La rencontre interreligieuse de Naples et le choc des civilisations

Print Friendly, PDF & Email

Entretien avec le fondateur de la Communauté de Sant’Egidio

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

ROME, Dimanche 21 octobre 2007 (ZENIT.org) – Le dialogue interreligieux, tel qu’il est vécu à Naples, du 21 au 23 octobre, est une réponse au choc des civilisations, affirme le professeur Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio.

L’objectif de cette rencontre, inaugurée hier dimanche par Benoît XVI, est d’entretenir l’« esprit d’Assise », soit de la première Journée de prière des hauts représentants religieux, qui avait eu lieu dans la ville de Saint François le 27 octobre 1986.

« Pour un monde sans violence, religions et cultures en dialogue » : tel est le thème de cette rencontre internationale qui réunit jusqu’à mardi les plus hautes autorités religieuses de la planète.

Dans un entretien accordé à ZENIT, Andrea Riccardi estime que le livre de Samuel P. Huntington sur le choc des civilisations « doit être pris très au sérieux ».

« J’ai été surpris de voir que ce livre circulait énormément dans le monde arabe, et qu’il était même apprécié par certains milieux fondamentalistes, probablement parce qu’il raconte ce que beaucoup veulent s’entendre dire : ce choc est-il notre condition de vie ? Et ce qui s’est passé le 11 septembre serait la preuve que Huntington avait raison ? ».

« Je pense que nous traversons un moment difficile mais, dans ce contexte de difficulté, c’est à nous que revient la responsabilité d’inventer un modèle ou de le faire sortir de la réalité, et moi je dis que ce modèle c’est la civilisation du vivre ensemble ».

Un thème auquel le professeur Riccardi a consacré son ouvrage « Convivere » (vivre ensemble), publié aux éditions Laterza.

« Il y a plusieurs civilisations différentes, plusieurs religions. La civilisation universelle, cela n’existe pas et cela n’existe pas plus avec la mondialisation » a-t-il poursuivi.

« D’ailleurs mon livre parle justement de ce processus de mondialisation face au réveil des identités du passé, a-t-il ajouté. Car face à la mondialisation nous sommes tous nus, alors nous voulons nous habiller et arborer nos couleurs ».

« Les identités existent bien, les civilisations existent, les cultures existent, les nations existent, les religions ne meurent pas. Mais comment est-il possible que la sécularisation n’ait pu l’emporter ? Le monde n’est pas une grande France, où il y a plus de modernité et moins de religion ».

« Le besoin de religiosité est grand, partout, même en Europe. Alors le problème n’est pas de détruire l’identité mais de vivre ensemble » a-t-il estimé.

« Je pense que la laïcité est un modèle de cohabitation qui intéresse une poignée de pays : la France, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, et quelques autres encore. C’est un modèle intéressant et important, mais je suis convaincu que créer une séparation entre laïcs et croyants n’est pas ce qu’il y a de plus intelligent à faire dans les pays européens, car je crois que nos pays ont besoin du ‘ressourcement’, comme disent les français, d’aller aux origines, aux sources de leur propre discours religieux ».

Pour Andrea Riccardi, « créer des divisions au niveau du discours religieux est une chose stupide ». Il estime qu’il est nécessaire de « comprendre que la vie religieuse est une des composantes essentielles de notre identité. Naturellement pas la seule ».

La réponse se trouve dans la « civilisation du vivre ensemble », autrement dit dans la « capacité de faire vivre ensemble plusieurs mondes différents et de s’y fondre ».

« Depuis de nombreuses années je parle du métissage, qui est né au Mexique au moment de cette première grande mondialisation que fut la conquête de l’Amérique » a-t-il rappelé.

Cette cohabitation, a-t-il ajouté, repose sur le dialogue, « un dialogue qui ne veut surtout pas dire ‘perte d’identité’ ».

« Un dialogue sans identité n’existe pas. Donc le dialogue demande une forte identité, et le fait de dialoguer n’est pas en soi une identité. Si vous et moi dialoguons, c’est parce que vous représentez quelque chose à mes yeux et moi je représente quelque chose pour vous ».

« La deuxième chose que je voudrais dire c’est que chacun a en lui plusieurs identités, a-t-il poursuivi. Je suis catholique et je me définis comme tel, mais je porte en moi l’héritage laïc ; mon être chrétien est imprégné, implicitement, de la tradition juive, de l’expérience du contact avec une culture laïque et socialiste, et ainsi de suite ».

« Certains d’entre nous choisissent ce qu’ils veulent être, mais dans cette identité la pureté est un mythe, et très souvent un mythe dangereux, a-t-il relevé. Ce mythe inventé par les fondamentalistes est dangereux. Le fondamentalisme est une grande simplification ».

Voilà la raison pour laquelle Andrea Riccardi se dit fermement opposé au « relativisme », qui consiste à refuser toute vérité.

« Le relativisme est celui d’un monde sans histoire, d’un monde qui n’a pas tiré les leçons de la tradition, de ses origines. C’est là d’après moi le point crucial ».

« L’aveuglement de la modernité européenne réside donc dans le fait qu’elle ne veut pas tirer les leçons de la tradition. Alors que nous devrions le faire. La question du relativisme est très souvent une question de discours construit entre les quatre murs d’un laboratoire » a-t-il conclu.

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel