Le 17 octobre, pour refuser la misère dans le monde entier

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Le message du Père Wresinski

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Chaque année, depuis 1993, l’ONU célèbre la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, le 17 octobre : une journée mondiale adoptée à l’initiative du P. Joseph Wresinski (1917-1988), pour promouvoir la prise de conscience de la nécessité d’éradiquer la pauvreté et la misère dans tous les pays. Jean Tonglet, délégué du Mouvement International ATD-Quart Mondeen Italie et auprès du Saint-Siège, évoque les initiatives romaines du mouvement et la cause de béatification du P. Joseph.

Zenit – Comment célébrez-vous le « 17 octobre », sur quel thème?

Jean Tonglet – Ce que nous célébrons le 17 octobre, ce n’est pas la misère – il n’y a pas de quoi célébrer devant les désastres humains qu’elle provoque -; ce n’est pas non plus ce que font contre ce fléau les organisations internationales, les gouvernements, les municipalités, les organisations non gouvernementales, les églises, etc…C’est toujours trop peu et de toute manière, ils ne font que leur devoir. Ce que nous célébrons, ce devant quoi nous voulons nous incliner, c’est le refus de la misère que portent toutes les personnes et toutes les familles qui la subissent. Ce refus profond qui leur fait crier vers le ciel: « On n’est pas des chiens quand même! ». Ce refus nous le déclinons chaque année à travers un thème particulier. Cette année, c’est  « Ne laisser personne de côté :réfléchir, décider et agir ensemble contre la misère ». « Ne laisser personne de côté », c’est vouloir que la discrimination pour cause de précarité sociale disparaisse, c’est demander que l’on s’assure qu’aucune personne ne soit oubliée dans notre volonté de bâtir un monde plus juste. « Réfléchir, décider et agir ensemble contre la misère », c’est choisir de prendre des moyens pour que les personnes en situation de pauvreté deviennent les premiers partenaires des projets de lutte contre la pauvreté et pour le développement. C’est ensemble que nous arriverons à ne laisser personne de côté.

Il y a une plaque commémorative à Saint-Jean-du-Latran: les papes sont-ils venus? Ils adressent des messages?

Depuis l’année 2000, à l’occasion du Grand Jubilé, une réplique de la Dalle à l’honneur des victimes de la misère posée en 1987 à Paris sur le Parvis des Droits de l’Homme, a été inaugurée sur le parvis de la basilique Saint-Jean-du-Latran, la cathédrale du Pape. Jean-Paul II, Benoît XVI et François n’ y sont pas encore venus, même s’ils sont passés tout près, lors de la célébration annuelle de Corpus Domini! Nous attendons le Saint Père, quand il le voudra. Les plus pauvres l’attendent, ils ont besoin de son soutien, de son écoute et de sa parole. Les messages qui sont envoyés chaque année depuis la reconnaissance officielle de la journée par les Nations unies en décembre 1992 sont d’une grande importance et ils n’ont jamais manqués. Ceux qui n’ont jamais manqué de reconnaissance ne peuvent pas imaginer ce que signifie pour un enfant de la Corne de l’Afrique, une maman des Caraïbes, un papa vivant dans un slum dans une grande ville d’Asie, ou un jeune européen à la rue après avoir passé une bonne partie de son enfance loin de ses parents, placé en institution, d’entendre le Pape leur dire: « Vous êtes les préférés du Seigneur ».

Comment agir contre la misère? Le pape François parle de la « mondialisation de l’indifférence »… Mais n’y-a-t-il pas aussi une forme de résignation, de fatalisme?

Cette résignation ne nous appartient pas et cette phrase de l’évangile est instrumentalisée dans le sens du fatalisme et de la résignation. Le père Joseph Wresinski dans une homélie commentait ce texte en expliquant que le Christ n’appelait pas à la résignation, bien au contraire. Il disait à ses disciples, bientôt vous ne me verrez plus, moi, mais vous me verrez en la personne des plus pauvres, des exclus qui seront toujours avec vous, et moi à travers eux, vous appelant au changement, à la conversion, au partage, à la solidarité, à la fraternité.

Bien sur, la situation est grave, et elle s’est même détériorée dans certains pays. On est loin d’avoir atteint les objectifs que la communauté internationale s’était fixés au moment du Sommet du Millénaire. Mais cela doit nous inciter à redoubler d’efforts.

Le message du Père Wresinski est prophétique aujourd’hui?

Le noyau dur du message du père Joseph, dur au sens de son caractère central, mais aussi au sens de dur à avaler, si j’ose dire, reste totalement prophétique et révolutionnaire. Il faut bâtir l’avenir, le monde, la cité, l’Eglise, non pas simplement pour les plus pauvres, non pas simplement avec eux, mais à partir d’eux. Une église pauvre pour les pauvres, bien sur, mais plus encore, une église pauvres à partir des plus pauvres, en nous laissant enseigner, évangéliser par eux. Il nous faut, nous dit le père Joseph, regarder le plus pauvre comme une personne porteuse d’une expérience que nous n’avons pas, et dont nous avons à apprendre. Ils deviennent  alors des maitres à penser et pas seulement des maitres à servir. Le Christ ne disait pas autre chose en affirmant: » Je te bénis Père d’avoir révélé aux tout petits ce que tu as caché aux sages et aux savants… « 

Où en est sa cause de béatification?

Après le dépôt de la positio en décembre 2010, nous attendons maintenant son examen par les théologiens consulteurs. Cet examen nous a été annoncé pour le tout début de l’année 2015.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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