Le 13 mai de chaque année, l'anniversaire du pardon de Jean-Paul II

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Un puissant ressort de l’histoire de l’humanité

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Chaque année, depuis aujourd’hui 33 ans, le 13 mai, en la fête de Notre-Dame de Fatima, l’Eglise commémore aussi non pas tant l’attentat contre saint Jean-Paul II, que son pardon, immédiat, à son agresseur. Un pardon historique. Pour Jean-Paul II, pape de la Miséricorde divine, le pardon est un puissant ressort de l’histoire de l’humanité.

Jean-Paul II n’était pas simplement rescapé d’un danger mortel, grâce à la Vierge de Fatima, dont la couronne porte sertie la balle qui a frappé le pape : « Totus Tuus ».

Il était aussi l’homme du don de soi pour la vie de l’autre: il refusait tout gilet pare-balles.

Il était aussi l’homme du pardon offert au « frère » qui avait attenté à sa vie: il y voyait un don de Dieu.

Commémorer cet anniversaire c’est donc méditer sur cet héritage pour pouvoir se l’approprier. Pour Jean-Paul II, ce qui est en jeu, c’est la « fraternité » universelle.

Le pardon immédiat

Son secrétaire particulier de l’époque, le cardinal Stanislas Dziwisz a récemment confirmé à Zenit ce pardon immédiat : il était à ses côtés dans la voiture de l’attentat et dans l’ambulance.

Il l’a entendu murmurer des prières pour son agresseur : « déjà, il lui pardonnait ». Et, ajoute ce témoin éminent : il a offert sa souffrance « pour l’Eglise et pour le monde ».

Plus encore, il « remerciait le Seigneur d’avoir pu souffrir », a-t-il rappelé le 25 avril, à la veille de la canonisation. Don de soi et pardon.

A 17h21, le pape Wojtyla avait été atteint par deux projectiles tirés Mehmet Ali Agça, extrémiste turc de 23 ans. Le pape s’écroula sur la jeep. Autour de lui, peur et l’incrédulité. Il fut immédiatement emporté à l’antenne médicale du Vatican.  

L’infirmier qui l’a assisté sur l’ambulance, Leonardo Porzia, a pris littéralement le pape dans ses bras pour le placer sur un brancard. Il restera auprès du pape jusqu’à son hospitalisation à la polyclinique Gemelli.

Pour arriver à l’hôpital Gemelli, l’ambulance a mis alors 8 minutes : un record, à cette heure-là à Rome, si l’on ajoute que la sirène était en panne.

L’opération a duré cinq heures, tandis que la foule en prière, venue pour l’audience générale du mercredi, alors l’après-midi, ne quittait pas le parvis de Saint-Pierre. 
Mais lors de la transfusion sanguine, le pape devait contracter un cytomégalovirus (CMV) qui allait le conduire une seconde fois aux portes de la mort quelques semaines plus tard.

Une vie offerte

Jean-Paul II lui-même faisait mémoire chaque année cet anniversaire, mais en célébrant la messe – sacrifice du Christ et action de grâce – à l’heure de l’attentat.

Le postulateur de sa cause de canonisation, Mgr Slawomir Oder, a rappelé, dans « Le vrai Jean-Paul II » (2011) : « Rien n’était plus facile que de tirer sur le pape qui se montrait aux gens sans protection ». Sans protection matérielle. Il avait refusé le gilet pare-balles car, comme il le confiait à un ami : « Le pasteur doit toujours être au milieu de ses brebis, même au prix de la vie ». »

Rappeler l’attentat, c’est donc aussi rappeler que cette vie était totalement offerte, abandonnée entre les mains de la Providence, selon le titre de son livre sur sa vocation « Don et mystère », en même temps que le pardon a été accordé « aussitôt ». 

Jean-Paul II convalescent confia ce message au monde lors de la prière mariale du Regina Coeli, depuis sa chambre du Gemelli, le 17 mai 1981: « Je prie pour mon frère qui m’a frappé et auquel j’ai sincèrement pardonné ».

Deux ans plus tard, il s’est rendu à la prison romaine de Rebibbia, pour rencontrer son agresseur, le 27 décembre 1983. Il a expliqué ensuite: « Aujourd’hui, j’ai pu rencontrer mon agresseur et lui réitérer mon pardon, comme je l’avais aussitôt fait, dès que j’ai pu. Nous nous sommes rencontrés en hommes et en frères et toutes les vicissitudes de notre vie mènent à cette fraternité ». Le prix de la fraternité, qui passe par le sang versé et par le pardon offert.

