« La mission est toujours une avancée à travers les dépouillements inévitables »

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1807-2007 : bicentenaire des sœurs de saint Joseph de Cluny

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ROME, Vendredi 9 février 2007 (ZENIT.org) – « La mission est toujours une avancée à travers les dépouillements inévitables… Même après les catastrophes qui mettent à mal nos communautés, nous ne baissons pas les bras. J’admire nos sœurs d’Afrique qui après avoir tout perdu après les guerres, les pillages, sont prêtes, malgré les risques… à recommencer patiemment et courageusement », affirme la représentante légale de la congrégation des sœurs de saint Joseph de Cluny dans cet entretien à Zenit.

Il y a deux cents ans, la Bienheureuse Anne-Marie Javouhey, ses trois sœurs et cinq autres compagnes, se consacraient à Jésus Christ et Anne-Marie Javouhey fondait la nouvelle congrégation de Saint Joseph de Cluny. A la mort de la fondatrice, 140 communautés étaient déjà implantées dans les cinq continents. Aujourd’hui il existe plus de 400 communautés. Près de 3.000 sœurs sont engagées dans l’enseignement, les soins et l’accompagnement des plus nécessiteux, dans une soixantaine de pays environ.

Zenit : Sr. Dominique, la Congrégation des sœurs de Saint Joseph de Cluny célèbre cette année son bicentenaire. Comment organisez-vous les festivités ?

Sr. Dominique : Nous avons voulu vivre l’un des temps forts de l’année sur les lieux source, et le jour anniversaire du deuxième centenaire, c’est-à-dire le 12 mai. Autour de cette date nous aurons plusieurs rencontres : le 11 mai à Cluny, le 12 mai à Autun, le 13 à Chalon et puis Chamblanc et le 14 à Paris. Pourquoi ? Parce que nous sommes nées en Bourgogne, que c’est notre terre de fondation. Et nous avons vraiment voulu vivre ce moment du 2° centenaire, lui donner un impact pour rendre grâce, et en même temps pour vraiment venir puiser cette dynamique du début pour nous revivifier. Nous viendrons de tous les pays. Nous serons près de 200 religieuses, pour vivre un temps fort en Eglise avec les paroisses, avec les gens qui sont en lien avec nous, et je crois que ce sera vraiment un moment très très fort pour nous toutes.

Zenit : En quoi le message d’Anne-Marie Javouhey est-il toujours actuel ?

Sr. Dominique : Anne-Marie a toujours gardé le cœur disponible pour entrer dans ce que Dieu voulait et qui se manifestait, disait-elle, « par des situations dans lesquelles elle se trouvait sans les avoir cherchées ». Quand elle s’embarquait pour des missions périlleuses, ce n’était pas par goût de l’aventure mais en raison de l’intuition qu’à travers et au-delà du service que le gouvernement lui confiait, elle travaillerait à la promotion de l’homme et à la construction du Royaume.
Pour nous aussi ce discernement de l’appel de Dieu est essentiel quand il s’agit du travail missionnaire. Nous n’avons pas à reproduire ce qui s’est toujours fait, ni même parce qu’Anne-Marie avait fait tel choix à son époque, mais à faire aujourd’hui le choix qui semble le meilleur pour que notre vie soit Parole de Dieu et service de l’homme.

Anne-Marie croyait profondément à la valeur de tout homme, sans discrimination de race, de culture, de religion (elle admirait la ferveur des musulmans au Sénégal). Elle voulait permettre à chacun de se découvrir aimé de Dieu. Elle était attentive en particulier aux plus déshérités. C’est en ce sens qu’elle a travaillé à la libération des esclaves affranchis de Mana en Guyane.
Aujourd’hui, même si nous ne sommes plus confrontées aux mêmes réalités… bien des esclavages modernes existent. A nous d’y être attentives et d’y répondre.

Zenit : Parlons maintenant plus concrètement de votre expansion à travers le monde. Qu’est-ce qui a déterminé votre implantation dans tel ou tel pays en particulier ?

Sr. Dominique : Cette expansion missionnaire s’est faite à partir du moment où nos premières sœurs sont parties à l’Ile Bourbon en 1817, c’est-à-dire pratiquement 10 ans après la fondation. L’on peut dire que ce départ outre-mer a été un déclic qui a donné une expansion à la congrégation. C’est à partir de ce moment-là que les vocations ont vraiment afflué. Cela a été un essor qui s’est perpétué au gré des événements qui ont été parfois plus ou moins rapides qu’on ne le prévoyait, ou différents. Il y a eu aussi des événements douloureux qui nous ont amenées à réajuster nos implantations. Je pense par exemple au début du 20ème siècle, au moment de la laïcisation des établissements scolaires en France : nous avons dû fermer plus de 200 écoles et communautés. Si bien que les sœurs sont parties renforcer, dans les pays lointains, ce qui existait ou fonder d’autres implantations dans d’autres pays, notamment en Angleterre, en Espagne. Et puis il y a eu des événements comme la révolution en Espagne ou au Portugal qui nous ont également donné l’occasion de chercher d’autres lieux de mission. Puis au moment où certains pays d’Afrique ont vécu l’indépendance, par exemple en Guinée ou au Congo, ou à Madagascar, d’un jour à l’autre nous avons dû quitter nos écoles. Mais tout cela nous a amenées à réfléchir comment vivre la mission sur place, d’une autre manière, ou alors partir ailleurs.

