L’encyclique anti-nazie a 70 ans : un enseignement encore actuel

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Brève histoire de « Mit brennender Sorge »

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ROME, Dimanche 1er avril 2007 (ZENIT.org) – L’encyclique anti-nazie de Pie XI, « Mit brennender Sorge » (« Avec un souci brûlant ») rédigée en allemand, avec pour cheville ouvrière le futur Pie XII, Eugenio Pacelli, a 70 ans : un enseignement encore actuel, estime le père Peter Gumpel, sj, spécialiste des relations entre le Saint-Siège et l’Allemagne à cette période, et témoin des événements.

« J’avais 14 ans, raconte le P. Gumpel. J’étais dans la cathédrale de Berlin lorsque le texte de l’encyclique a été lu ».

Le dimanche des Rameaux 1937 en effet, un 21 mars cette année là, l’encyclique était lue dans toutes les églises d’Allemagne : elle apparaît comme la critique la plus dure jamais exprimée par le Saint-Siège contre un régime en place.

Avec soixante-dix ans de recul, on comprend en effet que le Saint-Siège avec compris la nature du régime national-socialiste instauré par Hitler alors depuis quatre ans et ses dangers. Le développement sur la séparation entre la foi et la morale, qui conduit à la décadence et à la guerre n’a rien perdu de sa force, estime le P. Gumpel.

Le P. Gumpel a én effet expliqué à Zenit qu’après la Première guerre mondiale, le Saint-Siège a fait différentes – et vaines – tentatives pour obtenir un concordat avec l’Allemagne. Des concordats furent signés avec la Bavière, avec la Prusse, avec le Bade mais non avec l’Allemagne dans son ensemble.

Avec l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler, qui devient chancelier le 30 janvier 1933, le Saint-Siège se voit offrir un concordat avec des articles favorables. Mais Rome se méfiait de Hiltler, l’ancien nonce à Berlin, Eugenio Pacelli avait confié à sa secrétaire, sr Pasqualina Lenhert, que cet homme serait capable de « marcher sur des cadavres » pour arriver à ses fins.

Il était cependant difficile au Saint-Siège de refuser : Pacelli, alors secrétaire d’Etat de Pie XI, estimait que le régime n’allait « absolument pas respecter » le concordat, mais qu’il restait à « espérer qu’il ne viole pas tous les articles à la fois », comme il le confiait à l’époque à un diplomate britannique.

Rappelons qu’un concordat n’est pas un « traité l’alliance » avec un régime, mais une forme de contrat qui règle les rapports entre l’Eglise et l’Etat dans une Nation donnée de façon à assurer le libre exercice de sa mission.

La signature du concordat fut suivie d’une persécution systématique des catholiques dans tous les domaines de leur activité. Pour défendre les catholiques, le Saint-Siège adressa par voie diplomatique plus de 50 protestations, naguère rassemblées dans un livre intitulé « L’échange de notes diplomatiques entre le Saint-Siège et le gouvernement du Reich – de la ratification du concordat à l’encyclique « Mit brennender Sorge » (“Der Notenwechsel zwischen dem Heiligen Stuhl und der Deutchen Reichsregierung”, Ed. Matthias Grunewald, Mayence, 1965).

Mais les protestations du Saint-Siège n’avaient d’autre effet que de durcir les vexations imposées par le régime aux écoles et à la presse catholiques, avec l’emprisonnement et la déportation de prêtres, au point qu’en 1936 l’Eglise allemande avait réclamé une intervention publique de Rome.

Les évêques allemands étaient attendus en visite ad limina en 1938. La date fut anticipée d’un an : ils vinrent à Rome en 1937. Les évêques demandèrent au Saint-Siège un document condamnant publiquement le nazisme.

« Le cardinal archevêque de Munich, Michael von Faulhaber, écrivit en secret un texte pour l’encyclique, à la main, pour ne pas le dicter à qui que ce soit, et maintenir le secret », a expliqué à Zenit le P. Gumpel.

