La Prière eucharistique (7) Le Sanctus (1)

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A la sainteté de Dieu doit répondre la sanctification de ses fidèles

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La Prière eucharistique (7)

Le Sanctus (1)

La préface se conclut par une double acclamation. L’une et l’autre viennent de l’Ancien Testament. La première s’adresse à Dieu lui-même ; la seconde, à l’envoyé de Dieu, en qui les chrétiens reconnaissent, évidemment, le Christ. Il sera question, aujourd’hui, de la première acclamation : « Saint, le Seigneur ! »

La vision d’Isaïe

Les dernières phrases de la préface nous introduisaient dans la liturgie céleste, comme l’avait été le prophète Isaïe au jour de sa vocation (Isaïe 6).

L’action se situe dans le temple construit par Salomon, lieu de la présence de Dieu au milieu de son Peuple. Le jour où l’arche d’alliance y avait été introduite, « la nuée remplit le temple du Seigneur et les prêtres ne purent pas continuer leur fonction à cause de la nuée : la gloire du Seigneur remplissait le temple du Seigneur. » Salomon se félicite de sa prouesse : « Le Seigneur a décidé d’habiter la nuée obscure. Oui, je t’ai construit une demeure princière, une résidence où tu habites à jamais » (1 Rois 8, 10-13).

Cependant Salomon, dont la sagesse est proverbiale, n’est pas dupe : « Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j’ai construite » (verset 27). Dieu n’est pas enfermé dans le temple mais il écoute la prière qui lui est adressée en ce lieu auquel il a attaché son « Nom » (verset 29).

Il faut avoir en tête ce moment solennel dans l’histoire d’Israël quand on lit le chapitre 6 d’Isaïe. Depuis Moïse et Elie (et encore, de dos, pour celui-ci), nul n’a vu le Seigneur. D’ailleurs, dit l’Ecriture, nul ne peut voir Dieu sans mourir. Les prophètes reçoivent seulement ses messages. Isaïe a le privilège de « voir le Seigneur assis sur un trône (cf. l’Apocalypse, chronique n° 6) grandiose et surélevé » (Isaïe 6, 1). A proprement parler, Dieu n’est pas dans le temple. C’est seulement sa « traîne » qui le remplit.

Comme le voyant de l’Apocalypse, Isaïe entend le cantique céleste, que les séraphins se « crient » l’un à l’autre : « Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth, sa gloire emplit toute la terre » (Isaïe 6, 3). La formule liturgique est légèrement différente : « Saint, saint, saint, le Seigneur, Dieu de l’univers. Le ciel et la terre sont remplis de sa gloire ! Hosanna au plus haut des cieux ! »

« Toi seul es saint ! »

La qualification de « saint » doit être propre à Dieu pour être ainsi répétée. Elle lui est tellement propre qu’elle est, comme lui, indéfinissable. Le mot se rattache peut-être à l’idée de séparation. Dieu et la Création sont distincts. L’Ecriture n’est pas panthéiste. Isaïe n’est pas un prophète du New Age. Quand Dieu se manifeste à Moïse par le signe du Buisson ardent, il lui dit : « N’approche pas d’ici, retire tes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte » (Exode 3, 5).

La « sainteté » est tellement propre à Dieu que la formule « Le Saint, Béni soit-il ! » est une des formules juives les plus familières pour ne pas avoir à nommer Dieu lui-même.

Dieu est saint et nous lui demandons de se faire connaître comme tel. C’est la première demande du Notre Père : « Que ton Nom soit sanctifié ! » La Traduction œcuménique de la Bible restitue ainsi le verset 9, chapitre 6, de saint Matthieu : « Fais connaître à tous qui tu es. » Comment des hommes pécheurs pourraient-ils sanctifier Dieu ? « Saint est son Nom », dit Marie dans son Magnificat. En ramenant son Peuple de captivité, Dieu va « faire éclater sa sainteté » (Ezéchiel 36, 23). Comme au temps de l’Exode, c’est lui le Sauveur.

Mais Dieu n’est pas enfermé en lui-même. Au cœur de la Révélation, se trouve l’Alliance. Si le sabbat est un jour « saint », c’est parce qu’il évoque le repos de Dieu au septième jour mais aussi parce que le Juif le consacre à Dieu. Par leur acclamation, les séraphins « sanctifient le Nom de Dieu ».

Le Peuple d’Israël est un peuple « saint » parce que Dieu l’a choisi ; l’Eglise est « sainte », comme dit le Credo, parce que le Christ l’a aimée et s’est livré pour elle (Ephésiens 5, 25). Il revient aux fidèles de répondre à cette élection et de « rendre gloire à Dieu dans (notre) corps » (1 Corinthiens 1, 20). Comme à la grâce doit répondre l’action de grâce, à la sainteté de Dieu doit répondre la sanctification de ses fidèles.

Le Seigneur, Dieu de l’univers

Les traductions emploient le mot « Seigneur » : il remplace le nom divin que les Juifs, déjà au temps de Jésus, par respect, n’osaient plus prononcer. Ils ne conservaient que les quatre consonnes (« tétragramme »), imprononçables. « Seigneur » ou « Le Saint, béni soit-il » sont des substituts. La traduction de l’Ecriture en grec, puis la tradition chrétienne, ont suivi cet usage et ont donné au mot « Seigneur » une dimension divine.

La traduction liturgique a supprimé l’énigme du mot « Sabaoth ». Quelles sont ces « armées » que Dieu commande ? Il ne s’agit pas tellement des armées d’Israël que des armées célestes, les anges (voir chronique n° 6) ou les astres. Les armées sont le symbole de grands nombres, organisés, disciplinés, obéissants. Si Dieu est le Seigneur des êtres célestes, à combien plus forte raison de notre pauvre Terre et des pauvres humains que nous sommes !

Par la mention du ciel et de la terre, comme par le thème de la sainteté comme caractéristique de Dieu, le Sanctus renvoie déjà au Notre Père. Le Père est aux cieux ; il est à l’origine de toute paternité mais il n‘est pas père à la manière humaine. Nous lui demandons de se faire connaître pour ce qu’il est, le Père de tous les hommes, et nous voulons nous conduire comme ses enfants. Et que cela se réalise sur la Terre, comme il en est déjà ainsi dans le ciel !

La liturgie nous a gardé un mot hébreu : « Hosanna ! » Il encadre la seconde partie de l’acclamation. Nous le retrouverons à la prochaine chronique.

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Jacques Perrier

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