Le bien commun, la gratuité et le profit, par Mgr Crepaldi

« Gratuité et profit dans la gestion d’entreprise »

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ROME, vendredi 18 novembre 2011 (ZENIT.org) – Comment articuler le bien commun, la gratuité et le profit? Mgr Giampaolo Crepaldi,  archevêque de Trieste et président de l’Observatoire international « Cardinal Van Thuân », présente ici le récent ouvrage de Giorgio Mion et Cristian Loza Adaui intitulé: « Vers le méta-profit. Gratuité et profit dans la gestion d’entreprise », (« Verso il metaprofit. Gratuità e profitto nella gestione d’impresa », Ed. Cantagalli). Celui-ci s’aventure sur un terrain nouveau, celui du « méta-profit » qui constitue d’ailleurs un néologisme.

Pour comprendre le sens de cette recherche il faut revenir à un passage de Caritas in veritate de Benoît XVI. Comme on le sait, l’encyclique affronte de nombreuses questions urgentes dont celle de l’érosion progressive des frontières entre le profit et le non-profit (ou not for profit comme certains préfèrent dire) par de nouvelles réalités économiques d’entreprise.

Voici le passage en question : « Considérant les thématiques relatives au rapport entre entreprise et éthique, ainsi que l’évolution que le système de production connaît actuellement, il semble que la distinction faite jusqu’ici entre entreprises à but lucratif (profit) et organisations à but non lucratif (no- profit) ne soit plus en mesure de rendre pleinement compte de la réalité, ni d’orienter efficacement l’avenir. Au cours de ces dernières décennies, une ample sphère intermédiaire entre ces deux types d’entreprises a surgi. Elle est constituée d’entreprises traditionnelles, – qui cependant souscrivent des pactes d’aide aux pays sous-développés –, de fondations qui sont l’expression d’entreprises individuelles, de groupes d’entreprises ayant des buts d’utilité sociale, du monde varié des acteurs de l’économie dite ‘civile et de communion’. Il ne s’agit pas seulement d’un ‘troisième secteur’, mais d’une nouvelle réalité vaste et complexe, qui touche le privé et le public et qui n’exclut pas le profit mais le considère comme un instrument pour réaliser des objectifs humains et sociaux.

Le fait que ces entreprises distribuent ou non leurs bénéfices ou bien qu’elles prennent l’une ou l’autre des formes prévues par les normes juridiques devient secondaire par rapport à leur orientation à concevoir le profit comme un moyen pour parvenir à des objectifs d’humanisation du marché et de la société. Il est souhaitable que ces nouveaux types d’entreprise trouvent également dans tous les pays un cadre juridique et fiscal convenable. Sans rien ôter à l’importance et à l’utilité économique et sociale des formes traditionnelles d’entreprise, elles font évoluer le système vers une plus claire et complète acceptation de leurs devoirs, de la part des agents économiques. Bien plus, la pluralité même des formes institutionnelles de l’entreprise crée un marché plus civique et en même temps plus compétitif » (n. 46).

Benoît XVI constate dans la réalité économique l’apparition de nombreuses situations où les entreprises sortent du cadre lucratif ou non lucratif. Non pas que cela tienne au fait que ces réalités économiques et d’entreprises se trouveraient dans une zone de frontière où le profit et le non-profit se superposeraient en se mélangeant entre eux, mais plutôt au fait qu’on a à faire à de nouvelles réalités, qui ne s’inscrivent dans aucune des deux catégories précédentes. Après avoir constaté la naissance de ce nouveau monde économique et l’avoir expliqué, le pape demande aux chercheurs d’approfondir le phénomène pour fournir à la politique et aux législateurs des outils qui, au plan juridique et fiscal, leur permettraient de mettre de l’ordre dans tout cela.

A noter que Benoît XVI affirme très clairement qu’il ne s’agit pas d’un « troisième secteur », cherchant ainsi, définitivement, à dépasser la conception « résiduelle » du non-profit, voire même l’articulation triangulaire de synergie entre le marché, la société civile et l’Etat comme anticipée par Jean-Paul II dans Centesimus annus. Ce dernier parlait de la « société du travail libre, de l’entreprise et dela participation » qui ne « s’opposent pas au marché, mais qui demandent qu’il soit dûment contrôlé par les forces sociales et par l’Etat ».

Le « méta-profit » n’est donc pas un « Troisième secteur », et la juxtaposition des trois dimensions ne rend pas compte de la réalité. La proposition de Benoît XVI s’enracine dans la structure générale de Caritas in veritate qui, comme j’ai voulu montrer dans l’introduction [1], est une invitation à privilégier le don, dans tout ce que nous produisons. Le don, selon le pape, appartient, par statut à l’activité économique et pas seulement par concession.

Ce livre, écrit par deux jeunes professeurs spécialisés en économie d’entreprise, s’inscrit précisément dans le cadre du « demi-profit » indiqué par Benoît XVI et fait sienne l’invitation du pape à approfondir sa connaissance. Le terme « méta-profit », né dans les murs de l’Observatoire international « Cardinal Van Thuân » sur la doctrine sociale de l’Eglise, s’adapte très bien à cette nouvelle réalité et à ce nouvel engagement. Le préfixe « méta », signifie en effet aussi bien « au-delà de » qu’ « à travers ». Il indique que le profit doit tendre vers quelque chose qui va au-delà de lui-même, vers lequel il a une fonction pratique et utile.

Il s’agit d’une nouvelle application de la conviction profonde de la doctrine sociale de l’Eglise selon laquelle la poursuite du transcendant permet aussi d’obtenir des résultats immanents.

Cet ouvrage se place dans le droit fil des activités de recherche de notre Observatoire, dans sa double fidélité à la doctrine sociale de l’Eglise et à la vérité des disciplines dans l’optique d’une ère ordonnée et disciplinée [2].

Mgr Giampaolo Crepaldi
Archevêque de Trieste
Président de l’Observatoire international « Cardinal Van Thuân »

Notes

[1] G. Crepaldi, Introduction à Benoît XVI, Lettre encyclique Caritas in veritate », Cantagalli, Sienne 2009, spécialement les pages 19-24: « le ‘recevoir’ précède le ‘faire’ ».

[2] G. Crepaldi et S. Fontana, La dimensione interdisciplinare della Dottrina sociale della Chiesa, Cantagalli, Sienne, 2006.

On peut acquérir l’ouvrage de Giorgio Mion et Cristian Loza Adaui, Verso il metaprofit. Gratuità e profitto nella gestione d’impresa (Cantagalli) à l’adresse suivante: http://www.amazon.it/gp/product/8882727378/ref=as_li_qf_sp_asin_il_tl?ie=UTF8&tag=zenilmonvisda-21&linkCode=as2&camp=3370&creative=23322&creativeASIN=8882727378

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ZENIT Staff

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