La contribution de l'Eglise au renouveau du peuple cubain

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Analyse dun prêtre de San Cristobal étudiant à Rome

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Propos recueillis par José Antonio Varela Vidal

ROME, mercredi 28 mars 2012 (ZENIT.org) –  Après sa visite au Mexique, le pape Benoît XVI est arrivé à Cuba, accueilli par des foules immenses que personne n’aurait imaginé.

Mais tout le monde a aussi été surpris par la spontanéité et le contenu des discours que le pape a prononcés à son arrivée dans le pays, deuxième étape de son 23èmevoyage apostolique hors d’Italie, après le Mexique.

Une spontanéité appréciable pour le peuple cubain, surtout s’il est conscient qu’à l’arrivée d’un autre pape, il y a 14 ans, les choses ont commencé à changer…

Zenit a rencontré le P. Jorge Luis Perez Soto, prêtre de l’archidiocèse de San Cristobal de La Havane, qui se spécialise à Rome en théologie dogmatique.

Zenit – Père Perez, votre vocation est née dans un système athée…

P. Jorge Luis Perez Soto  – Oui, ma vocation est née dans mon expérience de chrétien de l’Eglise catholique dans les années 90 à Cuba. Elle a ensuite mûri sérieusement en 1995, à l’âge de 15 ans et, après avoir fini mes ânées de lycée et mon service militaire, je suis entré au séminaire.

Avez-vous eu besoin d’une autorisation spéciale de la part des autorités gouvernementales?

Non, c’est normal que quelqu’un veuille devenir prêtre et entre au séminaire. C’est un choix libre et il n’existe aucune barrière pour y entrer.

Quelle est la différence entre l’Eglise cubaine des années 90 et celle de 2012 ?

Celle des années 90 était une Eglise faite de grandes foules. Après la chute historique du communisme en Europe de l’est, et la grande crise économique à Cuba qui n’était plus sous domination soviétique, beaucoup de catholiques ont cherché dans l’Eglises des réponses à leurs questions les plus profondes.

L’Eglise à Cuba s’était déjà exprimée en 1986 lors du premier congrès national de l’Eglise cubaine, axé sur le thème Eglise sans frontières, unis dans l’amour, qui a été un peu une révision de notre manière d’être profondément « Eglise », dans la perspective de la mission qui nous était confiée.

Est-il resté quelque chose des documents de l’époque?

Oui, il y a eu un document pastoral très important où le choix était celui d’une Eglise incarnée, missionnaire et en prière. C’est la seule façon de pouvoir sortir du temple et dire: « Nous sommes vivants, nous avons un message à transmettre! Aujourd’hui le danger des grandes foules est désormais révolu et l’Eglise se trouve dans une phase où il y a moins « d’inscrits », mais leurs choix concernant la foi sont plus marqués.

La visite de Jean Paul II en 1998 a-t-elle eu un impact sur cette évolution?

Oui, car ce fut la première fois que l’on pouvait s’exprimer publiquement en tant qu’Eglise catholique et dire au monde que l’Eglise n’était pas morte, mais que nous étions vivants pour notre peuple, et que cela pourrait les aider à construire leur vie et lui donner un sens.

Qu’attend le peuple cubain du message de Benoît XVI?

Le peuple est très varié dans ses choix, dans ses modes de vie, dans ses critères de référence et sa pensée politique, mais aussi selon que les personnes  vivent sur l’île ou à l’extérieur. En me mettant à la place du peuple cubain, je crois que tous attendent des paroles d’espérance qui les éclairent sur leur situation et sur les réalités sociales auxquelles ils sont confrontés. Et puis je pense qu’ils attendent un message d’amour – le pape vient en effet en « pèlerin de la charité » –  qui se présente comme une manière de réaliser l’identité cubaine, car si nous vouons un vrai changement nous espérons le faire dans cette optique.

Et à propos de la crise de la famille si marquée à Cuba ?

La crise est en général présente dans la société postmoderne, car il est difficile pour une personne d’opter pour des valeurs pérennes qui marquent à jamais leurs vies. Par contre, conduire une vie morale personnelle et sexuelle irresponsable, qui implique une difficulté dès l’instant où l’on prend une décision et s’engage pour toute la vie, est une autre question. Le message du pape est donc important, mais aussi le travail d’éducation entrepris par l’Église, et l’on aimerait pouvoir faire plus.

Quelle signification revêtent les lieux visités par le pape?

L’archidiocèse de Santiago de Cuba, abrite le sanctuaire de  Notre Dame de la Charité de El Cobre qui veille sur la statue retrouvée il y a 400 ans par trois esclaves qui travaillaient dans une mine de cuivre, après avoir prié au beau milieu d’une tempête qui menaçait leur vie. Les esclaves de la région se sont attachés à cette image et son culte s’est rapidement étendu à tout le pays. C’est aussi, curieusement, le premier endroit où fut aboli l’esclavage à Cuba.

Et pour ce qui est de La Havane?

C’est la capitale, et le deuxième archidiocèse de l’île, là où résidait la plupart des évêques cubains. La place de la Révolution où Benoît XVI a célébré sa messe pour le pays et pour la religion, et où Jean Paul II avait lui aussi célébré une messe, témoigne des 50 dernières années de  l’histoire de Cuba.

La visite du pape permet-elle de prévoir une amélioration de la liberté religieuse?

Même s’il existe une certaine liberté religieuse, celle-ci doit aujourd’hui progresser. Si l’Eglise réclame cette liberté religieuse, elle ne le fait pas pour avoir un pouvoir social, mais parce que nous sommes convaincus que les valeurs de l’Évangile donnent quelque chose de bon à la vie de la société. L’Eglise peut aider à changer les hommes et les femmes de Cuba, et elle le demande comme un droit.

Comment cette liberté religieuse devrait-elle s’exprimer?

Par exemple, l’Eglise devrait s’exprimer et communiquer plus souvent avec les media. Le point est que les valeurs de l’Evangile, pour reprendre les paroles de Jean-Paul II à Cuba, ne sont une menace pour aucun projet social, mais peuvent servir comme levain en matière de bonté, grâce et sainteté dans la société.

Qu’aimeriez-vous dire à vos concitoyens –  vivant sur l’île ou à l’extérieur – ?

La visite du pape est une visite pastorale, c’est-à-dire qu’elle représente la prédilection du pasteur pour le troupeau qui lui a été confié selon son mandat de Successeur de Pierre, au nom du Seigneur Jésus-Christ. Je voudrais dire aux lecteurs de Zenit et aux Cubains sur l’île et en dehors de l’île, de s’ouvrir au message de l’amour. On juge si souvent l’Eglise ou les personnes sur leur passé et, à cause de ces préjugés, on perd la richesse profonde que peut offrir ce moment. Le pape n’est pas là pour imposer aux Cubains ce qu’ils doivent faire ; il s’unit à nous comme pasteur et son enseignement nous instruit : le reste, la vie de la nation, il nous revient à nous , les Cubains de le gérer.

Traduction d’Isabelle Cousturié

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ZENIT Staff

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