L'importance de la rencontre du prêtre et de son évêque: que l'évêque se fasse trouver!

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Recommandations aux étudiants des séminaires pontificaux de Rome (3/3)

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«La rencontre avec l’évêque est importante. Il est important aussi que l’évêque se laisse rencontrer. C’est important … car, oui, il arrive d’entendre parfois: « Tu l’as dit à ton évêque ? Oui, j’ai demandé une audience, mais je l’ai demandée il y a quatre mois. J’attends ! ». Non, ça ne va pas. Aller trouver l’évêque et que l’évêque se fasse trouver.», recommande le pape aux prêtres et séminaristes des séminaires et collèges pontificaux.

Il insiste sur cette «mystique» de la renocntre qui bannit la peur: «Le bon pasteur ne doit pas avoir peur. Il sent peut-être une petite crainte au fond de lui, mais il n’a jamais peur. Il sait que le Seigneur l’aide. Rencontrer les personnes dont tu as la charge pastorale ; rencontrer ton évêque.»

Le pape François a reçu les recteurs et les élèves des séminaires pontificaux de Rome, lundi dernier, 12 mai 2014, dans la salle Paul VI du Vatican. La rencontre a eu lieu sous forme d’un dialogue spontané de plus d’une heure.

Voici la troisième et dernière partie de la traduction intégrale faite par Océane Le Gall pour Zenit de ce dialogue en italien. Nous avons publié la première partie jeudi 15 mai et la deuxième vendredi 16 mai.

Dialogue entre le pape et les prêtres et séminaristes

D. – (séminariste)

Bonjour, Saint-Père.

R. – (Pape François)

Bonjour.

D. – Je m’appelle don Serge, je viens du Cameroun. Je suis formé au Collège Saint-Paul-Apôtre. Voici la question: quand nous retournerons dans nos diocèses et communautés, nous serons appelés à de nouvelles responsabilités ministérielles et à de nouvelles tâches de formation. Comment pouvons-nous  faire cohabiter de manière équilibrée toutes les dimensions de la vie ministérielle : la prière, les engagements pastoraux, les devoirs de formation sans en négliger aucune ? Merci.

R. – Il y a une question à laquelle je n’ai pas répondu: elle s’est envolée, peut-être – l’inconscient est malhonnête! – et je veux la relier à celle-ci. On m’a demandé: «  Comment faites-vous ces choses, vous le pape ? ». La tienne aussi … Je répondrai à la tienne, en racontant, tout simplement, ce que je fais pour ne rien négliger. La prière. Je tâche, le matin, de prier les laudes mais aussi de faire un peu de prière, la lectio divina, avec le Seigneur. Quand je me lève. D’abord je lis les « cifrati », et puis je fais ça. Et puis, je célèbre la messe. Puis le travail commence: un jour le travail est comme ça, un autre jour il est autrement … j’essaie de procéder dans l’ordre. A midi déjeuner, et puis un peu de sieste; après la sieste, à 15h00 – pardonnez-moi – je dis les Vêpres, à 15h00 … Si on ne les dit pas à cette heure-là, on ne les dira plus! Oui et la lecture aussi, l’Office de la lecture du lendemain. Puis le travail de l’après-midi, les choses que je dois faire … Puis je fais un peu d’adoration et je prie le chapelet; dîner et c’est fini. Ça c’est le schéma, Mais parfois je me laisse porter par les exigences, et cela n’est pas prudent : trop de travail, ou croire que si je ne fais pas ça aujourd’hui, je ne le ferai pas demain … l’adoration tombe, la sieste aussi, et ça et ça … Et tombe aussi la vigilance: vous repartirez dans vos diocèse et il vous arrivera ce qui m’arrive à moi : c’est normal. Le travail, la prière, un peu d’espace pour se reposer, sortir, marcher un peu, tout cela est important … mais vous devrez régler en étant vigilant et suivant les conseils… L’idéal est de finir la journée fatigués: c’est l’idéal. Ne pas avoir besoin de prendre des cachets: finir fatigué. Mais avec une bonne fatigue, pas une fatigue imprudente, car cela fait du mal à la santé et ont finit par le payer cher. Je vois le visage de Sandro, qui rit et dit: « Mais vous ne faites pas ça! ». C’est vrai. C’est l’idéal, mais je ne le fais pas toujours, parce que je suis moi aussi un pécheur, et je ne suis pas toujours très ordonné. Mais c’est ce que tu dois faire …

