L'urgence européenne, pour les chrétiens

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Refuser le pessimisme

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« L’urgence de l’engagement en faveur d’une réalité européenne qui reste, dans l’histoire de l’humanité, une réalisation unique, de paix et de prospérité » : c’est ce que rappelle le livre « Une crise chrétienne de l’Europe ? » (Parole et Silence, 2013), publié par le prof. Jean-Dominique Durand. Ce sont les actes d’un colloque de l’Académie catholique de France qu’il a dirigé sur « l’urgence européenne » pour les chrétiens. Il invite à « refuser le renoncement, le pessimisme, comme nous y invite le pape François ».

Les épiscopats français et européens viennent d’inciter les chrétiens à garder conscience que l’idéal européen a été conçu et mis en œuvre par des croyants : Robert Schuman, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi… et fait partie de leur héritage. Vous publiez les actes d’un colloque sur « l’urgence européenne » pour les chrétiens : qu’est-ce qui vous a inspiré une telle recherche, aujourd’hui relayée par les évêques ?

Prof. Jean-Dominique Durand – En effet, nos évêques lors de leur dernière réunion à Lourdes, se sont penchés sur l’Europe. « La Croix » a titré : « Les évêques proclament l’état d’urgence en faveur de l’Europe ». Un an environ avant, en novembre 2012, l’Académie Catholique de France organisait un colloque intitulé « L’urgence européenne »! Les Actes viennent d’en être publiés aux Editions Parole et Silence. En fait voilà plusieurs années déjà, qu’étudiant l’engagement des chrétiens sur le plan politique notamment, à travers mes travaux sur les partis démocrates chrétiens en Europe, je suis de plus en plus frappé par le développement de l’euroscepticisme, et par le fait que celui-ci gagne les chrétiens. Or ceux-ci, en particulier les catholiques, ont été, avec Robert Schuman, Konrad Adenauer, Alcide De Gasperi, les initiateurs de la construction d’une Europe unie. Les partis démocrates chrétiens en ont été ensuite les moteurs. La construction de l’Europe, c’est un élément déterminant de l’identité de ces partis, qui ont peu à peu réussi à convaincre leurs partenaires, socialistes et libéraux du bien fondé de cette politique.

Aujourd’hui, force est de constater que la crise de l’Europe, est aussi une crise chrétienne de l’Europe, marquée par une désaffection des chrétiens. On l’a bien vu lors du referendum de 2005, où le vote négatif a reçu l’adhésion d’une partie d’une électorat catholique habituellement très en faveur de l’Europe.

Quelles sont les principales analyses et conclusions qui se sont dégagées de ce colloque à Paris, au Collège des Bernardins ?

Nous voulons à travers ce livre, souligner à la fois les apports des chrétiens à la construction de l’Europe, et les défis auxquels l’Europe est confrontée, qui peuvent alimenter les peurs: remise en cause de l’identité chrétienne, repli nationalistes, laïcisme, pluralité religieuse, migrations, frontières, questions bioéthiques, remise en cause des structures familiales, libéralisme et crise économique. Tels sont quelques uns des thèmes abordés, dans une perspective à la fois de bilan (les apports du christianisme et notamment de l’enseignement social de l’Eglise) et de défis à surmonter.

Un « Mardi des Bernardins-KTO » a eu lieu en septembre dernier dans le prolongement de ce colloque et a permis d’évaluer comment votre travail était reçu. Quelles impressions et quelles perspectives s’en dégagent-elles ? Que vous semble-t-il qu’il faudrait dire et faire maintenant ?

« L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre », dit Robert Schuman dans sa fameuse Déclaration du 9 mai 1950. Aujourd’hui tout semble acquis, y compris la paix. Les historiens savent qu’en réalité, rien n’est jamais acquis définitivement. Tout peut se défaire, et très vite, si d’aventure des apprentis sorciers s’emparaient du pouvoir dans l’un ou l’autre pays européen. D’où l’urgence de l’engagement en faveur d’une réalité européenne qui reste, dans l’histoire de l’humanité, une réalisation unique, de paix et de prospérité. Les chrétiens ont ici une responsabilité singulière parce qu’ils sont porteurs d’une vision du monde et très concrètement d’une vision de la société. Le pape Benoît XVI a parlé des chrétiens comme d’une « minorité créative » « qui possède, disait-il, un héritage de valeurs qui ne sont pas les choses du passé, mais qui sont une réalité très vivante et actuelle ». Il s’agit, comme l’a dit Andrea Riccardi, de refuser le renoncement, le pessimisme, comme nous y invite le pape François. N’oublions pas le message du Comité Nobel lorsqu’il a attribué en 2012, le Prix Nobel de la Paix à l’Union européenne: « le travail de l’Union européenne est un symbole de la fraternité entre les nations ».

Jean-Dominique Durand est consulteur du Conseil pontifical pour la culture et membre correspondant du Comité pontifical des sciences historiques. Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Lyon-III, il est spécialiste de l’histoire du catholicisme contemporain et il a publié de nombreux ouvrages et articles scientifiques, notamment sur le Saint-Siège, la vie religieuse en Italie et l’influence qu’y exerce Maritain, ainsi que sur la démocratie chrétienne.


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ZENIT Staff

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