L'importance de la « voix de l'Eglise » pour surmonter la crise économique

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Entretien avec Mgr Christian Kratz

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ROME, lundi 7 novembre 2011 (ZENIT.org) – Pour surmonter la crise écpnomique et financière actuelle,« la voix de l’Eglise » est importante « pour appeler à dépasser les égoïsmes, les replis, l’idée que l’argent gère le monde », fait observer Mgr Kratz.

Evêque auxiliaire de Strasbourg, délégué de la Conférence épiscopale française (CEF) à la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE), Mgr Christian Kratz a participé à l’Assemblée plénière à Bruxelles, les 27 et 28 octobre 2011. Il fait le point pour le site Internet de la Conférence épiscopale.

Claire Le Guen – Comment la COMECE a-t-elle abordé la crise financière ?

Mgr Kratz – Nous avons eu l’occasion d’entendre des experts qui ont essayé de nous expliquer le pourquoi de la crise financière. En tant qu’évêques, nous ne sommes pas spécialistes de ces questions-là. Nous avons été frappés par le fait que les experts eux-mêmes ne sont pas toujours d’accord sur les causes. C’est une crise financière mais aussi spirituelle et morale. Tant que l’argent est roi, tant que tout le monde s’incline devant le dieu argent – les marchés, la spéculation, la corruption – on ne s’en sortira pas. Tant que d’autres valeurs ne sont pas partagées, en particulier la solidarité, on passera de crise en crise. Chaque solution trouvée ne sera qu’une solution provisoire. Il faudrait changer de système mais ça, personne ne veut le dire. Changer de paradigmes, de repères et reprendre l’ensemble de l’échange économique en partant de l’homme, de tous les hommes et en particulier des plus faibles. Je crois que nous en avons davantage pris conscience lors de la dernière rencontre de la COMECE.

Quel rôle l’Eglise peut-elle jouer ?

Plusieurs intervenants nous ont dit qu’ils avaient besoin de la voix de l’Eglise pour appeler à dépasser les égoïsmes, les replis, l’idée que l’argent gère le monde. On a besoin de l’Eglise pour réveiller une espérance. Une fois la situation analysée et les solutions trouvées, tout n’est pas encore dit. On compte sur l’Eglise d’abord pour exercer une charité et une solidarité concrètes à travers ses membres et ses institutions. Il a été dit qu’il ne fallait pas déléguer le rôle de charité de l’Eglise aux institutions spécialisées, comme le Secours Catholique et la Société Saint-Vincent-de-Paul, mais que chacun, là où il est, avec un peu d’attention à l’autre doit pouvoir mettre en œuvre la charité qui vient de l’Evangile. En ce moment, on cherche des coupables : Qui est fautif ? Qui a triché ? Qui n’a pas assez bien fait ? Il faut sans doute faire cette analyse mais on ne peut pas en rester là. Ce que j’ai trouvé relativement neuf et que je n’avais pas entendu ailleurs, c’est que l’important est de sortir de la culture du reproche, se serrer les coudes et affronter ensemble l’avenir, dans une dynamique de responsabilité et de solidarité. Ceux qui ont les moyens sont invités à être solidaires ; les autres, à être responsables ou à le devenir un peu plus. Avec la confiance, c’est ce qui ressortira du texte sur l’économie de marché « Une communauté européenne de solidarité et de responsabilité », qui sera publié en janvier 2012.

Amour de Dieu et du prochain. Confiance dans les promesses du Christ. Comment le texte à paraître est-il né ?

Je crois que c’est le pape Benoît XVI, dans Caritas in veritate, qui a lancé l’idée d’économie sociale de marché. Nous nous sommes posé la question de savoir comment, au niveau européen, cette idée pouvait prendre corps, – à quelles conditions, avec qui, comment ? – sans donner de recettes, parce que ce n’est pas le rôle de l’Eglise. Son rôle, c’est de réaffirmer les valeurs de sa Doctrine sociale, celles que nous voulons mettre en avant pour que l’économie soit vraiment au service de l’homme et non pas l’homme au service de l’économie.

L’Europe est l’un des critères de discernement de la déclaration du Conseil Permanent « Elections : un vote pour quelle société ? »

J’en ai parlé lors du tour de table au cours duquel chacun partage ce qui a été marquant pour sa conférence épiscopale. Le texte a été photocopié pour les 27 évêques de l’Union européenne. Pour certains, c’était très étonnant qu’on puisse diffuser un tel texte. Certains ont trouvé l’initiative de donner des points de repères intéressante. Chacun devra faire preuve de discernement en confrontant ces points d’attention aux programmes des candidats. Comme le programme parfait n’existe pas, il faudra choisir le moins mauvais. D’autres évêques auraient voulu qu’on soit plus précis, plus incitatifs, en disant pour qui voter. On n’est pas du tout dans cette culture-là en France !

Au cours de cette Assemblée plénière, il est question du dimanche. Où en est l’UE ?

L’Europe a tendance à renvoyer ce type de question aux législations des Etats. Nous avons eu une réunion sur ce thème avec les députés européens, à Strasbourg, avec nos amis protestants. Il était clair qu’une large majorité du Parlement est favorable à l’interdiction du travail le dimanche. La Commission européenne aussi est favorable à ce que le dimanche soit chômé. Par contre, les Etats bloquent, en particulier les Anglo-Saxons. Là, on se rend bien compte du problème de gouvernance. Il faudrait faire converger ces trois centres de décision : Parlement, conseil européen et conseil des ministres. La facilité consistera à donner quelques critères généraux et à renvoyer la législation aux Etats. La mobilisation sur ce sujet est assez étonnante. Je pense que personne ne pouvait prévoir, quand l’initiative de défense du dimanche a été lancée, qu’elle prendrait une telle ampleur. Pas d’abord pour des raisons religieuses et de culte mais pour des raisons sociales : protection de la famille, de la santé des travailleurs, de la vie associative.

Propos recueillis par Claire Le Guen

© Cef.fr

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ZENIT Staff

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