La langue latine : un pont entre l'humanité et l'Evangile

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Entretien avec le secrétaire de la nouvelle académie pontificale de la Latinité

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Salvatore Cernuzio

Traduction d’Océane Le Gall

ROME, mercredi 14 novembre 2012 (ZENIT.org) – « Celui qui a été éduqué à l’étude de la langue latine et accède, donc, à la littérature en langue latine, acquière une forme d’esprit qui l’aide à saisir l’harmonie entre l’humanitas et l’Evangile », souligne le P. Spataro, secrétaire de la nouvelle Académie pontificale consacrée à la Latinité.

« L’Eglise et les papes ont toujours eu une haute considération pour la langue latine et ils ont choisi d’en faire leur langue, parce qu’elle est capable de transmettre universellement le message de l’Evangile », souligne aussi Benoît XVI dans sa lettre apostolique, sous forme de motu proprio, marquant l’institution de cette Académie, qui dépend du Conseil pontifical de la culture (cf. Zenit du 10 novembre 2012).

Ayant pour objectif de promouvoir et mettre en valeur la langue et la culture latine, elle sera formée d’un maximum de 50 membres, entre membres ordinaires, chercheurs et amateurs de latin, qui seront nommés par le secrétaire d’Etat le mercredi 21 novembre prochain.

Son président sera le prof. Ivano Dionigi, Grand Recteur de l’Alma Mater Studiorum – Université de Bologne (Italie), et elle aura pour secrétaire le P. Roberto Spataro, S.D.B., secrétaire du Pontificium Istitutum Altioris Latinitatis de l’Université Pontificale salésienne. Ce dernier revient sur cette nomination pour les lecteurs de Zenit.

Zenit – Comment avez-vous accueilli cette nouvelle charge venue du Saint-Père ?

Roberto Spataro – Avec beaucoup de reconnaissance au pape pour la confiance accordée et avec les sentiments d’un salésien : don Bosco nous a laissé en héritage spirituel une dévotion inconditionnelle et affectueuse envers le pape et son magistère.

Pour quelle raison le pape institue-t-il cette académie?

D’après moi, il y a une raison contingente et une raison substantielle. La première : à l’intérieur des instituts de formation de l’Eglise catholique, l’étude du latin a beaucoup baissé et il faut inverser la tendance. La deuxième : Benoît XVI, par son très haut magistère, nous rappelle que la foi et la raison sont des alliées. L’immense patrimoine, à redécouvrir ou à découvrir, produit en langue latine, en témoigne.

Benoît XVI déclare dans sa lettre qu’à notre époque la langue et la culture latines sont « plus que jamais nécessaire ». Pourquoi ? 

Benoît XVI a une vision prophétique de l’histoire. Il a bien compris que le monde actuel traverse une crise anthropologique très grave. Pour la surmonter, il est indispensable de récupérer et répandre la culture humaniste qui a été forgée et diffusée, en bonne partie, en langue latine.

Comment l’Académie créera-t-elle des ponts entre les divers domaines de la langue latine, à savoir la recherche sur la tradition chrétienne, classique et païenne, les universités, les séminaires, etc ?

Je crois que l’Académie pourra remplir ses taches grâce à certaines conditions favorables : tout d’abord, son action est coordonnée par le Conseil pontifical de la culture, deuxièmement les académiciens représenteront un très large éventail d’institutions ecclésiales et laïques.

Quelle est la place de l’étude du latin dans la nouvelle évangélisation ?

Il existe beaucoup d’expressions de la foi et tant de documents régissant les contenus de la foi qui sont en latin. Je vous donne un exemple : j’ai connu des prêtres qui proposaient aux visiteurs de splendides catéchèses en commentant une épigraphe écrite en latin.

Mais il y a un rapport encore plus profond : celui qui a été éduqué à l’étude de la langue latine et accède, donc, à la littérature en langue latine, acquière une forme d’esprit qui l’aide à saisir l’harmonie entre l’humanitas et l’Evangile. Un exemple: Terence avec son homo sum et humani nihil a me alienum puto prépare la voie à l’esprit de fraternité enseigné par le Sermon de la montagne, ou bien, pour donner un exemple dans les siècles de l’humanisme européen, l’oraison de Pico della Mirandola sur la dignité de l’homme, est une exaltation du concept biblique du libre arbitre.

Constatez-vous un regain d’intérêt pour le latin ?

J’ai lu récemment un message d’un professeur de Pékin qui m’a parlé avec enthousiasme du nombre de plus croissant d’étudiants chinois qui sont fascinés par cette langue. Il existe même une association Latinitas chinoise très active qui a beaucoup de succès. Hier, un professeur de latin de l’université catholique américaine m’a parlé de divers projets d’éducation pour répondre à l’intérêt croissant pour le latin.

En Belgique il existe une école où certaines matières sont enseignées en latin. En Allemagne plus de 800.000 étudiants choisissent le latin. Pourquoi tout cela ? Je crois que beaucoup de jeunes, déçus par les doctrines des mauvais maitres, veulent puiser directement, sans la médiation des traductions, aux sources pures d’un enseignement authentique, celui de la Latinitas classique, chrétienne, humaniste, et retrouver une sorte d’innocence spirituelle.

L’Académie pontificale de la Latinité, selon son Statut, devra s’occuper de publications, de rencontres, des formations et organiser des expositions… quel est le lien entre le latin et le monde de l’art ainsi que celui de la formation ?

Le latin est une langue formative : elle possède des qualités de clarté et de sobriété qui aident à exprimer une pensée avec une lucidité et rigueur logique. Et puis l’art ! La langue latine est artistique, elle est belle: comment ne pas être en admiration devant la concinnitas de Cicéron ou devant celle de Tite-Live. Bien que plus mobile ? Comment ne pas s’enthousiasmer pour le recueil périodique de Sénèque qui nous invite à méditer avec ses phrases construites paratactiquement, brèves et pressantes ? Comment ne pas sentir le frisson de la beauté face aux fouilles psychologiques d’Augustin, exprimées dans un style unique classique et moderne, où les figures   rhétoriques donnent une vigueur très originale à la pensée ? Comment ne pas comparer à une architecture puissante et prestigieuse le style de Léon le Grand ? Et que dire de la poésie latine qui raconte les mythes où les grandes significations de l’existence humaines sont toutes exprimées dans des vers métriquement sonores, tel un chant qui berce les mouvements de l’âme, tous les mouvements, tous les sentiments du cœur, joies, douleurs, espérances, rêves, mélancolie, ivresses et amour ?

Une dernière question : est-il vraiment possible de bien apprendre le latin ?

C’est surtout une question de méthode. Depuis plus de 40 ans, circule partout, à la triste exception de l’Italie, une méthode dite naturelle. Là où celle-ci est appliquée sérieusement, les résultats parlent d’eux-mêmes: des étudiants qui triomphent dans les certamina, des jeunes qui lisent Tacite sans s’essouffler sur le vocabulaire et parlent en latin. Je voudrais rappeler à ce propos deux institutions qui ont fait ce choix: l’Académie Vivarium Novum, dont le siège est à Rome, un institut qui accueille des étudiants du monde entier, et le Pontificium Institutum Altioris Latinitatis, à l’université pontificale salésienne, mentionné dans les statuts de la toute nouvelle Académie pontificale comme l’institution ecclésiale privilégiée pour apprendre le latin.

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ZENIT Staff

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