Le « cas sérieux » des homélies (V)

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Le prédicateur doit apprendre à « relativiser »

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Mgr Enrico Dal Covolo

Traduction d’Océane Le Gall

ROME, mardi 24 juillet 2012 (ZENIT.org) –  L’homélie à elle seule ne suffit pas à faire une belle eucharistie : il faut « relativiser », car en dernière instance c’est Dieu, uniquement Dieu qui parle vraiment au cœur de l’homme, souligne Mgr Enrico Dal Covolo, recteur de l’université pontificale du Latran, dans la cinquième partie de sa réflexion sur le ministère de la prédication.

En toile de fond de toute sa réflexion, le titre de la troisième partie de l’Instrument de travail du prochain synode : « Transmettre la foi »,  pour préparer la prochaine assemblée sur le thème de la Nouvelle évangélisation pour la transmission de la Foi chrétienne .

Les considérations faites dans les parties précédentes, aident  à « relativiser », dans un sens positif, l’homélie. Selon Mgr Dal Covolo, l’homélie ne doit pas être considérée toute seule, dans l’absolu. Celle-ci entre dans un contexte liturgique, mais aussi personnel lié à la vie même du prédicateur.

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Avant tout, ce qui relativise positivement le travail de celui qui prononce l’homélie est le fait qu’en dernière instance c’est Dieu, uniquement Dieu, qui parle vraiment au cœur de l’homme. Voire plus encore, selon nos Pères, Dieu ouvre son cœur à ceux qui écoutent la Parole: « Disce cor Dei in verbis Dei », ne se lassait pas de répéter Grégoire le Grand.

Pour sa part, le prédicateur tachera de garantir qu’il ya ait les meilleures conditions pour que cette rencontre entre le cœur de Dieu et le cœur de l’homme se réalise efficacement.

* Un autre contexte qui conditionne et relativise l’homélie c’est la vie même du prédicateur. Nous en avons déjà un peu parler, mais il convient de le souligner encore, partant de la définition même du  « Père » de l’Eglise: Un « Père », selon la Tradition de l’Eglise, n’est pas seulement quelqu’un qui parle et écrit bien. Un Père c’est un saint. S’il n’est pas un saint, il n’est pas « Père ». L’efficacité du mot est étroitement liée au témoignage de sa vie.

Il est bien connu que la magistère de Paul VI et de Jean Paul II a élaboré, peut-on dire, une vraie « théologie du témoignage », à partir de cette célèbre affirmation d’Evangelii Nuntiandi, selon laquelle le monde d’aujourd’hui a plus besoin de « témoins » que de « docteurs ».

C’est donc, en quelque sorte, la vie du ministre qui  donne de la valeur à la prédication. Cette affirmation n’est pas exagérée, sinon nous devrions tous nous taire. En tous cas, celui qui dit l’homélie doit être une personne compacte et forte dans le témoignage: une personne où les paroles et les faits sont interchangeables.

Vient à l’esprit le témoignage de Gandhi. Sir Stanley Jones, qui l’avait approché, lui  avait demandé de délivrer un message pour le monde. Le Mahatma l’avait regardé et, troublé, lui avait répondu: « Je n’ai pas une parole à dire, ma vie est mon message… ». Eh bien, pour nous, les choses se passent différemment.

Nous la Parole, nous l’avons : nous avons l’heureux message du Christ, nous avons le Credo des apôtres et de l’Église, nous avons la foi à transmettre. Mais cet Evangile ne saurait passer sans le témoignage de la vie: « Eritis mihi testes » [« Vous serez mes témoins »].

* Enfin, l’homélie s’inscrit dans la vie de la communauté chrétienne – normalement dans celle de la paroisse – où l’on célèbre. L’efficacité d’une homélie dépend aussi du témoignage de cette communauté chrétienne, de son engagement dans la vie ecclésiale, de sa participation dans la foi, l’espérance et la charité.

De ce point de vue-là nous avons le témoignage significatif des Confessions de saint Augustin. Ce ne sont pas les belles homélies de l’évêque Ambroise, que celui-ci appréciait pourtant, qui l’incitèrent d’abord à se convertir puis à se faire baptiser, mais plutôt le témoignage de l’Eglise milanaise qui priait et chantait, compacte comme un seul corps; une Eglise capable de résister au joug de l’empereur Valentinien et de sa mère Justine, qui, aux tous premiers jours de l’an 386, étaient revenus prétendre la réquisition d’une église pour des cérémonies ariennes. Dans l’église qui devait être réquisitionnée, raconte Augustin, « le peuple fidèle veillait, prêt à mourir avec son évêque. Nous aussi », et ce témoignage des Confessions est précieux, car il signale que quelque chose était en train de bouger au plus profond d’Augustin : « Nous-mêmes, encore froids à la chaleur de votre Esprit, nous étions frappés de ce trouble, de cette consternation de toute une ville » (Confessions 9,7).

On comprend à partir de là combien les « contre témoignages » personnels et communautaires peuvent influer négativement sur ce que nous disons; et saisir toute l’importance que Jean Paul II attribuait au fait de savoir demander pardon en tant que communauté, en tant qu’Eglise; l’importance d’éduquer nos assemblées aux liturgies de la pénitence et de la réconciliation.

6. Pour ne pas conclure…

L’homélie est vraiment un défi et une responsabilité, peut-être plus aujourd’hui qu’hier.

J’ai tenté de faire partager quelque réflexion et conseil, dictés en référence aux Pères, à l’expérience personnelle et aux diverses études et lectures.

A ce propos, concernant l’étude et les lectures, je recommande un outil précieux et très accessible. Il s’agit du Dictionnaire Homilétique (écrit par Manlio Sodi et Achille M. Triacca pour les Editions Elle Di Ci e Velar, Leumann – Gorle 2002), contenant une bibliographie pratiquement exhaustive accompagnant chaque entrée de mot. A l’exception du terme général « Prédication » (dans l’Eglise ancienne), écrit par le bénédictin Alexandre Olivar, on y trouve une belle « galerie » de Pères, d’authentiques modèles de prédications  dans l’Eglise d’aujourd’hui.

A en croire leur magistère, le « cas sérieux » des homélies s’inscrit sur le versant du témoignage de vie (le voilà l’engagement pénitentiel, de conversion) plutôt que sur celui de la méthodologie et des techniques (sans bien entendu sous évaluer ce second versant).

Mais le prédicateur peut se servir aussi de ce que Benoît XVI, quand il était le  cardinal Joseph Ratzinger, écrivait en introduction au christianisme à propos du théologien. Le prédicateur ne peut risquer d’apparaître une sorte de clown, qui récite son morceau « par métier ». Il doit plutôt – pour utiliser une image chère à Origène – apparaitre comme un disciple amoureux, qui a posé sa tête sur le cœur de son Maître, et qui de là a tiré sa manière de penser, de parler et d’agir.

A la fin de tout, le disciple amoureux est celui qui annonce l’Evangile en utilisant la manière la plus crédible et la plus efficace.

(La quatrième partie de la réflexion de Mgr Dal Covolo a été publiée lundi 23 juillet)

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ZENIT Staff

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