La trajectoire du card. Newman ou l’itinéraire d’un théologien pour aujourd’hui

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Un miracle reconnu comme dû à l’intercession du théologien anglais

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ROME, Mardi 14 juillet 2009 (ZENIT.org) – « Newman se rendit compte que l’enseignement donné au peuple catholique n’était pas idolâtre ou superstitieux comme il se l’était imaginé » : le P. Stern voit dans cette découverte un tournant dans la vie du – futur – cardinal John Henry Newman.

Le Saint-Siège vient de reconnaître le caractère miraculeux d’une guérison obtenue par l’intercession de John Henry Newman (1801-90), ce qui ouvre la voie à sa prochaine béatification (cf. Zenit du 3 juillet 2009). Le P. Jean Stern, Missionnaire de La Salette et membre de l’Association française des Amis de Newman, évoque pour les lecteurs de Zenit la figure du fameux théologien anglican devenu catholique et cardinal.

Zenit – Né dans une famille anglicane, Newman est entré en 1845 dans l’Eglise catholique. Comment expliquer l’intérêt et même la sympathie qu’il rencontre chez nombre d’Anglicans ?

Père Stern – Ils continuent à reconnaître en lui un des leurs, en ce sens qu’il est devenu catholique par fidélité à l’enseignement qu’il a reçu chez eux : pour commencer l’attachement au Créateur, à la Vérité. Puis son sens du mystère de l’Eglise, qu’il a découvert en fréquentant des Anglicans de la Haute-Eglise. Déjà comme Anglican il voyait dans les évêques les successeurs des apôtres. La communion avec les évêques nous donne la grâce de nous approcher « de la montagne de Sion, la Jérusalem céleste…, de Jésus l’unique Médiateur et de Dieu », enseigna Newman clergyman anglican. L’ensemble des Eglises régies par des évêques formait, à ses yeux, l’Eglise catholique.

Zenit – Il avait donc une très haute conception de l’Eglise. Mais comment justifiait-il alors le fait que son Eglise, l’Eglise d’Angleterre, se soit séparée de l’Eglise de Rome ?

Père Stern – La réponse est aussi claire que simple: c’est la perversion de l’Eglise romaine qui nous empêche nous, les Anglicans, de nous joindre à elle. L’Eglise de Rome n’est-elle pas infidèle aux enseignements transmis depuis les temps des apôtres, ne se livre-t-elle pas à des pratiques frelatées ? Qu’on songe au culte marial, inconnu de l’Eglise primitive. Newman admettait, toutefois, qu’entre l’Eglise de Rome et l’Eglise d’Angleterre existait un lien de parenté très réel, grâce à l’existence d’évêques remontant de part et d’autres aux apôtres. Il pensait que l’Eglise catholique se composait de plusieurs branches : l’Eglise de Rome, l’Eglise d’Angleterre et l’Eglise grecque. La pleine communion entre les branches et, surtout, entre Rome et l’Angleterre aurait dû être, en principe, la situation normale.

Zenit – Pourquoi cette agressivité contre l’Eglise de Rome, qui était pourtant à l’origine de la foi chrétienne en Angleterre ?

Père Stern – Il voyait là une triste nécessité. Il y a la parole du Christ : « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. » Plus tard, devenu catholique, Newman fera remarquer que critiquer Rome, attaquer Rome, est une nécessité vitale pour ceux qui en sont séparés. Dans sa fameuse Apologia, il citera un paradoxe formulé par un théologien anglican du seizième siècle, Bernard Gilpin : les protestants ne peuvent donner aucune justification de leur sécession, « si ce n’est que le pape est l’antéchrist ».

Zenit – Qu’est-ce qui va mettre en route le processus qui aboutira, en octobre 1845, à l’entrée de Newman dans la communion de Rome?