D. – Bonjour Saint-Père, je suis Fernando Rodríguez, un nouveau prêtre du Mexique, j’ai été ordonné il y a un mois, et j’habite au Collège mexicain. Saint-Père, vous nous avez rappelé que l’Eglise a besoin d’une nouvelle évangélisation. Dans Evangelii gaudium, vous vous êtes même arrêté sur la préparation de la prédication, sur l’homélie et sur l’annonce comme forme de dialogue passionné entre un pasteur et son peuple. Pourriez-vous revenir sur cette question de la nouvelle évangélisation ? Et puis, Saint-Père,  nous nous demandons aussi comment devrait être un prêtre pour la nouvelle évangélisation. Quel ou quels devraient être ses traits caractéristiques ? Merci.

R. – Quand saint Jean-Paul II parla – je croyais que c’était la première fois, mais après on m’a dit que ça n’était pas la première fois – de nouvelle évangélisation, c’était à Saint-Domingue en 1992. Il a dit que la nouveauté devait être dans la méthodologie, dans l’ardeur, dans le zèle apostolique, et j’ai oublié le troisième… Qui s’en souvient ? L’expression ! Chercher une expression qui s’accorde à l’unicité des temps. Et, pour moi, dans le Document d’Aparecida, cela est très clair.

Ce document d’Aparecida développe bien ceci. Pour moi l’évangélisation  demande de sortir de soi-même; demande la dimension du transcendant : le transcendant dans l’adoration de Dieu, dans la contemplation, et le transcendant envers nos frères, envers les gens. Sortir de, sortir de ! Pour moi ceci est le noyau de l’évangélisation. Et sortir cela signifie arriver à, c’est-à-dire être proche. Si tu ne sors pas de toi-même, tu ne seras jamais proche ! La proximité ! Etre proche des gens, être proche de tout le monde, de tous ceux avec qui nous devons être proches. Tous les gens. Sortir. De la proximité ! On ne peut évangéliser sans proximité. Etre proche mais également cordial; une proximité aimante, voire physique; être près de…

Et tu as fait ici le lien avec l’homélie. Le problème des homélies ennuyeuses – pour ainsi dire – le problème des homélies ennuyeuses c’est qu’il n’y a pas de proximité. C’est précisément dans l’homélie que l’on mesure le degré de proximité du pasteur avec son peuple. Si tu parles dans une homélie, disons, 20, 25 ou 30, 40 minutes – je ne suis pas fantaisiste, cela arrive! – et que tu parles de choses abstraites, de vérité de la foi, tu ne fais pas une homélie, tu fais un cours ! C’est bien diffèrent ! Tu n’es pas proche des gens. C’est pourquoi l’homélie est importante : pour calibrer, pour bien connaître la proximité du prêtre. Je crois qu’en général nos homélies ne sont pas bonnes, elles n’entrent pas dans le genre littéraire homilétique: ce sont des conférences, ou des leçons, ou des réflexions. Mais l’homélie – demandez-le aux professeurs de théologie – l’homélie dans la messe, la Parole est Dieu fort, est sacramentelle. Pour Luther elle était presqu’un sacrement: c’était ex opere operato, la Parole prêchée; pour d’autres elle n’est que ex opere operantis. Mais je crois que c’est un peu entre les deux.

La théologie de l’homélie est un peu sacramentelle ou presque. Ce n’est pas comme dire quelques mots sur un thème. C’est autre chose. Cela suppose prière, étude, de connaître les personnes auxquelles tu parleras,
cela suppose de la proximité. Sur l’homélie, pour bien faire en termes d’évangélisation, nous devons pas mal avancer, nous sommes en retard. C’est un des points de la conversation dont aujourd’hui l’Eglise a besoin : bien ajuster les homélies pour que les gens comprennent. Et puis, au bout de huit minutes, l’attention s’en va. Une homélie de plus de huit minutes ne va pas. Elle doit être brève, elle doit être forte. Je vous conseille deux livres, de mon époque, mais ils sont bons, qui soulignent cet aspect de l’homélie, ils vous aideront beaucoup. Premièrement, « La théologie de la prédication » d’Hugo Rahner. Pas de Karl mais d’Hugo. Lire du Hugo est facile, Karl est plus difficile. C’est un bijou: «  Théologie de la prédication ». Et l’autre c’est un livre du père Domenico Grasso, qui nous introduit à ce qu’est l’homélie. Je crois que le titre est le même: «  Théologie de la prédication ». Il vous aidera beaucoup. La proximité, l’homélie …

