Le Cardinal Dulles intervient dans le débat Ratzinger-Kasper

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Les Eglises locales passent-elles avant l´Eglise universelle?

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CITE DU VATICAN, Lundi 11 juin 2001 (ZENIT.org) – Quelle Eglise a la priorité: l´Eglise universelle ou l´Eglise diocésaine ?

Cette question est au coeur du débat entre les cardinaux allemands Joseph Ratzinger et Walter Kasper. Un débat que le cardinal Kasper a relancé par un article publié récemment dans la revue des jésuites « America », écrit alors qu´il était évêque de Rottenburg-Stuttgart, avant qu´il soit nommé cardinal.

Le cardinal Kasper estime que l´Eglise diocésaine ou Eglise particulière passe avant l´Eglise universelle. Le cardinal Ratzinger estime quant à lui que l´Eglise universelle vient avant l´Eglise locale, aussi bien historiquement que ontologiquement. Il ne s´agit pas d´un débat purement académique car il touche aussi à l´autorité de l´évêque et à la manière dont les évêques doivent mettre en pratique les normes transmises par Rome.

Un troisième cardinal vient d´entrer dans le débat: le cardinal américain Avery Dulles. Il s´exprime dans un article qui sera publié prochainement par le magazine américain: « Inside the Vatican ».

« Le grief de Kasper contre la papauté et la curie romaine, écrit le cardinal Dulles, vient de son expérience pratique en tant que pasteur. En tant qu´évêque, il a constaté que de nombreuses directives venant de Rome étaient mal perçues par les prêtres ou les fidèles de son diocèse et que ceux-ci n´en tenaient pas compte. Si la priorité de l´Eglise particulière était respectée, estime-t-il, l´évêque diocésain pourrait adapter certaines règles à la situation de ses fidèles ».

Le cardinal Dulles resitue le débat Ratzinger-Kasper et cite un document publié par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dont le cardinal Ratzinger est le préfet.

Voici ce qu´il écrit: « Dans sa lettre ´Communionis notio´, publiée en 1992, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi expliquait que l´Eglise universelle n´est pas le résultat d´une communion des Eglises, mais qu´elle est, dans son mystère essentiel, une réalité, venant ontologiquement et temporairement, avant toute Eglise particulière individuelle (n. 9). Le cardinal Ratzinger insiste sur le fait que l´Eglise universelle n´est pas le simple résultat de l´expansion d´une communauté locale initiale. Pour lui, c´est la ´Jérusalem d´en haut » que Paul décrit comme ´notre mère´ (Ga 4, 26) ».

« Kasper ne nie pas la pré-existence de l´Eglise », poursuit le cardinal Dulles. "(…) Mais la pré-existence, estime-t-il, n´appartient pas seulement à l´Eglise universelle mais aussi aux Eglises historiques concrètes, qui sont de la même manière enracinées dans le mystère éternel de Dieu. Il ne démontre pas que la nouvelle Jérusalem décrite par le Nouveau Testament et dans les sources patristiques consiste en une multitude d´Eglises ».

« La priorité ontologique de l´Eglise universelle me semble presque évidente, car le concept même d´une Eglise particulière suppose une Eglise universelle à laquelle elle appartient, alors que le concept d´Eglise universelle n´implique pas qu´elle soit composée d´Eglises particulières distinctes », poursuit le cardinal américain.

« Sur le plan historique également, la priorité de l´Eglise universelle est évidente car le Christ a indiscutablement formé la communauté des disciples et préparé les apôtres pour leur mission alors qu´ils étaient encore tous rassemblés. Les Eglises particulières ne sont apparues que lorsque l´Eglise s´est dispersée et qu´il est devenu nécessaire d´établir des assemblées locales avec leurs propres responsables hiérarchiques ».

Le cardinal Dulles poursuit: « Kasper affirme que Ratzinger utilise la méthode de Platon, en partant des concepts universels au lieu de prendre le concept universel comme une simple abstraction de la réalité concrète qui est particulière, méthode plus chère à Kasper. Je crois que Ratzinger a une certaine affinité avec le Platonisme chrétien, mais dans le débat actuel il prend ses arguments dans l´Ecriture et dans la Tradition, et non pas dans la philosophie platonique. Il affirme clairement que l´Eglise universelle, animée par l´Esprit Saint, existe ici sur terre, dans l´histoire. Dans un article non signé, publié un an après Communionis notio, communément attribué à Ratzinger, l´auteur insiste sur le fait qu´il ne peut rien y avoir de plus concret que le rassemblement des 120 disciples à Jérusalem ».

A un autre moment, le cardinal Dulles met l´accent sur des phrases clé de la constitution dogmatique de Vatican II sur l´Eglise « Lumen Gentium ».

« Kasper affirme avec raison, écrit-il, que selon Vatican II, l´évêque reçoit la charge de gouverner (munus regendi) directement du Christ par l´intermédiaire du sacrement de l´Ordre (Lumen Gentium 21), mais il oublie de dire que l´évêque ne peut pas gouverner un diocèse particulier s´il n´a pas été dûment nommé par mission canonique et s´il ne demeure pas en communion hiérarchique avec le collège des évêques et avec son Chef, l´évêque de Rome (Lumen Gentium 24). L´évêque ne peut exercer sa charge d´enseigner et de gouverner qu´avec le consentement du Pontife romain (Lumen Gentium 22) ».

En ce qui concerne les préoccupations pastorales du cardinal Kasper, le cardinal américain mentionne dans son article les règles concernant l´admission à l´Eucharistie des chrétiens non-catholiques et des catholiques divorcés-remariés. Le cardinal Dulles considère comme problématique le fait de trouver des solutions locales à de telles questions.

« On peut trouver de bons arguments à la fois pour et contre le fait de donner la Sainte Communion dans certains cas problématiques », écrit-il. « Mais dans le cadre de l´article de Kasper, la question principale est de savoir si ce sont les Eglises particulières qui devraient de leur propre autorité trouver des solutions. La situation dans le diocèse de Rottenburg-Stuttgart est-elle particulière au point que le diocèse devrait être autorisé à agir comme bon lui semble dans ces deux domaines? »

« En lisant le texte de Kasper je ne vois pas pourquoi les problèmes à Rottenburg ou Stuttgart sont vraiment différents des problèmes de Munich, Johannesbourg ou New York. La politique autorisée à Rottenburg-Stuttgart, quelle qu´elle soit, ne concerne pas ce diocèse uniquement; elle aura inévitablement des répercussions dans le monde entier ».

Le cardinal Dulles conclut en défendant avec force l´office de Pierre. Il écrit: « Kasper, qui n´est en aucun cas un extrémiste, serait certainement d´accord avec le fait que l´Eglise catholique doit veiller à ne pas dégénérer en une fédération libéralisée d´Eglises locales ou nationales. Elle a beaucoup appris de l´expérience du Gallicanisme et des mouvements analogues au cours des siècles passés. En ce temps de globalisation et d´inculturation multiple, il est plus important que jamais d´avoir un office fort qui garde l´unité de toutes les églises particulières dans l´essentiel de la foi, de la moralité et du culte ».

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ZENIT Staff

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