La Fondation Wallenberg fait mémoire d’un religieux français qui a sauvé des milliers de juifs

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Le père Marie-Benoît, capucin

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ROME, Dimanche 3 décembre 2006 (ZENIT.org) – A l’occasion du quarantième anniversaire de la désignation du frère capucin Marie-Benoît comme « juste parmi les Nations », la Fondation internationale Raoul Wallenberg (IRWF, www.raoulwallenberg.net) a annoncé qu’une messe serait célébrée le 1er décembre en l’église « Saint Jean-Baptiste » à New York.

Le père Marie-Benoît, né le 30 mars 1895, au Bourg d’Iré (Maine-et-Loire), en France, (dans le siècle Pierre Peteul) fut un personnage légendaire. Ses contemporains l’ont décrit comme « l’homme des missions impossibles », « le père des juifs », « le personnage héroïque et légendaire qui a défié plusieurs fois la mort pour sauver les juifs de la fureur nazie », « un exemple pour tous ».

A la fin de la deuxième guerre mondiale, le père Benoît déclara qu’en « septembre 1943, dans la seule ville de Rome, le réseau d’assistance dont il avait hérité avait aidé un peu plus de cent juifs étrangers. En juin 1944 ils étaient passés à 4000 : 1500 juifs étrangers et 2500 juifs italiens ».

Le père Benoît connaissait bien la communauté juive. Etudiant à Rome, il obtint le prix du meilleur étudiant en hébreu et en judaïsme. Avant l’éclatement de la deuxième guerre mondiale, il avait été professeur de théologie et d’hébreu au séminaire des capucins à Marseille.

Il se trouvait au couvent des capucins, au numéro 51 de la rue Croix de Régnier, lorsque le gouvernement de Vichy publia le tristement célèbre « statut des juifs ». C’est ainsi qu’il transforma le couvent en un centre d’aide pour des centaines de réfugiés juifs et anti-nazis. Il fabriqua de fausses cartes d’identité et de faux sauf-conduits pour acheminer les réfugiés vers l’Espagne ou la Suisse. Mais lorsque Marseille et le sud de la France furent occupés par les Allemands, les espoirs d’une évasion en Espagne ou en Suisse s’évanouirent. Comme alternative, il restait l’Italie et les régions qu’elle occupait.

Le père Benoît se mit alors en contact avec Angelo Donati, directeur de la « Banque de Crédit » italo-française, un juif entièrement voué à la défense de ses coreligionnaires. Angelo Donati présenta au père Benoît un projet pour faire passer entre 30 et 50.000 juifs de France en Italie et de là au Maroc, en Algérie, en Tunisie. L’idée était d’obtenir une audience du pape Pie XII et à travers le Saint-Siège, de tenter de faire pression, concrètement, sur Mussolini.

Pour décider des questions à soumettre à l’attention du pape, le père Benoît rencontra les plus hautes autorités juives françaises : le président de la Communauté, M. Heilbroner, le Grand rabbin de France M. Schwartz, ainsi que le rabbin Kaplan, le Grand rabbin de Lille, M. Berman, le rabbin de Strasbourg, M. Hirschler, le rabbin de Marseille, M. Salze, le président de l’Union générale des Israéliens de France M. Raoul Lambert et M. Edmond Fleg, président des Explorateurs israéliens.

Le capucin français raconte que « tous les juifs eurent des paroles de respect et d’admiration pour le pape Pie XII ».

Le père capucin fut reçu en audience par le pape Pacelli le 16 juillet 1943. Il s’agissait d’obtenir des nouvelles des quelque 50.000 juifs français déportés en Allemagne ; d’obtenir un traitement plus humain des juifs internés dans les camps de concentration français ; de faciliter le rapatriement des juifs de nationalité espagnole ; de soutenir le projet de transfert en Italie puis en Afrique du nord, des juifs réfugiés dans les régions françaises occupées par l’Italie.

