L'heure est venue pour les musulmans de France de dire: "On en a marre !"

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Il faut « apaiser », explique le recteur de la mosquée de Bordeaux

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C’est le moment pour les musulmans de France de dire: « On en a marre ! », explique M. Tareq Oubrou, recteur de la grande mosquée de Bordeaux, pour « rassurer », « apaiser » la société française.

MM. Mohammed Moussaoui, Azzedine Gaci, Tareq Oubrou et Djelloul Seddiki, quatre imams et responsables musulmans français, ont rencontré la presse en fin d’après-midi à l’ambassade de France près le Saint-Siège, aux côtés de Mgr Michel Dubost et du P. Christophe Roucou, le 7 janvier, à l’occasion d’un voyage de deux jours au Vatican (6-8 janvier). Mgr Dubost, évêque d’Evry-Corbeil-Essones, est président du Conseil pour les relations interreligieuses de la Conférence des évêques de France (CEF) et le P. Roucou est directeur du Service national pour les relations avec l’islam (SRI).

L’autonomie de l’individu
M. Oubrou explique la position qui était la sienne avant la tuerie de Charlie Hebdo, pas du tout favorable aux manifestations, pour des motifs « républicains »: « Au départ, je défendais l’idée que lorsque un crime est commis au nom d’une religion, vu le concept de citoyenneté française et qu’il n’y a pas en France, dans la tradition de la République, de notion de communauté juridique ni même éthique – la République ne reconnaît que des citoyens – les crimes n’incombent donc qu’à celui qui le commet. Il n’a pas à impliquer une certaine conversion, repentir, « communautaire ». Puisque tel est notre concept de la République : l’autonomie de l’individu, la responsabilité de l’individu, il n’y a pas de passage obligé par la communauté. »

Il applique ce raisonnement aux communautés musulmanes: « Au départ, je défendais cette idée que le musulman n’a pas à se prononcer ne tant que musulman quand il s’agit d’un crime, même commis au nom de l’islam (…). Je condamne le crime, comme pourrait le condamner un citoyen français lambda, donc il n’y a pas de citoyenneté « numéro deux », « numéro trois, quatre »… parce que cela porte à renforcer justement le lien entre le terrorisme et la tradition à laquelle pourrait appartenir tel croyant. »

Il faut que la société française soit rassurée
Cependant, il indique dans quel sens sa vision des choses a évolué: « Avec ce drame, ce carnage, on est presque passé à un geste de guerre, on a passé un autre cap, c’est l’équivalent du 11 septembre pour l’Amérique, toutes proportions gardées, c’est un séisme monumental. Et donc, j’ai dû un peu changer ma perception des choses. Il faut que les musulmans – et le reste de la société, et les musulmans en premier lieu – manifestent leur colère, contre cette succession de délinquance attribuée à l’islam et donc on n’a plus le droit de dire : « Voilà, de quoi je me mêle ? Ce n’est pas ma religion. » Il faut que la société française soit rassurée, apaisée, parce que dans un rapport entre citoyens il n’y a pas que le droit. On est dans le répertoire de l’apaisement des esprits au-delà des droits et des devoirs de chacun : il faut vaincre ce complexe qu’on pourrait trouver chez les musulmans : « De quoi je me mêle ? Je n’ai pas à me justifier, je suis un citoyen comme le reste des Français ». »

« On en a marre! »

« Je pense qu’il faut dépasser ce stade à l’heure actuelle, parce qu’on a passé un cap très dangereux, et qui risque de menacer la paix civile. Et donc il faut que les institutions religieuses, et tout individu qui a un lien plus ou moins étroit avec l’islam, il faut qu’il se manifeste. Et là, pour la première fois, je suis favorable à une manifestation. Je ne suis pas quelqu’un qui aime les manifestations, par nature, je n’aime pas les manifestations. Mais je pense que là il faudrait que les musulmans de France sortent massivement dans les rues, pour dire : « On en a marre ! » et exprimer leur dégoût face à ce type de geste criminel. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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