Il y a autre chose que je voulais dire … Sortir, proximité, l’homélie pour mesurer combien je suis proche du peuple de Dieu. Et puis il y a cette catégorie que j’aime utiliser qui est celle des périphéries. Quand on sort on ne doit pas s’arrêter à mi-chemin, mais aller jusqu’au bout. Certains disent que l’on doit commencer à évangéliser à partir des plus lointains, comme faisait le seigneur. C’est ce qui me vient à l’esprit pour répondre à ta question. Mais ce que j’ai dit sur l’homélie est vrai : pour moi c’est un des problèmes que l’Eglise doit étudier et qu’elle doit changer. Les homélies, les homélies: ça n’est pas donner des cours, ce ne sont pas des conférences, c’est autre chose. J’aime bien quand les prêtres se réunissent deux heures pour préparer l’homélie du dimanche prochain car ça se passe dans un climat de prière, d’étude, d’échange d’opinions. C’est positif, ça fait du bien. La préparer avec un autre, c’est vraiment très bien !

D. – Loué soit Jésus Christ ! Je m’appelle Wojcek, j’habite au Collège pontifical polonais, j’étudie Théologie moral. Saint-Père, le ministère presbytéral au service de notre peuple à l’exemple du Christ et de sa mission, que nous recommandez-vous pour rester ouverts et heureux dans notre service auprès du peuple de Dieu ? Quelles qualités humaines nous conseillez-vous et nous recommandez-vous de cultiver pour être à l’image du Bon Pasteur et vivre ce que vous avez appelé «  la mystique de la rencontre » ?

R. – J’ai parlé de choses que l’on doit faire dans la prière, principalement. Mais je prends ton dernier mot pour parler d’une chose, à ajouter à toutes celles que j’ai dites, qui ont été dites et amènent à ta question. Tu as dit « mystique de la rencontre ». La rencontre. La capacité d’entendre, d’être à l’écoute des autres. La capacité de chercher ensemble le chemin, la méthode, tant de choses. C’est cela la rencontre. Et cela signifie aussi ne pas s’affoler, ne pas avoir peur des choses. Le bon pasteur ne doit pas avoir peur. Il sent peut-être une petite crainte au fond de lui, mais il n’a jamais peur. Il sait que le Seigneur l’aide. Rencontrer les personnes dont tu as la charge pastorale ; rencontrer ton évêque. La rencontre avec l’évêque est importante. Il est important aussi que l’évêque se laisse rencontrer. C’est important … car, oui, il arrive d’entendre parfois: « Tu l’as dit à ton évêque ? Oui, j’ai demandé une audience, mais je l’ai demandée il y a quatre mois. J’attends ! ». Non, ça ne va pas. Aller trouver l’évêque et que l’évêque se laisse trouver. Le dialogue.

Mais surtout je voudrais parler d’une chose : de la rencontre entre les prêtres, entre vous. L’amitié sacerdotale : voilà un trésor, un trésor que vous devez cultiver entre vous. L’amitié entre vous. L’amitié sacerdotale. Tous ne peuvent pas être des amis intimes. Mais que c’est beau l’amitié sacerdotale! Quand les prêtres, comme deux frères, trois frères, quatre frères, se connaissent, parlent de leurs problèmes, de leurs joies, de leurs attentes, de tant de choses … l’Amitié sacerdotale. Recherchez cela c’est important. Etre amis. Je crois que cela aide beaucoup à vivre la vie sacerdotale, à vivre la vie spirituelle, la vie apostolique, la vie communautaire, voire aussi la vie intellectuelle: l’amitié sacerdotale. Si je trouvais un prêtre qui me dit: «  Je n’ai jamais eu d’ami », je penserais que ce prêtre n’a pas connu une des plus belles joies de la vie sacerdotale, l’amitié sacerdotale. C’est ce que je vous souhaite à tous. Je vous souhaite d’être amis avec ceux que le Seigneur met sur votre chemin pour devenir amis. Je souhaite cela dans la vie. L’amitié sacerdotale est une force de persévérance, de joie apostolique, de courage, mais aussi du sens de l’humour. C’est beau, très beau ! C’est ce que je pense.

Merci pour votre patience ! Et maintenant nous pouvons prier la Vierge, demander la bénédiction …

Regina Caeli

(c) Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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