A la mort d’Anne-Marie Javouhey, en 1851, les 2/3 de la congrégation se trouvaient en France avec un total de 1000 sœurs pour l’ensemble de la congrégation, et le tiers de la congrégation était à l’extérieur. Les sœurs, à cette époque, partaient de France, puis elles sont parties d’Irlande, puis du Portugal. Aujourd’hui le mouvement s’est inversé : le tiers se trouve en Europe et les 2/3 à l’extérieur, dont plus de 1000 sœurs en Inde. Les sœurs de l’Inde maintenant, ou d’Afrique, partent à leur tour en mission dans d’autres pays que le leur.

Zenit : Ceci a-t-il entraîné des changements, une évolution au niveau même de vos secteurs d’activités à travers le monde ?

Sr. Dominique : En fait, nos secteurs d’activité évoluent au fur et à mesure de nos implantations puisque nous sommes très polyvalentes comme le veulent les besoins de la mission. Par exemple, au niveau de la Lèpre (et il n’y a pas seulement la lèpre), il y a aussi les dispensaires, tous les dépistages, donc notre présence s’est réduite. Mais nous continuons toujours d’être très impliquées. La tuberculose a quand même aussi régressé dans certains pays, mais tout n’est pas acquis. Et puis, il y a les nouvelles pauvretés. Sur le plan du Sida il y a un énorme travail à faire, dans certains pays d’Afrique notamment. Il y a toute une évolution qui se fait sur le plan des activités, des nouvelles pauvretés, des exclus de notre époque, comme le monde des réfugiés par exemple, qui est un secteur dans lequel nous devons vraiment nous engager.

Zenit : En France, les sœurs de Cluny ont été en 1900 les premières infirmières de l’Hôpital Pasteur. Puis elles ont créé une école d’infirmière largement reconnue. Cette école a disparu en 1970, et les sœurs ont fini par quitter l’hôpital pasteur qui lui a fermé ses portes en 2000. Y-a-t-il eu d’autres cas comme celui-ci en d’autres endroits ou d’autres secteurs et qui constituent une véritable souffrance pour la Congrégation ?

Sr. Dominique : Oui, je pense en particulier à la souffrance éprouvée lors de notre retrait de l’hôpital psychiatrique de Limoux, après 150 ans de travail énorme depuis la fondation de cet hôpital par Anne-Marie. Elle avait commencé ce travail auprès des malades mentaux à Alençon alors qu’elle n’y était pas du tout préparée. Du reste, à cette époque, on ne soignait pas ce type de malades. On les maîtrisait pour qu’ils ne nuisent pas à l’entourage. Anne-Marie et ses sœurs se sont complètement investies pour rassurer et soigner ces malheureux et leur organiser des conditions de v
ie plus humaines. Forte de cette expérience, elle répond favorablement à la demande du Préfet de l’Aude d’ouvrir à Limoux un centre de soins pour ces mêmes malades.
Notre retrait de l’hôpital de Limoux en 1978, a été une épreuve, car c’était un service humanitaire très cher à notre Fondatrice et tellement d’actualité aussi ! Mais nous n’avions plus les moyens d’assumer ce service – même si une sœur continue d’y travailler dans le cadre de l’aumônerie.

Zenit : Quelle réflexion tirez-vous de ce genre d’épreuve pour vos missions futures ?

Sr. Dominique : La mission est toujours une avancée à travers les dépouillements inévitables : « Va, quitte ton pays ! » Même après les catastrophes qui mettent à mal nos communautés, nous ne baissons pas les bras. J’admire nos sœurs d’Afrique qui après avoir tout perdu après les guerres, les pillages, sont prêtes, malgré les risques, même avec de pauvres moyens, à recommencer patiemment et courageusement. C’est la force de la vie qui les pousse, la force de l’espérance. C’est l’esprit missionnaire qui les habite.

Le jubilé du bicentenaire de la congrégation des sœurs de Saint Joseph de Cluny a débuté en mai et juin 2006 avec le chapitre général à Paris, qui a confirmé sr Morag Collins, Ecossaise, comme supérieure générale pour un nouveau mandat de 6 ans. Les festivités se poursuivent tout au long de l’année 2007.

La congrégation des Sœurs de St Joseph de Cluny aujourd’hui :
Implantations : Europe, Amérique et Antilles, Afrique, Asie, Iles de l’Océan Indien et Océanie, avec 2925 sœurs en 412 communautés et 130 novices.

93 maisons en Europe
102 maisons en Afrique et Océan indien
115 maisons en Asie
78 maisons en Amérique et aux Antilles
24 maisons en Océanie

Fondations récentes dans de nouveaux pays : 1992, Pologne – 1993, Guinée Bissau, R.D. Congo, La Dominique – 1994, Philippines – 1995, Cameroun – 1997, Cuba – 1998, Tanzanie – 1999, Niger – 2001, Argentine

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ZENIT Staff

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