La « Sagrada Familia » de Gaudi, une forêt de symboles dévoilée

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« L’architecte de Dieu » et son oeuvre, au Vatican

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ROME, jeudi 24 novembre 2011 (ZENIT.org) – On entre dans l’exposition consacrée, au Vatican, à « l’architecte de Dieu », Antoni Gaudi, comme – pourrait-on dire en termes baudelairiens – dans cette « forêt de symboles » qu’est Sagrada Familia de Barcelone, avec un certain « vertige ».

La Sagrada Familia, cette œuvre colossale vers laquelle semblent converger toutes les œuvres précédentes du génial Catalan, concentrant en elle des prouesses de technique, d’art et de spiritualité, dévoile ses secrets dans « le bras de Charlemagne » , le côté gauche de la colonnade du Bernin, jusqu’au 15 janvier, et gratuitement : « Gaudi et la Sagrada Familia de Barcelone : art, science et spiritualité ».

L’exposition est promue par deux institutions du diocèse de Barcelone – la Fondation Junta Constructora de la Sagrada Familia et la Fondation Joan Maragall – sous la houlette du Conseil pontifical de la Culture, présidé par le cardinal Gianfranco Ravasi. L’archevêque de Barcelone, le cardinal Lluís Martínez Sistach et des experts venus de la capitale catalane ont présenté ce jeudi matin, 24 novembre, au Vatican, cet événement culturel qui fait le tour du monde, réclamé en Chine et au Japon, avec l’aide de l’Action culturelle espagnole et, à Rome, de l’ambassade d’Espagne près le Saint-Siège.

Mais la personnalité qui a peut-être le plus touché la presse internationale accourue pour l’événement c’est l’architecte en chef des travaux du « Temple expiatoire de la Sagrada Familia », Jordi Bonet Armengol, septième successeur de Gaudi, mort en 1926, et témoin de l’esprit qui animait le maître d’œuvre : audace technique et résistance des matériaux. Il a employé du ciment armé pour les campaniles – au XIXe s. ! – Grâce à un mécène, magnat des ciments de Catalogne ! Aujourd’hui encore l’audace technique préside à l’achèvement des travaux, grâce notamment à l’informatique, et l’on construit solide, comme au temps des cathédrales, pour témoigner de façon durable de l’alliance de la foi et de la technique.

Une symphonie inachevée

Depuis sa consécration par Benoît XVI, le 7 novembre 2010, l’intérêt pour Gaudi et pour ce monument de l’art contemporain ne cessent de grandir, soulignent les organisateurs : la Sagrada Familia a attiré plus de trois millions de visiteurs en un an.

Mais cette symphonie de pierre ciselée et de matières, de couleurs et de transparences, de voûtes déstabilisantes, d’arcs et de volutes, de colimaçons et de rondeurs, de céramiques, de vitraux et de métaux bruts et polis, aux innombrables campaniles de ciment et d’acier travaillés comme des tuyaux d’orgue, et d’élans de colonnades faites pour des géants, reste encore inachevée.

« Mon client n’est pas pressé », disait Gaudi. Puis il prophétisait – le cardinal Martinez Sistach le rappelle – : « Saint Joseph l’achèvera ». La première intuition est venue d’une association de dévots de saint Joseph, d’où le vocable de « Sainte Famille ». Mais lorsque Benoît XVI-Joseph Ratzinger a consacré la basilique, quelqu’un y a vu l’accomplissement de la prophétie… Au bout de l’exposition, une vidéo sur grand écran permet de revoir les temps forts de cette célébration, en haute définition et avec des jeux de caméra qui rendent bien le « vertigineux » parcours du visiteur qui croyait s’asseoir et se reposer, et se trouve saisi par cette architecture envoûtante.

Le cardinal Martinez Sistach a rappelé qu’en consacrant la basilique de la Sainte-Famille, le pape a aussi eu un geste pour les familles concrètes d’aujourd’hui. Benoît XVI a rencontré, à la maison de l’« Oeuvre de l’Enfant Dieu » – Obra del Nen Deu –, des parents et leurs enfants trisomiques.

Pour le cardinal catalan, cette architecture met en relief « la réalité d’un temple magnifique pour sa beauté, sa majesté, sa symbolique, au centre d’une grande métropole comme Barcelone ». Il citait Benoît XVI : « Cette basilique est un signe visible du Dieu invisible, très nécessaire dans nos sociétés occidentales européennes, marquées par une culture laïciste, et l’indifférence religieuse ». La Sagrada Familia – architecture et mobilier sacré tout ensemble – ne laisse pas indifférent.