Immédiatement après sa rencontre avec le pape, après avoir reçu l’accord des Anglais et des Américains, le père Benoît envoya une lettre au comité juif de Lisbonne dans laquelle il se donnait pour tâche de sauver les 50.000 juifs présents en France, et expliquait qu’il avait, à cet effet, déjà engagé quatre navires qui devaient les conduire vers les côtes africaines.

La lettre date du 8 septembre 1943. Mais la signature, le jour même, de l’armistice italien, bloqua l’ensemble du projet. Les juifs français qui n’avaient pas réussi à fuir, terminèrent sous le contrôle de la Gestapo alors que les troupes nazies occupaient l’Italie.

L’œuvre du père Benoît en défense des juifs se poursuivit à Rome. Il rencontra un groupe de juifs qui fuyaient la France, au siège de la DelAsEm (Délégation pour l’Assistance aux Emigrés), la plus grande organisation juive italienne d’assistance durant la deuxième guerre mondiale.

Pour éviter la déportation, Settimio Sorani ainsi que d’autres dirigeants de la Délégation furent contraints de se cacher. La responsabilité de toute l’organisation fut confiée au père Benoît. Depuis le couvent des capucins, via Sicilia n. 159, à Rome, le père Benoît renvoyait les réfugiés dans les cachettes disséminées à travers la ville.

De nombreux réfugiés arrivaient au couvent en demandant au concierge si le « père des juifs » était là. Le père Benoît pensait à tout : il leur donnait de faux papiers, de l’argent pour vivre, des vêtements et un soutien moral.

L’ancien Grand rabbin de Rome, M. Elio Toaff raconte qu’à la fin de la guerre, « lorsque les alliés sont entrés à Rome et que la foule des juifs s’est retrouvée, spontanément, devant la synagogue, on ne retrouvait plus la clé ; la foule était désorientée, le Temple avait été saccagé par les allemands… Alors, au milieu de la foule apparut le père Benoît qui révéla – lui seul le savait – où se trouvait la clé. Il fut donc le premier à entrer dans le Temple de Rome et assista à sa re-consécration après la profanation des soldats allemands. Un épisode qui transcende tout le reste de son œuvre qui a pourtant excellé dans le bien : ce qui signifie une participation spirituelle ».

Le 26 avril 1966 la Commission de l’Institut Yad Vashem a reconnu le père Benoît comme « juste parmi les Nations ». Lyndon B. Johnson, président des Etats-Unis, écrivit le message qui suit, à l’occasion de l’inauguration d’un buste érigé à New York en l’honneur du père Benoît : « Les actes héroïques et fabuleux accomplis par le père Marie-Benoît en sauvant les juifs de la Gestapo, au cours de l’occupation nazie de Rome, doivent être pour nous, habitants des Etats-Unis, un exemple pour la protection et le respect des droits civils des hommes, sans discrimination de race, couleur ou religion ».

« Le père Benoît a vu la dignité de l’homme dans les juifs persécutés et a risqué plusieurs fois sa vie pour les sauver de la Gestapo et des camps d’extermination qui les attendaient. Il nous a indiqué, à tous, le chemin à suivre pour protéger les droits civils et humains de nos compatriotes et respecter leur dignité d’êtres humains comme nous », poursuit le message.

Joseph Lichten, alors directeur de l’Anti Defamation League, a affirmé : « Le père Marie-Benoît est l’une des figures légendaires de notre temps ».

Lewis Webster Jones, président de la Conférence nationale des juifs et des chrétiens a déclaré : « Les dimensions et la persévérance du père Marie-Benoît qui a aidé, en risquant sa vie, les juifs à fuir les griffes des nazis en France et en Italie, font de lui une figure exceptionnelle, une personne de laquelle nous devons tous nous inspirer pour agir en faveur des opprimés de toutes races et de tous pays ».

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ZENIT Staff

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