostension du Saint-Suaire dans le Dôme de Turin (10 avril-23 mai), ZENIT a demandé à Mgr Giuseppe Ghiberti, président de la Commission diocésaine du Linceul, d’expliquer la valeur religieuse de cette pièce de tissu qui, pour le croyant, aurait reçu le corps de Jésus avant la résurrection.

Le pape se rendra en pèlerinage à Turin le 2 mai prochain.

ZENIT : L’authenticité du Linceul est-il le seul critère permettant d’établir un lien religieux entre le croyant et cet objet ?

Mgr Ghiberti : Le problème de la justification du lien religieux avec le Linceul est perçu de manières différentes. De nombreuses personnes pensent que seule l’assurance de son authenticité en légitime la vénération de la part des fidèles. La théorie contraire affirme en revanche qu’il s’agit d’un objet à vénérer et qu’il est donc authentique.

Ces deux positions ne sont pas convaincantes. Le lien religieux entre le Linceul et le croyant (c’est-à-dire une personne qui a vécu dans une tradition dans laquelle la personne et les événements de la vie de Jésus sont centraux), naît lorsque l’on se rend compte – lorsque l’on s’approche de l’image du tissu – qu’il y a une correspondance parfaite entre ce que l’on voit et le récit évangélique de la Passion du Christ. A partir du moment où l’on prend conscience de cela, un type de relation se met en place qui n’est pas tant justifié par l’objet lui-même que par le renvoi de cet objet à un autre événement.

On peut définir sa fonction de précurseur. En se comparant à Jésus, saint Jean-Baptiste affirmait : « Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse » ; pour le Linceul, c’est la même chose. Dans sa pauvreté, il est sa noblesse parce que sa valeur ne s’épuise pas en ce qu’il est, mais en ce à quoi il renvoie.

Il y a un caractère pré-scientifique à ce type de relation avec le Linceul parce qu’à ce stade, je n’ai encore posé aucune question sur son authenticité : j’ai simplement accueilli le message qui en émane et qui consiste à renvoyer au récit évangélique de la Passion.

Ce n’est que par la suite que je demande à la science si ce morceau de drap a accueilli le corps de Jésus, et cela est très important pour mon cœur. Je m’intéresse donc à la science mais je ne suis pas conditionné par elle. Je pense que cette forme de raisonnement offre la formulation la plus exacte et en l’acceptant, je suis beaucoup plus libre.

ZENIT : Le Linceul a donc une fonction secondaire pour la foi ?

Mgr Ghiberti : Quand on a acquis cette liberté intérieure, les choses vont d’elles-mêmes – bien que je sois un ‘supporter’ de l’authenticité du Linceul – le résultat n’influe pas sur la réception du message. Il faut se demander : que signifie le Linceul pour moi, pour la pastorale, pour l’Eglise ?

Les choses sont liées les unes aux autres. Le Linceul n’est certainement pas un objet de foi, les vérités fondamentales dans lesquelles croire sont tout autres. Jean-Paul II l’a clairement dit lors de l’ostension de 1998. Mais il m’aide à croire, il est un des moyens que le Seigneur met sur le chemin de ses enfants pour les appeler à lui. Il n’est pas nécessaire – il y a une quantité de chrétiens qui sont devenus saints sans le Linceul, l’Evangile et leur conscience a suffi – mais de la même manière que le Seigneur a décidé qui seraient mes parents, ce que serait mon chemin de vie, il a aussi décidé de ma rencontre – et de celle de nombreuses personnes – avec le Saint Suaire. Elles sont de plus en plus nombreuses, peut-être parce que la culture de notre époque a une plus grande sensibilité envers l’image : même si l’homme du Linceul a une corpulence harmonieuse, il s’agit quand même d’un corps détruit par la torture.

Les gens demandent toujours à rester plus longtemps devant le Linceul. Mais pour ceux qui peuvent rester longtemps devant, comme cela m’est arrivé, il faut se forcer à ne pas fuir parce que c’est un témoignage de souffrance indicible. La douleur qui en émane, dans une civilisation de l’image comme la nôtre, est plus éloquente que de grands discours. Jean-Paul II, à cette même occasion, affirma : « Il ne pouvait pas nous aimer plus ».

ZENIT : Icône ou relique ?

