Le frère Emile de Taizé commente la rencontre européenne de Paris

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ROME, lundi 13 janvier 2003 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous un entretien que le frère Émile de Taizé, canadien et moine de la communauté œcuménique de Taizé (www.taize.fr) a accordé à Zenit, au lendemain de la rencontre européenne qui a eu lieu du 28 décembre dernier au 1 janvier, à Paris, avec quelque 80.000 jeunes. Le but de la rencontre était d’aider les jeunes, d’une part à approfondir leur foi, et d’autre part à se préparer a prendre des responsabilités.

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–Comment fait la communauté de Taizé pour attirer autant de jeunes de pays différents chaque année ? Quel est votre secret ?

–Frère Émile : Nous sommes nous-mêmes étonnés par les foules de jeunes qui se pressent à Taizé chaque semaine de mars à novembre et puis dans les rencontres de fin d’année. Paris est la 25e rencontre européenne. La jeunesse a beaucoup changé en 25 ans et pourtant ils sont fidèles au rendez-vous. Je ne sais pas s’il y a un secret. Une confiance s’est communiquée d’une génération à une autre.

–Taizé confirme que les jeunes ont vraiment soif de Dieu et de vie communautaire…

—Frère Émile : On peut certainement parler d’une soif de Dieu chez les jeunes. En même temps il faut dire qu’ils ont rarement conscience de la soif qui les habite. Comment trouveront-ils des mots pour dire leur attente ? Pour beaucoup, il y a d’abord l’expérience de la prière commune, à laquelle ils participeront une première fois par curiosité. Et là, il y a souvent un choc. La prière est découverte comme un espace de beauté, surtout à travers le chant, l’écoute de quelques textes bibliques, de longs temps de silence. « Prier c’est découvrir que nous ne sommes pas orphelins » aime dire notre ami Olivier Clément. Je crois que c’est ce que beaucoup de jeunes découvrent dans une rencontre européenne.

–Que peut-on faire face aux jeunes qui refusent l’Église institutionnelle ?

-Frère Émile : La jeunesse d’aujourd’hui a rarement les réactions agressives envers l’Eglise que l’on trouvait autrefois. Quand ils font une expérience de la communion, d’une unité « improbable » dans la diversité, et cela peut se faire dans un grand rassemblement, ils sont étonnés et beaucoup se posent la question : quelle est la source de ce que nous vivons ensemble ? Sans le savoir toujours explicitement c’est l’intuition de l’Eglise qui naît en eux.

Donner du temps pour écouter des jeunes, a été toujours une priorité à Taizé. Les écouter, non pas pour les accabler de conseils, mais les accompagner dans ce passage qui va de la « protestation » a « l’attestation ».

Lors d’un de ses derniers séjours a Taizé, Paul Ricoeur a évoqué ce passage pour décrire ce qui se passe dans la prière à Taizé (son texte vient d’ être publié en français dans un ouvrage collectif sur Taizé : « Taizé, au vif de l’espérance », Bayard). On pourrait aussi dire que ce passage se fait à travers l’écoute et les échanges. Lors de sa visite à Taizé, le pape Jean-Paul II rappelait aussi combien les attentes des jeunes sont une chance pour l’Eglise.

–La formule de l’Eglise pour l’avenir sera-t-elle une certaine forme de vie en communauté ?

–Frère Émile : A Taizé, nous encourageons les jeunes à retrouver leur Église locale. Une paroisse a vocation d’être un lieu de communauté. A l’intérieur des paroisses, beaucoup de jeunes ont commencé des petits groupe de prière qui se retrouvent une fois par semaine. Ces groupes sont très précieux pour aider les jeunes à persévérer dans leur vie de foi.

L’isolement fait souffrir et fait douter. Il y a certainement à chercher comment en sortir. Découvrir une communauté avec laquelle il est possible de partager la foi et de prier, est une grande joie pour les jeunes.

