La femme adultère est une « femme otage », par le P. Le Boulc'h

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Homélie du dimanche 21 mars

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ROME, Vendredi 19 mars 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 21 mars, proposé par le P. Laurent Le Boulc’h.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (8, 1-11)

Jésus s’était rendu au mont des Oliviers ; de bon matin, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner.
Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en train de commettre l’adultère. Ils la font avancer, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? »
Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il traçait des traits sur le sol.
Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. »
Et il se baissa de nouveau pour tracer des traits sur le sol. Quant à eux, sur cette réponse, ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme en face de lui.
Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-il donc ? Alors, personne ne t’a condamnée ? »
Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

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Une femme otage

Tout dans ce récit de l’Evangile fait de la femme un otage. Une femme otage comme tant d’autres hélas dans notre monde.

Cette femme est otage de son désir et de celui de l’homme qui l’ont conduit à son infidélité.

Elle est otage de la loi de Moïse qui la condamne à la mort par lapidation.

Elle est otage des scribes et des pharisiens qui jouent avec elle et la réduisent à un appât pour mieux piéger Jésus.

Combien sont-elles de part le monde, otages de l’infidélité, de la dureté de la loi ou de la ruse des hommes ?

Cernée de toutes parts, la femme otage semble perdue. Pieds et mains liés. Le flagrant délit d’adultère ne lui laisse aucune chance. Pas besoin de procès.

Elle se tient là, silencieuse, comme absente au drame qui se prépare. La vie n’est plus en elle. Tout paraît déjà consommé.

« Dans la loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes là. Et toi qu’en dis-tu ? »

Etrange : il y a du sermon sur la montagne dans cette question des scribes et des pharisiens posée à Jésus. « On vous a dit… et bien moi je vous dis » proclamait alors Jésus se faisant le Maître de la Loi au grand scandale de ses docteurs.

Curieux aussi comme l’Evangile s’emploie à décrire les positions de Jésus. Jésus est abaissé quand il enseigne, quand il entend la provocation des scribes et des pharisiens, quand ceux-ci s’en vont. Mais il se redresse quand il leur parle et qu’il parle à la femme. Autorité de sa Parole qui vient d’en haut.

Sa parole, de fait, est tranchante comme l’épée. « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » La Parole de Jésus est imparable. Elle met le doigt sur le péché qui enlaidit le cœur de chaque homme, fût-il scribe ou pharisien. Elle déroule l’universelle complicité des humains dans le mal. Elle leur dit que condamner les autres c’est se mettre en devoir aussi de se condamner soi-même. Seul le juste, celui qui est sans péché a le pouvoir de condamner. Dieu seul donc.

La femme est libérée du premier cercle qui la rendait otage. « Ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés », souligne avec humour l’Evangile, laissant entendre par là à quel point le péché accompagne la vie des hommes.

La voici donc, la femme, avec Jésus seul. Car Jésus demeure. Lui, le seul juge parce que le seul innocent. Lui, l’homme qui vient de Dieu qui seul est en mesure de condamner l’homme pécheur.

Voici la femme devenue otage de Jésus. Mais être otage de Jésus c’est trouver la liberté.

Jésus commence par lui rendre la parole : « Femme, où sont-il donc ? Alors, personne ne t’a condamnée ? » « Personne, Seigneur » Déjà en cela, la femme n’est plus réduite à un objet de plaisir, de législation ou de cruauté, mais elle redevient un sujet en relation.

« Moi non plus, je ne te condamne pas. » La miséricorde libère la pécheresse de sa condamnation. La loi elle-même ne la tient donc plus en otage.

La femme s’est vue par Jésus libérée de son enfermement d’otage de la loi et de la ruse des hommes. Mais il demeure encore l’esclavage de son désir.

«  Va, et désormais ne pèche plus » lui commande Jésus. C’est de son propre désir que Jésus appelle la libération. Femme ne soit plus l’otage de ton plaisir. Deviens libre.

Le Christ est ainsi un don extraordinaire de liberté pour ceux qui l’accueillent. Par la puissance de son Esprit, il nous libère de la dureté de la loi, de la cruauté des hommes, de la servilité à nos désirs les plus bas, car il nous fait don de la miséricorde du Père, de la Parole qui ne craint pas le mal ni la mort, de l’Esprit qui élève nos désirs.

Qui peut douter que si Paul, au temps où il s’appelait encore Saul, avait été présent à cette scène, il aurait fait partie du cercle des pharisiens les plus endurcis, tenant sa pierre à la main.

Otage lui aussi de la sévérité de la loi, de l’endurcissement du cœur, et du désir de mort.

Mais voilà que la rencontre du Christ ressuscité sur la route de Damas a tout bouleversé. Dans sa lettre aux Philippiens que nous recevons en seconde lecture il nous livre son témoignage brûlant : « À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des balayures, en vue d’un seul avantage, le Christ, en qui Dieu me reconnaîtra comme juste. Cette justice ne vient pas de moi-même – c’est-à-dire de mon obéissance à la loi de Moïse – mais de la foi au Christ : c’est la justice qui vient de Dieu et qui est fondée sur la foi. »

Comme la femme adultère, Paul s’est retrouvé justifié non par l’obéissance à la loi mais par sa foi dans la miséricorde infinie du Père donnée gratuitement dans la rencontre de Jésus le Ressuscité. Et le voilà Paul, radicalement transformé par cette nouvelle, vouant sa vie à la proclamer à tous.

« Ne vous souvenez plus d’autrefois, ne songez plus au passé. » proclamait déjà le prophète Isaïe dans la première lecture. Ne restez pas prisonniers de vos vieux désirs, de la loi ancienne, et de vos cœurs endurcis. A quelques jours de Pâques, entrez dans la libération du Christ qui ouvre à tous les hommes un nouvel avenir dans la miséricorde du Père, la conversion du cœur et la libération de nos violences. Amen.

Le P. Laurent Le Boulc’h est curé de la paroisse de Lannion et modérateur de la paroisse de Pleumeur Bodou, secrétaire général du conseil presbytéral du diocèse de Saint Brieuc et Tréguier (Côtes d’Armor – France).

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ZENIT Staff

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