Le sacramental de pierre

Le commissaire de l’exposition, l’architecte Daniel Giralt-Miracle, soutient que la basilique n’est pas une simple oeuvre architecturale, mais une œuvre sacramentelle en pierre du XXIe s. » : on dirait, en termes techniques, un « sacramental », à l’instar – mutatis mutandis – des sacramentaux que sont les médailles de baptême ou la Croix des JMJ.

« C’est, dit-il avec un enthousiasme communicatif, ce que nous cherchons à expliquer aux visiteurs de la Sagrada Familia et c’est ce que nous expliquons dans cette exposition, en trois chapitres – art, technique et message chrétien -: c’est un voyage à travers l’architecture, de l’extérieur vers l’intérieur. Le but est de saisir la présence de Gaudi et de comprendre que ce ne sont pas seulement des pierres, mais que dans la Sagrada familia, il y a un esprit ».

Le cardinal Ravasi va jusqu’à parler d’architecture « vivante » qui « exprime aussi un peuple, comme ici, la Catalogne, qui est très fière de ses racines, de son histoire, de sa langue, de sa culture, et aussi de sa spiritualité, parce que justement, dans son sein, vivant, en perpétuel changement, il y a son témoignage de foi ».

Il évoque le « vertige » du visiteur, devant cette capacité monumentale à « donner une forme artistique » aux mystères de la foi, une capacité semble-t-il à « défier les lois de la nature ».

Un monde en suspension

Puis le visiteur est saisi, continue le cardinal Ravasi comme par un mouvement « d’ascension vers la transcendance » : on a l’impression de quelque chose « en suspension ». L’impression est à la fois physique, psychologique et spirituelle.

L’exposition le rend bien par le jeu des vidéo qui livrent des secrets d’effets architecturaux, par la maquette que l’on peut traverser pour en mieux saisir les plans intérieurs, grâce à un miroir qui permet à l’oeil de pénétrer jusqu’au cœur d’une dentelle de pierre.

Le cardinal Ravasi souligne comment aujourd’hui l’édifice pourrait inspirer l’architecture sacrée, qui ne doit pas seulement considérer la structure d’un ensemble, mais l’harmonie de l’édifice et du mobilier sacré, des sculptures et des peintures. Il a évoqué, dans l’échange avec la presse une réflexion sur l’éventuelle constitution au Vatican d’une commission « interdicastérielle » pour l’architecture sacrée.

On admire en effet à côté des volumes de pierre présentés par l’exposition un immense chandelier en fer forgé à 15 branches ou cet imposant encensoir de cuivre et de verre d’où les volutes de parfum doivent s’élever en faisant chatoyer la lumière.

Quant à l’achèvement de la basilique lancée en 1882, l’archevêque de Barcelone souhaiterait que ce soit pour 2026, pour le centenaire de la naissance « au ciel » de Gaudi. Mais il reste dix tours, deux sacristies, la chapelle du Saint-Sacrement, du baptistère, celle de la Vierge… La générosité des mécènes petits et grands décidera du rythme des travaux.

L’amour de l’art et le désir de Dieu

Achevée, au niveau diocésain, la cause de béatification ne l’est pourtant pas encore à Rome où les dossiers scellés sont arrivés, dans les bureaux de la Congrégation pour les causes des saints. Le cardinal Martinez Sistach souhaiterait aussi qu’elle aboutisse « au plus vite », mais il manque encore une pierre importante – la « positio », la biographie monumentale en phase d’achèvement – et la clef de voûte de l’édifice : un miracle.
Il fait observer que la construction de la Sagrada Familia a constitué un itinéraire spirituel pour Gaudi, qui s’est peu à peu dépouillé, spirituellement et matériellement : celui que l’on a appelé le « Dante de l’architecture » est mort pauvre, avec les pauvres.

Pour nourrir son art, il lisait, a révélé l’archevêque, « L’année liturgique » du grand bénédictin français, dom Prosper Guéranger (1805-1875), et sa méditation lui permettait de communiquer à la Sagrada Familia cet esprit qui fait pressentir la Jérusalem céleste sur la terre. Il alliat sa connaissance de la liturgie et sa connaissance du grand livre de la Création. Il disait, en désignant un arbre: « c’est mon maître ».

Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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