Le Christ, bon Pasteur libère du phénomène de la « massification »

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Par le père R. Cantalamessa

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ROME, Vendredi 5 mai 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 10, 11-18

Je suis le bon pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n’est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.
J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Le Père m’aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »

© AELF

Je suis le Bon Pasteur

Le quatrième dimanche du temps pascal est appelé « le dimanche du bon Pasteur ». Pour comprendre l’importance que revêt le thème du pasteur dans la Bible, il faut revenir à l’histoire. Les Bédouins du désert nous donnent aujourd’hui une idée de ce que fut, à une époque, la vie des tribus d’Israël. Dans cette société, le rapport entre pasteur et troupeau n’est pas seulement de nature économique, basé sur l’intérêt. Une relation presque personnelle se développe entre le pasteur et le troupeau. Des journées entières passées ensemble dans des lieux solitaires à s’observer, sans autre présence. Le pasteur finit par tout savoir de chaque brebis ; la brebis reconnaît et distingue parmi toutes les voix, celle du pasteur qui parle souvent avec ses brebis.

Cela explique pourquoi Dieu s’est servi de ce symbole pour exprimer sa relation avec l’humanité. L’un des plus beaux psaumes du psautier décrit l’assurance que donne au croyant le fait d’avoir Dieu comme pasteur : « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien… ».

Par la suite, le titre de pasteur est donné, par extension, également à ceux qui remplacent Dieu sur terre : les rois, les prêtres, les chefs en général. Mais dans ce cas, le symbole se divise : il n’évoque plus seulement une image de protection, de sécurité, mais aussi d’exploitation et d’oppression. Aux côtés de l’image du bon pasteur apparaît celle du mauvais pasteur, du mercenaire. Dans Ezéchiel on trouve un terrible réquisitoire contre les mauvais pasteurs qui ne paissent qu’eux-mêmes, d’où la promesse de Dieu de prendre lui-même soin de son troupeau (cf. Ezéchiel 34, 1 sq).

Dans l’Evangile Jésus reprend ce schéma du bon et du mauvais pasteur, mais avec une nouveauté : « Je suis le bon pasteur ! », dit-il. La promesse de Dieu est devenue réalité, en dépassant toute attente. Le Christ fait une chose qu’aucun pasteur, aussi bon soit-il, ne serait disposé à faire : « Je donne ma vie pour mes brebis ».

L’homme d’aujourd’hui rejette avec dédain le rôle de brebis et l’idée du troupeau, sans se rendre compte qu’il s’y trouve en plein milieu. L’un des phénomènes les plus évidents de notre société est la massification. Nous nous laissons entraîner passivement par toute sorte de manipulation et de persuasion occulte. D’autres créent des modèles de bien-être et de comportement, des idéaux et des objectifs de progrès, et nous les suivons ; nous les suivons, avec la peur d’être dépassés, conditionnés et hypnotisés par la publicité. Nous mangeons ce qu’ils nous disent, nous nous habillons comme ils nous l’enseignent, parlons comme nous entendons parler, avec des slogans. Le critère par lequel se laisse guider la majorité dans ses choix est celui du « così fan tutti » (tout le monde fait comme ça) de mémoire de Mozart.

Regardez comment vit la foule dans une grande ville moderne : c’est la triste image d’un troupeau qui sort ensemble, s’agite et se presse, à heures fixes, dans les wagons des trams et du métro puis, le soir rentre ensemble au bercail, vide de soi et de liberté. Nous sourions amusés en regardant se dérouler un film au rythme accéléré avec les personnes qui avancent par à-coups, rapidement, comme des marionnettes, mais c’est l’image que nous aurions de nous-mêmes si nous nous regardions de manière un peu moins superficielle.

Le bon Pasteur, qui est le Christ, nous propose de faire avec lui une expérience de libération. Appartenir à son troupeau ne signifie pas tomber dans la massification, mais en être préservé. « Où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3, 17), dit saint Paul. Cela signifie que là apparaît la personne avec sa richesse unique et son vrai destin. Là apparaît le fils de Dieu encore caché, dont parle la deuxième lecture de ce dimanche : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement » (1Jn 3, 2).

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ZENIT Staff

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