La dimension publique, politique et sociale du pardon

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Message du pape à l’occasion de deux Congrès de Droit pénal

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Le pape souhaite que le pardon « ne reste pas seulement dans la sphère privée » mais ait « une vraie dimension politique et institutionnelle » dans l’administration de la Justice.

Le pape François a fait parvenir un long message en espagnol, aux participants au 19e Congrès de l’Association internationale de Droit pénal – qui aura lieu fin août à Rio de Janeiro – et au IIIe Congrès de l’Association latino-américaine de Droit pénal et criminologie.

Il propose trois modèles bibliques, le Bon samaritain, le Bon larron et le Bon Pasteur, pour guider ceux qui prennent des décisions et administrent la Justice dans le respect « des droits de la personne humaine, sans discrimination ».

Le pape considère trois éléments à travers ces figures bibliques : avec le Bon samaritain, la « satisfaction ou réparation du dommage causé », avec le Bon larron, la « confession, où l’homme exprime sa conversion intérieure », et avec le Bon Pasteur, la « contrition qui porte à rencontrer l’amour miséricordieux et guérisseur de Dieu ».

Ne pas confondre réparation et punition

Le Seigneur a enseigné « qu’il existe une asymétrie nécessaire entre délit et punition, car un œil ou une dent abîmés ne se réparent pas en en abîmant un autre. Il s’agit de rendre justice à la victime, non d’exécuter l’agresseur ». Ainsi, le Bon samaritain, avant de chercher le coupable, se penche sur « celui qui est blessé le long du chemin et répond à ses besoins ».

Aujourd’hui, déplore le pape, « on tend à penser que les crimes sont résolus une fois que l’on capture et condamne l’auteur du délit, sans prêter suffisamment attention à la situation dans laquelle se trouvent les victimes ».

« Mais ce serait une erreur d’identifier la réparation avec la punition, de confondre la justice avec la vengeance » : « cela ne ferait qu’augmenter la violence, même si elle est institutionnalisée », estime-t-il. Durcir les peines en effet « ne fait pas diminuer les taux de criminalité ».

Deuxième aspect : la confession. « Souvent le coupable purge sa peine objectivement, mais sans changer intérieurement ni guérir les blessures de son cœur… Si l’auteur du délit n’est pas suffisamment aidé, il n’a pas d’occasion pour se convertir et finit par être une victime du système ».

C’est pourquoi « la vraie justice ne se contente pas de punir selon les fautes » : elle « fait tout son possible pour corriger, améliorer et éduquer l’homme, pour qu’il ne se décourage pas face aux dommages provoqués et réussisse à relancer sa vie sans être écrasé par le poids de ses misères », tel le Bon larron à qui Jésus promet le Paradis car « il est capable de reconnaître sa faute ».

Le pardon est une justice supérieure

Troisième aspect enfin : la « contrition, la porte du repentir, voie privilégiée qui conduit au cœur de Dieu qui offre à l’homme une autre possibilité s’il s’ouvre à la vérité de la pénitence et se laisse transformer par sa miséricorde ».

Le modèle de cette attitude, c’est le Bon Pasteur, qui part à la recherche de la brebis perdue. Pratiquer la justice, c’est aussi « être miséricordieux, faire du bien à ceux qui font du mal, prier pour les ennemis, tendre l’autre joue, ne pas garder rancune ».

« Le pardon est une justice supérieure, loyale et compatissante, sans aucune contradiction avec les deux autres aspects », souligne le pape : il « n’élimine ni ne diminue la nécessité de correction, et ne fait pas abstraction de la nécessité de la conversion personnelle, mais va au-delà, en cherchant à restaurer les relations et à réintégrer les personnes dans la société ».

La bonne attitude, c’est de ne pas « supprimer, décourager ni isoler » les auteurs de crime, mais de les aider à « cheminer par les sentiers du bien » : « la justice doit être humanisante » et « réellement capable de réconcilier ».

En ce sens, le pape souhaite que le pardon « ne reste pas seulement dans la sphère privée » mais qu’il ait « une vraie dimension politique et institutionnelle », créant « des relations de cohabitation en harmonie ».

Le pape a par ailleurs appelé les médias à « informer correctement, sans créer de panique sociale, dans l’exercice légitime de la liberté de presse » : « la vie et la dignité des personnes ne peuvent se transformer en cas sensationnels, souvent morbides, qui condamnent les présumés coupables au discrédit social avant d’avoir été jugés ou contraignent les victimes à revivre publiquement leurs souffrances ».

En outre, a-t-il ajouté, le délit étant souvent « enraciné dans les inégalités économiques et sociales, dans les réseaux de corruption et de crime organisé », « il ne suffit pas d’avoir des lois justes pour combattre un tel fléau mais il faut aussi former des personnes responsables et capables de les mettre en œuvre ».

Le pape Jean-Paul II lui-même insistait sur la dimension « politique » du pardon, comme un puissant ressort de l’histoire de l’humanité.

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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