Mgr Ghiberti : Le premier à utiliser le terme d’icône a été le cardinal Ballestrero et on lui a reproché d’utiliser une subtilité, un concept pour conserver le caractère sacré et éviter de parler de relique au moment où l’on donnait les résultats des analyses au Carbone 14 qui renvoyaient la datation du Linceul au Moyen Age. Il s’agit d’une polémique injustifiée. L’icône est un concept utile, mais pas pour éviter le problème de l’authenticité parce que si celle-ci était démontrée, il n’y aurait pas de problème à l’utiliser. Le problème aujourd’hui est de pouvoir utiliser le concept de relique, c’est-à-dire d’objet qui aurait été en contact avec Jésus.

Dans le jeu entre les deux concepts, celui d’icône a quelque chose en plus et quelque chose en moins. En plus : il a l’avantage de ne pas devoir s’exprimer sur le contact physique avec le corps de Jésus – sans le nier, il ne se prononce pas sur cet aspect – ; en moins : il se perçoit comme un concept un peu plus lointain. Le concept de relique a le désavantage d’anticiper, dans le ressenti commun, des conclusions qui n’ont pas encore été données. Même dans le cas d’une acception ample du terme, la relique peut indiquer quelque chose qui a eu une référence avec un saint mais sans nécessairement un contact physique. En ce sens, c’est un terme que l’on peut aussi utiliser pour le Linceul, en précisant la signification que l’on utilise.

ZENIT : Peut-on dire que cette incertitude sur l’authenticité du Linceul a une fonction éducative que Dieu offre aux croyants ?

Mgr Ghiberti : C’est un des aspects de la pauvreté qui est caractéristique du mystère de l’Incarnation. Quelque chose nous dit que ce mystère est l’enfouissement de la divinité dans la corporéité, l’aspect le plus tangible de la présence d’une personne humaine. En nous donnant le Linceul comme une aide pour la foi, mais sans le libérer des incertitudes de la science, Dieu nous invite à nous concentrer sur l’essentiel du message qui renvoie à son Fils, incarné dans un corps, mort et ressuscité. Même la pauvreté du signe est dans le style de Jésus qui se sert d’instruments ‘faibles’ pour convertir les cœurs.

ZENIT : On constate d’une part l’inscription d’un million et demi de pèlerins pour vénérer le Linceul et d’autre part le scepticisme de nombreux croyants : pourquoi est-il plus facile, dans l’incertitude, de croire qu’il n’est pas authentique plutôt que le contraire ?

Mgr Ghiberti : Il faudrait se demander si beaucoup de croyants croient vraiment à des vérités de la foi comme la résurrection et la présence réelle de Jésus dans l’Eucharistie. Il est très difficile, quand il s’agit de bien accueillir en conscience les contenus de ces affirmations fondamentales de la foi, de dire ‘je crois’. Même ceux qui vont régulièrement à la messe pensent peut-être qu’il s’agit d’une manière de dire.

Quand on a mon âge, qu’on approche de la fin de sa vie, la pensée d’un avenir dans lequel ma réalité subit une transformation béatifique n’est pas facile à confirmer ni à accepter. Croire est un processus de conquête qui présente des difficultés et des joies à tous les âges et cela ne me surprend pas qu’en regardant le Linceul, on puisse comprendre quelque chose de similaire. C’est plus préoccupant pour la vérité de la foi. Le Seigneur ne me demandera pas de comptes si je ne reconnais pas le Linceul comme il m’en demandera si je renonce à une ou plusieurs vérités de foi.

ZENIT : Que faut-il recommander
aux pèlerins, quelle attitude avoir, comment s’approcher de ce mystère ?

Mgr Ghiberti : Pour se laisser surprendre, il faut se laisser imprégner par le silence, renoncer aux commentaires, vivre ce moment de manière personnelle. Il faut par ailleurs soigner sa préparation.

Pour que ce moment ne se limite pas à une simple émotion, il est possible de s’arrêter dans la chapelle de l’adoration et de la pénitence pour un moment d’adoration ou pour se confesser. Beaucoup entrent par la porte centrale du Dôme pour s’arrêter devant le Linceul avec plus de calme, même de plus loin.

Il s’agit de saisir un renvoi à l’amour infini de Jésus : voilà le message au-dessus de toutes considérations possibles.

Chiara Santomiero

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ZENIT Staff

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