Père Stern – Durant les vacances d’été de 1839, Newman profita de ses loisirs pour étudier l’histoire ecclésiastique du cinquième siècle et la crise qui aboutit, en 451, au concile oecuménique de Chalcédoine. Il découvrit ainsi que l’hérésiarque Eutychès et les monophysites argumentaient, face à l’enseignement du pape saint Léon le Grand et du concile, d’une manière qui préfigurait la manière d’argumenter employée, du côté protestant et anglican, face au concile de Trente. En effet, les uns comme les autres refusaient l’enseignement conciliaire, sous prétexte que cet enseignement contredisait les enseignements contenus dans l’Ecriture et dans l’ancienne Tradition ou, du moins, sous prétexte que cet enseignement dépassait les limites de l’enseignement ancien.

Zenit – Voilà donc Newman troublé en 1839. Mais être troublé, ce n’est pas encore voir clair. Qu’est-ce qui l’aida à voir clair ?

Père Stern – Une seconde découverte faite peu après en 1839 : celle d’un principe mis en avant par saint Augustin au quatrième siècle, dans la controverse contre des chrétiens séparés. Voici ce principe : l’univers juge à bon droit que ceux qui se séparent de l’univers chrétien ont tort, purement et simplement. Au quatrième puis au cinquième siècle, d’importantes masses chrétiennes s’étaient séparées du centre de l’univers chrétien, à savoir le siège apostolique de Rome : les Nestoriens, les Monophysites. Le principe énoncé par saint Augustin permet de conclure qu’a priori ces masses avaient tort. Quant au siège apostolique de Rome, Newman se rendit compte qu’il demeure le centre de l’univers chrétien, au dix-neuvième siècle comme au seizième et au cinquième.

Zenit – Newman fit ces découvertes en 1839. Cependant il a attendu octobre 1845 pour devenir catholique. Quels obstacles a-t-il encore dû surmonter, et comment les a-t-il surmontés ?

Père Stern – L’ancien obstacle demeurait : la communion de Rome enseigne des sottises et fait commettre des sottises. Rejoindre Rome, ce serait se compromettre avec le mal. Newman se trouvait dans un cas perplexe.

Zenit – Qu’est-ce qui l’a aidé à sortir de cette ornière ?

Père Stern – Les lectures procurées par l’abbé Russell, professeur au grand séminaire de Maynooth en Irlande. Russell lui fit lire des livres pieux destinés aux gens simples. Newman se rendit compte, ainsi, que l’enseignement donné au peuple catholique n’était pas idolâtre ou superstitieux comme il se l’était imaginé.

Zenit – Avant de rejoindre la communion de Rome, Newman a écrit son fameux Essai sur le développement du dogme. Pourquoi a-t-il tenu à écrire le livre, avant de faire le pas décisif ?

Père Stern – Du fait qu’il était théologien, il estimait que c’était pour lui un devoir de conscience que de procéder à des vérifications. Toutefois quand il vit assez clair, il rejoignit Rome sans attendre d’avoir achevé le livre.

Zenit – Autrefois Newman reprochait à Rome de modifier les dogmes. Comment l’Essai sur le développement répond-il à cette objection ?

Père Stern – Sa réponse est aussi lumineuse que simple : pour demeurer intégralement fidèle au donné révélé, il est absolument nécessaire d’apporter des précisions, lorsque de nouvelles questions surgissent. Ainsi au cinquième siècle, face à l’hérésie en présence, la définition imposée par le concile de Chalcédoine était « la seule véritable expression de la doctrine orthodoxe ». La suite de l’histoire le confirmera. Le monophysisme était né d’un enthousiasme mystique, d’une volonté de rigoureuse fidélité aux enseignements de saint Cyrille d’Alexandrie, chez qui on rencontre effectivement l’expression « monophysis = une seule nature ». Mais chez Cyrille le mot physis = nature n’a pas encore le sens précis qu’il prendra par la suite. En enseignant que, dans le Christ, il y a deux natures, ce fut en réalité le concile de Chalcédoine qui resta fidèle à saint Cyrille. Ceux qui refusaient cet enseignement, ont malheureusement trop souvent montré une faiblesse, constitutionnelle pour ainsi dire, qui les poussait à se joindre aux hérétiques.

Zenit – Une fois dans l’Eglise catholique, tout fut
-il facile pour Newman ?

(à suivre)

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ZENIT Staff

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