L’émission télévisée française « La marche du siècle » consacrée au thème du pardon diffusera les images de la rencontre.

Lettre inédite à Ali Agça

Dans une « lettre ouverte » publiée pour la prmeière fois par Mgr Oder, en date du 11 septembre 1981, en vue de l’audience générale du 21 octobre, le pape affirme qu’il a pardonné dès l’ambulance, et il y voit un don de Dieu : « Le dimanche 17 mai, ces paroles ont été prononcées publiquement. Mais la possibilité de les prononcer plus tôt encore, dans l’ambulance qui me conduisait du Vatican à l’hôpital Gemelli, où j’ai subi ma première intervention chirurgicale décisive, je la tiens pour le fruit d’une grâce particulière accordée par Jésus, mon Seigneur et mon maître. Oui ! Je crois que c’est une grâce particulière de Jésus crucifié qui, parmi toutes les paroles prononcées sur le Golgotha, avait dit : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’il font [Luc, 23, 34] ». 

Jean-Paul II écrit encore: « L’acte de pardon est la condition première et fondamentale pour que nous, les hommes, ne soyons pas séparés et opposés les uns aux autres, comme des ennemis. Parce que nous cherchons auprès de Dieu, qui est notre Père, l’entente et l’union. C’est important et essentiel lorsqu’il s’agit du comportement d’un homme envers un autre… »

Humilité, fruit du pardon

Le texte prononcé à l’audience du 1er octobre 1981 – en italien sur le site du Vatican -, parle de ce pardon en termes de « grâce et mystère du coeur humain ». Jean-Paul II rappelle que Jésus, en croix, « nous a appris à pardonner » : « le pardon est une grâce à laquelle on doit penser avec humilité et avec une gratitude profonde. C’est un mystère du coeur humain, dont il est difficile de parler. Cependant, je voudrais m’arrêter sur ce que j’ai dit. Je l’ai dit parce que cela fait partie de l’événement du 13 mai dans son ensemble ».

Il confie que pendant ses trois mois d’hospitalisation lui sont souvent revenues en mémoire les pages de la Genèse sur le meurtre d’Abel par Caïn, qui parle du « premier attentat de l’homme à la vie de l’homme, du frère à la vie du frère ».

Plus jamais Caïn et Abel

« A cette époque, donc, a rapporté Jean-Paul II, toujours le 21 octobre 1981, quand l’homme qui a attenté à ma vie était sous procès, et quand il a reçu la sentence, je pensais au récit de Caïn et Abel, qui exprime bibliquement le « commencement » du péché contre la vie de l’homme ». 

Il applique sa méditation à la situation de l’humanité d’aujourd’hui : « A notre époque, où le péché contre la vie de l’homme est devenu menaçant à nouveau et de façon nouvelle, alors que tant d’hommes innocents périssent des mains d’autres hommes, la description biblique de ce qui est arrivé entre Caïn et Abel, devient particulièrement éloquente. Encore plus complète, encore plus bouleversante que le commandement même de « ne pas tuer ». Ce commandement appartient au Décalogue, que Moïse a reçu de Dieu, et qui est en même temps écrit dans le cœur de l’homme comme une loi intérieure de l’ordre moral pour tout le comportement humain ». 

« Est-ce qu’elle ne nous parle pas encore plus de l’interdiction absolue de « ne pas tuer » cette question de Dieu adressée à Caïn : « Où est ton frère ? » Et après la réponse évasive de Caïn – « Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? » – suit l’autre question divine : « Qu’as-tu fait ? La voix du sang
de ton frère crie vers moi depuis le sol !», a demandé le pape.

« Le Christ, a insisté Jean-Paul II, nous a enseigné à pardonner. Le pardon est indispensable aussi afin que Dieu puisse poser à la conscience humaine des questions pour lesquelles il attend une réponse en toute vérité intérieure ».

Proche de l’agresseur

Plus encore, le pape souligne la nécessité pour les chrétiens de « s’approcher » de celui qui a tué, avec le pardon pour seule arme: « En ce temps où tant d’hommes innocents périssent des mains d’autres hommes, il semble que s’impose un besoin spécial de s’approcher de chacun de ceux qui tuent, de s’approcher avec le pardon dans le cœur, et ensemble avec la même question que Dieu, Créateur et Seigneur de la vie humaine, a posée au premier homme qui avait attenté à la vie de son frère, et la lui avait enlevée – il avait enlevé ce qui est la propriété du seul Créateur et du Seigneur de la vie ».

