La Prière eucharistique III (16)

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« …sanctifie-les par ton Esprit… »

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La Prière eucharistique III (16)

« … sanctifie-les par ton Esprit… »

Une des caractéristiques des Prières issues de la réforme liturgique est de nommer explicitement l’Esprit Saint. C’est une nouveauté par rapport au Canon romain, la Prière I : Le Saint-Esprit n’apparaissait que dans la doxologie finale. Etait-il absent pour autant ? Nous y reviendrons.

Dans la Prière III, « l’Esprit Saint », le « Saint-Esprit » ou, simplement, « l’esprit » (avec une minuscule dans les livres de Messe) est nommé à six reprises : la place de l’Esprit Saint dans la Prière III est particulièrement soulignée.

L’Esprit Saint et l’imposition des mains

Avec, comme attribut, la puissance, l’Esprit Saint donne la vie et sanctifie toute créature, est-il dit dans le premier paragraphe de la Prière après le Sanctus. Maintenant, le prêtre demande au Père de sanctifier les offrandes par son Esprit, pour qu’elles deviennent le corps et le sang du Christ.

Tandis qu’il prononce ces mots, le prêtre tend les mains au-dessus des offrandes. En termes liturgiques, il « impose les mains ». Ce geste rappelle celui que Jésus accomplit bien des fois sur les malades, « avec la puissance de l’Esprit » (Luc 4, 14). L’Eglise naissante a repris ce geste. Dans les récits des Actes des Apôtres, il est presque toujours associé au don de l’Esprit Saint, à une consécration.

Les apôtres imposent les mains sur ceux qui deviendront les premiers « diacres ». Pierre et Jean imposent les mains sur les Samaritains, Paul sur les Ephésiens et, dans les deux cas, l’Esprit Saint est donné. De même, Ananie a imposé les mains sur Paul juste après sa vision sur le chemin de Damas, avec ces mots : « Sois rempli de l’Esprit Saint ». Quand Barnabé et Paul sont « laissés à leur mission », à la demande de l’Esprit Saint, les prophètes et les docteurs leur imposent les mains. Le récit continue : « Eux donc, envoyés en mission par le Saint Esprit… » Quant à Timothée, il a reçu le « charisme » de la succession apostolique par l’imposition des mains.

Aujourd’hui encore, l’imposition des mains est le rite majeur de l’ordination des évêques, des prêtres et des diacres. Dans les trois cas, la prière qui suit demande à Dieu de répandre ou d’envoyer l’Esprit Saint sur ceux qui sont consacrés comme évêques, prêtres ou diacres. De même, c’est l’imposition des mains qui est le rite central de la confirmation, sacrement particulièrement lié au don de l’Esprit.

Cette suite de remarques a deux buts. Tout d’abord, souligner l’importance, dans la liturgie, des gestes et des attitudes : celui de l’imposition des mains est un des plus fortement enracinés dans la tradition. D’autre part, suggérer que le Canon romain n’avait pas oublié l’Esprit Saint, même s’il ne le nommait pas. La dernière phrase avant la consécration demande au Père de sanctifier les offrandes par la puissance de sa bénédiction. Comme vous l’avez déjà noté, le mot « puissance » est souvent associé à l’Esprit Saint. Tandis qu’il prononce ces paroles, le prêtre impose les mains sur les offrandes. Les mots n’y sont pas, mais c’est la même foi qui s’exprime.

« … pour qu’elles deviennent… »

L’invocation de l’Esprit Saint, à ce moment de la Prière eucharistique, s’appelle « épiclèse » dans la langue liturgique : c’est l’équivalent, en grec, de « l’invocation », en latin.

L’emploi d’un mot grec n’est pas sans intérêt. Car les liturgies orientales accordent encore plus d’importance – ou, au moins, autant d’importance – à l’invocation de l’Esprit Saint qu’au récit de l’institution dans la célébration eucharistique.

De plus, c’est au Père que le prêtre demande d’envoyer l’Esprit Saint. Même si, comme dit le Credo, l’Esprit Saint procède du Père et du Fils, c’est bien le Père qui est la source absolument première. C’est donc à lui, en tout premier, qu’il convient de demander l’envoi de l’Esprit. Les Orientaux tiennent fermement cette affirmation. Sur ces deux points, les Prières eucharistiques récentes sont donc, indirectement, des actes œcuméniques.

A ce moment de l’action eucharistique (car la célébration n’est pas seulement une récitation de paroles et l’exécution de certains gestes : c’est une action, comme nous le verrons plus tard), l’invocation de l’Esprit évoque l’Annonciation. Quand Marie pose la question « comment cela se fera-t-il ? », l’ange répond : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance (encore la puissance !) du Très-Haut te prendra sous son ombre. C’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu » (Luc 1, 35).

La mission de Marie est identique à celle de l’Esprit Saint : former le Christ, donner corps (et pas seulement chair) au Fils de Dieu. C’est par l’Esprit Saint que Marie conçoit Jésus : l’enfant à naître est donc saint dès l’origine. De même, si l’Esprit Saint vient sur le pain et le vin, ils ne sont plus de simples symboles, repris pour une mise en scène émouvante. Ils deviennent des réalités infiniment saintes.

Dans le Credo, nous disons que l’Esprit Saint a parlé par les prophètes. Les prophètes, en leur temps, sont intervenus pour rappeler les promesses, inviter à vivre selon les exigences de l’Alliance et donner le sens des événements qui se déroulaient. Mais leur message pointait vers un avenir, la venue du Messie. Ils lui donnaient un nom : Emmanuel. Ils lui donnaient des traits apparemment contradictoires : il serait roi et serviteur. Le Mal ne l’emporterait pas sur lui.

Jésus n’est pas le portrait-robot du Messie, tel que les prophètes l’auraient dessiné. Il est trop surprenant pour correspondre à quelque portrait que ce soit. De même, d’ailleurs, aujourd’hui. Mais les prophètes ont mené au Christ. Ils ont orienté l’espérance des « pauvres du Seigneur », Marie, Joseph, Elisabeth, Zacharie, Syméon et la « prophétesse » Anne.

Dans un itinéraire de conversion, c’est l’Esprit Saint qui conduit les chercheurs de Dieu à reconnaître la Vérité en Jésus-Christ. Par l’Esprit, invoqué juste avant la consécration, les paroles de Jésus redites par son ministre vont nous donner sa présence vivante.

C’est par l’Esprit Saint que le Père nous donne son Fils. C’est aussi par l’Esprit Saint que le Père nous fait devenir ses enfants. Au long de la Prière III, nous retrouverons l’Esprit Saint et nous constaterons qu’il ne faut pas être trop simpliste quand on parle de lui : il est discret mais il joue bien des rôles…

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Jacques Perrier

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