Le Conseil des Droits de l'Homme : « Mettre l'homme au centre » de toute l'activité politique

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Par Mgr Lajolo

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ROME, Mercredi 21 juin 2006 (ZENIT.org) – « Le nouveau Conseil des Droits de l’Homme constitue une étape du combat important visant à mettre l’homme au centre de toute l’activité politique, nationale et internationale », affirme Mgr Lajolo.

Voici le texte intégral de l’intervention de Mgr Giovanni lajolo, Secrétaire pour les relations avec les Etats, mardi 20 juin au conseil de l’ONU pour les Droits de l’homme, à Genève.

* * *

Etat des droits humains

Monsieur le Président,

Je désire tout d’abord vous adresser mes félicitations pour votre élection à la direction de la présente Session du Conseil des Droits de l’Homme, en un moment particulièrement significatif pour la vie de l’Organisation des Nations unies, dont la finalité est directement liée au respect et à la sauvegarde des droits humains.

Le nouveau Conseil des Droits de l’Homme constitue une étape du combat important visant à mettre l’homme au centre de toute l’activité politique, nationale et internationale. Nous sommes arrivés à un moment-clé: les normes internationales des Droits humains, qui reconnaissent déjà les éléments essentiels de la dignité de l’homme ainsi que chacun des droits fondamentaux qui en découlent, s’orientent maintenant vers la création de procédures en vue de garantir la jouissance effective de ces droits.

Le Saint-Siège souhaite contribuer au débat en cours, selon sa nature et ses perspectives spécifiques, toujours en vue d’offrir une réflexion essentiellement éthique, qui aide aux décisions d’ordre politique qui sont à prendre ici.

Dans le droit et dans la conscience morale de la communauté internationale d’aujourd’hui, la dignité de l’homme se manifeste comme la semence d’où naissent tous les droits et elle se substitue à la volonté souveraine et autonome des Etats comme fondement ultime de tout système juridique, y compris le système juridique international. Il s’agit d’un développement irréversible mais, dans le même temps, il est facile de constater qu’en de nombreux pays, la réalisation de ce principe suprême n’a pas été accompagnée d’un respect effectif des droits humains.

Au contraire, une vision panoramique du monde nous montre que la situation des droits humains est préoccupante. Si l’on considère l’ensemble des droits énoncés dans la Déclaration universelle des Droits de l’homme et dans les Traités internationaux concernant les droits économiques, sociaux et culturels, et les droits civils et politiques, ainsi que d’autres instruments, il n’en existe aucun qui ne soit gravement violé dans de nombreux pays, malheureusement aussi chez certains membres du nouveau Conseil. Bien plus, il existe des gouvernements qui continuent de penser que c’est le pouvoir qui détermine, en dernière analyse, le contenu des droits humains et qui, en conséquence, se croient autorisés à recourir à des pratiques aberrantes. Imposer le contrôle des naissances, nier en certaines circonstances le droit à la vie, prétendre contrôler la conscience des citoyens et l’accès à l’information, nier l’accès à un procès judiciaire public et au droit d’assurer sa défense, réprimer les dissidents politiques, limiter indistinctement l’immigration, permettre de travailler dans des conditions dégradantes, accepter la discrimination de la femme, restreindre le droit d’association; tels sont seulement quelques exemples des droits les plus bafoués.

Importance du nouveau Conseil

Le nouveau Conseil des droits de l’Homme est appelé à combler le fossé entre l’ensemble des énoncés du système des conventions des droits humains et la réalité de son application dans les différentes parties du monde. Tous les Etats membres de ce Conseil devraient assumer individuellement et collectivement la responsabilité de sa défense et de sa promotion.

Dans le même temps, l’articulation hiérarchique entre les organismes les plus importants des Nations unies manifeste clairement le désir de l’Organisation de renouveler sa crédibilité aux yeux de l’opinion publique mondiale. En effet, le Conseil peut et doit être l’instrument qui oriente toutes les politiques internationales et nationales vers ce qui, selon le souhait d’un Pape qui a toujours soutenu la grande cause des Nations unies, est sa raison d’être: le service de l’homme, l’adhésion, pleine de sollicitude et de responsabilité, aux problèmes et aux tâches essentiels de l’existence terrestre, dans sa dimension et sa portée sociales, dont dépend aussi, en même temps, le bien de chaque personne» (cf. Jean-Paul II, Discours à l’Assemblée générale des Nations unies, 2 octobre 1979, n. 6).

Droit à la vie, à la liberté de conscience et de religion

Monsieur le Président,

Si le principe de la valeur inaliénable de la personne humaine est — comme nous le croyons — la source de tous les droits humains et de tout ordre social, permettez-moi de souligner deux corollaires essentiels:

Le premier est l’affirmation du droit à la vie depuis le premier moment de l’existence humaine, c’est-à-dire depuis la conception, jusqu’à sa fin naturelle: l’homme et la femme sont des personnes par le seul fait qu’elles existent, et non par leur plus ou moins grande capacité à s’exprimer, à entrer en relation ou à faire valoir leurs droits. Jamais un gouvernement, un groupe ou un individu ne peut s’arroger le droit de décider de la vie d’un être humain comme s’il n’était pas une personne, sauf en le rabaissant à la condition d’objet pour servir à d’autres fins, fussent-elles grandes et nobles.

Le second corollaire concerne les droits à la liberté de conscience et à la liberté religieuse, parce que l’être humain a une dimension intérieure et transcendante, qui est partie intégrante de son être même. Nier une telle dimension, c’est attenter gravement à la dignité humaine; cela revient à nier la liberté de l’esprit; je dirais même plus: c’est attenter à l’existence humaine même, parce que c’est transformer l’homme en un simple rouage d’un projet d’organisation sociale. C’est seulement par la liberté de conscience que l’homme est capable de se reconnaître lui-même et de reconnaître son prochain dans leur dimension transcendante, se transformant ainsi en un élément vivant de la vie sociale. Quant à elle, la liberté religieuse, dans ses dimensions personnelle et communautaire, privée et publique, permet à l’homme de vivre la relation la plus importante de sa vie, la relation à Dieu, de manière pure et sans faux-semblants qui sont indignes de lui et qui sont plus encore indignes de Dieu. Tel est l’espace intime et fondamental de la liberté que les Autorités de l’Etat doivent sauvegarder et non pas bafouer, respecter et non pas violer. Dans ce domaine, chaque violation par la force est une violation du domaine réservé à Dieu.

Bien entendu, comme toute autre liberté, la liberté religieuse doit s’insérer harmonieusement dans le contexte de toutes les libertés humaines. Elle ne peut se transformer en arbitraire: elle doit aussi se développer de manière harmonieuse et, en particulier, dans le respect attentif de la liberté religieuse d’autrui, dans le cadre des lois valables pour tous. De ce climat général de liberté responsable, l’Etat doit être dans le même temps le promoteur et le garant.

Attitude que l’on attend du Conseil des Droits de l’Homme

Aucun pays, quels que soient les circonstances et son degré de développement économique, ne peut se soustraire à l’obligation stricte de respecter tous les droits humains. Ces derniers ne peuvent pas être plus étendus en certaines cultures qu’en d’autres. Parce qu’il n’existe pas de pays dans lequel les hommes et les femmes auraient un degré de dignité humaine inférieur aux hommes et aux femmes d’autres pays.

Le Saint-Siège lance un appel à tous les Pays appelés à faire partie pour l
a première fois du Conseil des Droits de l’Homme. En premier lieu, il attend d’eux une attitude exemplaire, qui se concrétise par un examen sincère et profond des limites injustement imposées aux droits humains — avant tout à l’intérieur de leur propre territoire — et qu’ils s’emploient à rétablir ces droits dans leur intégrité, en suivant les orientations impartiales de la Communauté internationale.

Les pays riches doivent comprendre que la jouissance des droits humains de la part de tous les habitants d’un pays, y compris les immigrés, ne s’oppose pas au maintien et à la croissance du bien-être général ni à la préservation des valeurs culturelles. Les pays en voie de développement doivent comprendre que les processus de développement économique et la promotion de la justice et de l’égalité sociale seraient beaucoup plus efficaces et rapides si on reconnaissait pleinement les droits humains au lieu de ne pas les respecter pour des motifs utilitaristes. Le Saint-Siège croit en l’homme. La foi et la confiance en chaque homme, en chaque femme, jamais ne décevra.

Conclusion

Monsieur le Président,

La réponse que le Conseil des Droits de l’Homme apportera aux défis de liberté en de nombreux pays du monde — à commencer par les membres du Conseil eux-mêmes — met en jeu la crédibilité des Nations unies et de tout le système juridique international. Le Saint-Siège suivra avec attention et sympathie son travail. Depuis sa position d’Observateur auprès des Nations unies, le Saint-Siège est disposé à offrir sa totale collaboration, pour que l’action du Conseil des Droits de l’Homme permette que soit effectivement respectée la dignité de tout homme et de toute femme.

Je vous remercie de votre attention.

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ZENIT Staff

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