Jean-Paul II insiste sur la leçon de ce 13 mai 1981 en concluant par les paroles du Notre Père sur le pardon : « Le Christ nous a enseigné à pardonner. Il a enseigné à Pierre à pardonner « jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (Matthieu 18, 22). Dieu lui-même pardonne quand l’homme répond à la question adressée à sa conscience et à son cœur avec toute la vérité intérieure de la conversion. En laissant à Dieu lui-même le jugement, et la sentence, dans sa dimension définitive, ne cessons pas de demander : ‘Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés’ ».

Le pardon, moteur de l’histoire

Pour Jean-Paul II, le pardon est un moteur de l’histoire. Son pardon a eu un impact certain sur le général polonais Jaruzelski, comme le rappelle Mgr Oder : « Après avoir été grièvement blessé dans un attentat en 1994, il décidera de ne pas punir les responsables, expliquant que l’exemple du pape l’avait profondément touché ».

Mgr Oder nous a confié, à propos de l’héritage spirituel de Jean-Paul II : « Il y a de très nombreuses interventions de lui sur la miséricorde, la magnanimité, la capacité d’imiter la grandeur de l’amour de Dieu qui se penche sur l’homme faible et fragile. Lui-même disait que le pardon – et cela, il l’a dit dans la lettre qu’il pensait publier, la lettre ouverte à Ali Agça après l’attentat, et qui ensuite n’a pas été publiée – il disait que le pardon est le fondement de tout vrai progrès de la société humaine ». 

Et d’expliquer : « La miséricorde signifie, essentiellement, la compréhension pour la faiblesse, la capacité de pardonner. Cela signifie aussi l’engagement à ne pas recevoir en vain la grâce que le Seigneur donne, mais produire dans sa vie des fruits dignes de qui a été « gracié », et revêtu de la miséricorde de Dieu ».

Mgr Oder n’hésite pas à affirmer que pour Jean-Paul II le pardon constitue un instrument politique, un moteur de l’histoire des Nations, « parce qu’il avait une vision chrétienne – théologique – de l’histoire, où tout ne peut pas être réduit à un simple jeu économique ou politique, où les éléments d’humanité – la compassion, la compréhension, le repentir, le pardon, l’accueil, la solidarité, l’amour -, deviennent des éléments fondamentaux pour faire une vraie politique de Dieu ».

Benoît XVI à Fatima

Lors de son pèlerinage à Fatima, le 12 mai 2010, Benoît XVI a évoqué la balle de l’attentat que Jean-Paul II a fait sertir dans la couronne de la Vierge Marie : « Le Vénérable Pape Jean-Paul II, qui t’a rendu trois fois visite, ici à Fátima, et qui a remercié cette « main invisible » qui l’a délivré de la mort lors de l’attentat du 13 mai, Place Saint-Pierre, il y a presque trente ans, a voulu offrir au sanctuaire de Fátima une balle qui l’avait blessé gravement et qui fut placée dans ta couronne de Reine de la Paix. C’est une profonde consolation pour nous de savoir que tu es couronnée non seulement avec l’argent et l’or de nos joies et de nos espérances, mais aussi avec le ‘projectile’ qui symbolise nos préoccupations et nos souffrances ».  

Une plaque commémorative

Depuis 2006, pour le 25eanniversaire de l’attentat, les visiteurs peuvent voir, Place Saint-Pierre, une plaque commémorative à l’endroit où le pape est tombé sous les balles d’Ali Agça.

Ce carré de marbre de 40 centimètres marque en effet le lieu où le terroriste turc – alors âgé de 23 ans – a grièvement blessé Jean-Paul II.

Placée sur le côté droit de la place lorsqu’on regarde la façade de la basilique, la plaque porte la date de l’attentat, en chiffres romains, et le blason de Jean-Paul II.

Les services secrets de l’armée soviétique auraient été, sur ordre de Léonide Brejnev, les artisans de l’attentat de ce 13 mai 1981, a indiqué en 2006 le sénateur italien Paolo Guzzanti, président de la « Commission Mitrokhine », qui enquêtait sur le rôle des services secrets soviétiques en Italie pendant la Guerre froide.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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