La foi et les Exercices spirituels de saint Ignace

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En parler peu, mais la mettre en oeuvre

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Dans les Exercices spirituels, saint Ignace de Loyola souligne l’importance de la vertu théologale de foi de différentes façons, mais il préfère en parler peu et que les exercices soient en quelque sorte une grande école de la foi.

Voici un parcours – très succinct et rapide – sur des questions qui ont produit des bibliothèques entières, mais qui peut se révèler éclairant pour la réflexion du pape François sur la foi.

La foi de Madeleine

Tout d’abord en faisant contempler les mystères de la vie du Christ, il fait contempler le peu de foi des disciples, et la belle foi de Madeleine, intimement liée à son amour.

Au n° 279/3, dans l’épisode de la tempête apaisée, le Christ reproche aux disciples leur « peu de foi ». Au n° 280/4, le Christ reprend Pierre pour son « manque de foi ». Au n° 282, le Christ dit à la femme: « Ta foi t’a sauvée, va en paix ».

Puis, il évoque la vertu théologale de foi à propos de sa définition de la « consolation spirituelle ». Il dit notamment appeler consolation « tout accroissement d’espérance, de foi et de charité, et toute allégresse intérieure qui appelle et attire aux choses célestes et au salut propre de l’âme, l’apaisant et la pacifiant en son Créateur et Seigneur » (n° 316/4). Grandir dans la foi s’accompagne d’allégresse intérieure: c’est la joie de la foi.

La foi et les oeuvres

Au n° 366, il énonce une règle (15e règle) « pour avoir le vrai sens dans l’Eglise ». Tout en invitant à « faire très attention dans la manière de parler et de s’exprimer sur toutes ces questions », il affirme qu’il est vrai que « personne ne puisse se sauver sans être prédestiné et sans avoir la foi et la grâce », autrement dit sans le don de Dieu. Et plus loin, il insiste en même temps sur la réponse de l’homme, de sa liberté, à ce don.

Autre mise en garde (16e règle) au n° 368, dans laquelle on perçoit les débats théologiques opposant la foi et les oeuvres: « Il faut faire attention à ce que, parlant beaucoup de la foi et avec beaucoup de ferveur, sans aucune distinction et explication, on ne donne occasion au peuple d’être relâché et paresseux dans les oeuvres, soit avant d’avoir la foi informée par la charité, soit après ». Loin d’opposer la foi – don de Dieu – et les oeuvres – de la volonté humaine -, saint Ignace souligne que leur exercice conjoint est indispensable à la vie chrétienne.

Le poison qui supprime la liberté

Au paragraphe suivant (17e règle), n° 369, il souligne que ce qui est en jeu c’est la liberté humaine: « On peut parler de la foi et de la grâce autant qu’il est possible, avec le secours divin, pour une plus grande louange de sa Divine majesté, mais non d’une telle façon ni de telle manière que, surtout à notre époque si dangereuse, les oeuvres et le libre arbitre en subissent quelque préjudice ou soient comptés pour rien ». Il met en garde contre « le poison qui supprime la liberté ».

Finalement, dans les Exercices spirituels, ces mentions de la foi sont relativement brèves et peu nombreuses. Il apparaît ainsi que saint Ignace a le premier mis en pratique ces règles: parler peu de la foi (l’encyclique du pape sur la foi elle-même est brève!). Mais les Exercices ne visent peut-être pas à autre chose qu’à raviver la foi du baptisé, et à la mettre oeuvre, à susciter cette orientation et ce mouvement décisif de la liberté humaine vers son bien.

Peut-être peut-on lire un écho de cet enseignement, somme toute biblique, dans les paroles du pape François à l’angélus, dimanche dernier, 30 juin: soulignant que le Christ n’était pas « télécommandé », il a affirmé: « Jésus nous veut libres », et non pas des chrétiens « télécommandés ». La vertu de foi, don de Dieu est en même temps une vertu à exercer, à mettre en oeuvre par la liberté humaine, à vérifier dans les oeuvres, dans l’action concrète, incarnée.

Quand Bergoglio lit Ignace

Dans son petit livre « Dieu dans la ville  » (Téqui, 2013) le cardinal Jorge Mario Bergoglio manifeste à quel point il est imprégné des Exercices spirituels, dans ce passage très significatif par exemple: « Dans la contemplation de l’incarnation, saint Ignace nous ‘fait regarder comme’ la Très Sainte Trinité regarde le monde. Le regard que propose Ignace n’est pas celui qui s’élève du temps à l’éternité à la recherche de la vision béatifique définitive pour ensuite ‘déduire’ un ordre temporel idéal. Ignace propose un regard permettant au Seigneur de ‘s’incarner à nouveau’ (ES 109) dans le monde tel qu’il est. Le regard des trois Personnes divines est un regard « qui s’implique ». La Trinité contemple ‘toute la surface de la terre couverte d’hommes’, et fait son diagnostic et son programme pastoral. ‘Voyant’ que tous perdent la plénitude de la vie (‘se précipitent en enfer’), elle ‘décrète dans son éternité [Ignace pénètre dans le désir le plus intime et définitif du cœur de Dieu, la volonté salvifique que tous les hommes vivent et soient sauvés] que la seconde Personne se fasse homme pour sauver le genre humain’ (ES 102). Ce regard universel se concrétise immédiatement. Ignace nous fait contempler ‘en particulier la maison et la chambre de Notre-Dame dans la ville de Nazareth, en Galilée’ (ES 103). »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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