–La communauté de Taizé est-elle une communauté œcuménique ou catholique ?

–Frère Émile : Taizé continue a être une communauté œcuménique. Bien sûr les jeunes catholiques étaient majoritaires à la rencontre de Paris, comme c’est le cas en Europe, mais plusieurs milliers de jeunes orthodoxes de la Russie, de l’Ukraine, de Roumanie, de Serbie, et puis plusieurs milliers de jeunes protestants de l’Allemagne, de la l’Estonie, et la Lettonie, de la Suède, ont participé à la rencontre.

D’ailleurs ce sont des paroisses de toutes les confessions qui les accueillent en Île de France. Beaucoup de jeunes sont touchés en découvrant les messages de soutien qu’ont envoyé le pape Jean-Paul, le Patriarche Alexis II de Moscou, le patriarche Bartolomé de Constantinople, ainsi que des responsables protestants.

–Sur quoi était centrée la rencontre de Paris ?

–Frère Émile : Approfondir la foi et se préparer a prendre des responsabilités : on trouve ces deux pôles à la rencontre de Paris. Les jeunes ont eu l’occasion d’approfondir leur vie intérieure, par la prière, l’écoute et l’étude de textes bibliques.

Chaque matin, ils se sont retrouvés dans environ 400 paroisses en Île de France pour la prière et des échanges autour la nouvelle lettre de frère Roger : « Dieu ne peut qu’aimer ». Midi et soir la prière avait lieu au Parc des Expositions de Paris dans 3 grands halls. La décoration cette année était très belle. Les jeunes priaient devant un fond rouge-orange, sur lequel apparaissaient de larges peintures et des vitraux, déclinant les thèmes de l’eau (hall 6 ), de l’incarnation( hall 2-1 ) et de la Pentecôte (hall 4). Le choix était celui d’une beauté simple, aboutissement du travail d’un frère de Taizé et d’une équipe de jeunes bénévoles. Avec des matériaux modestes, la décoration favorisait le calme nécessaire au recueillement tout en permettant de méditer autour de quelques scènes bibliques représentées.

Ces scènes bibliques sont figurées de manière à être reconnues par tous. C’est cette nécessité qui a mené à puiser dans l’iconographie religieuse du Moyen-Age, caractérisée par une esthétique commune à tous les pays d’Europe. C’est également l’occasion de s’inspirer des trésors de la région parisienne en ce domaine : ainsi sont reconnaissables des motifs appartenant à des sculptures et à des vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Paris, de la cathédrale de Chartres, et de la Basilique Saint-Denis. L’après-midi des carrefours de réflexion avaient lieu dans de nombreuses églises de Paris, ainsi qu’au Sénat, à l’Hôtel de Ville, à la Sainte-Chapelle et à la Sorbonne. Nous avons été touchés par l’accueil chaleureux de la ville.

Une vingtaine de thèmes réflexion pouvant être regrouper en trois catégories, ont été proposés : 1) vie intérieure et connaissance de Dieu 2) responsabilités humaines 3) la beauté comme chemin vers Dieu (art et musique). Dans tous ces domaines, il s’agit d’encourager les jeunes à être créateurs là où ils vivent.

–Quel est le message de Taizé pour le monde ?

–Frère Émile : Un message de Taizé ? Ce n’est pas notre genre, mais j’aimerais citer ce passage de la lettre de frère Roger que les jeunes ont médité à Paris. «Pour que se lève une confiance sur la terre, c’est en soi-même qu’il importe de commencer : cheminer avec un coeur réconcilié, vivre en paix avec ceux qui nous entourent. Une paix sur la terre se prépare dans la mesure ou chacun de nous ose s’interroger : suis-je disposé à chercher une paix intérieure, prêt à avancer avec désintéressement ? Même démuni, puis-je être ferment de confiance là ou je vis, avec une compréhension pour les autres qui s’élargira toujours davantage ?»

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ZENIT Staff

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