« Ce texte, continuait l’expert, servit de base à l’encyclique, et s’y ajoutèrent les interventions du secrétaire d’Etat, Eugenio Pacelli : au cours d’un travail de sept semaines, fut rédigé un texte comportant des passages encore plus forts et plus explicites que les protestations du cardinal von Faulhaber ».

A ce sujet, le P. Gumple renvoie au livre de Heinz Albert Raem sur l’histoire de cette encyclique : « Pie XI et le national-socialisme » (« Pius XI un der Nazionalsozialismus », (éd. Ferdinand Schöningh, Paderborn-München-Wien-Zürich, 1979).

Le texte définitif de l’encyclique fut signé par le pape Pie XI le 14 mars 1937. Des exemplaires transitèrent par la valise diplomatique et arrivèrent au nonce apostolique à Berlin, qui le transmit à l’archevêque de Berlin, puis par courriers secrets, ils furent remis à tous les évêques allemands.

A l’insu de la police secrète d’Etat, la Gestapo, le texte fut imprimé dans 12 typographies : certains évêques firent tirer des centaines de milliers d’exemplaires.

Puis, toujours en secret, les textes furent distribués à tous les curés, aux aumôniers, aux couvents, et l’encyclique fut proclamée dans toutes les églises catholiques allemandes le 21 mars 1937, Dimanche des Rameaux.

« J’avais 14 ans, raconte le P. Gumpel. J’étais dans la cathédrale de Berlin lorsque le texte de l’encyclique a été lu en guise d’homélie. La cathédrale était comble. Et la réaction générale fut une approbation convaincue ».

Il souligne que le langage employé par l’encyclique était « clair et explicite » : Hitler trompait les Allemands et la communauté internationale, il était perfide, dangereux, voulait se substituer à Dieu.

« La réaction des catholiques fut enthousiaste », raconte le P. Gumpel, mais l’encyclique mit « Hitler hors de lui » : pendant trois jours, il refusa de voir et de recevoir qui que ce fût.

La veille de la lecture publique, la Gestapo avait été avertie par un employé d’une typographie, mais le projet était trop avancé pour qu’il puisse être arrêté : entrer dans les églises aurait provoqué une révolte.

Pourtant la Gestapo envoya des hommes aux abords des églises, pour contrôler si les gens sortaient avec le texte en main : l’arrestation s’ensuivait. Les premières typographies furents confisquées sans indemnité et différents responsables furent jetés en prison.

La communauté internationale réagit positivement au courage de l’Eglise. Les communautés juives se réjouirent de cette condamnation explicite du racisme. La presse juive accueillit avec une grande satisfaction la protestation du pape, du Saint-Siège et de l’Eglise d’Allemagne.

« Mais, déplore, le P. Gumpel, alors que le pape avait explicitement dit que Hitler n’était pas fiable, cela n’a pas empêché qu’en 1938, l’Angleterre, la France et l’Italie se mirent d’accord avec le régime nazi lors de la conférence de Munich ».

Pour ce qui est des passages les plus significatifs de l’encyclique, le P. Gumpel précise qu’il s’agit « d’un dcocument dont la valeur dépasse la contingence historique » et que « certains passages revêtent une signification prophétique de grande actualité ».

« ‘Mit brennender Sorge’ n’a pas useulement une importance symbolique, précise l’expert. Elle est fondée sur les principes de la loi morale naturelle et de la foi. Elle est prophétique aussi pour aujourd’hui : elle a une valeur permanente. Si l’on ne se réfère ni à la loi naturelle ni à la foi, on tombe dans la décadence, et l’histoire a amplement démontré que c’est la source permanente de troubles au niveau international ».

La première partie de l’encyclique présente l’histoire du concordat et souligne les violations continuelles du régime par ses attaques contre l’Eglise catholique et les fidèles.

« Mit brennender Sorge » dénonce également le néopaganisme nazi en affirmant : « Qui, par une confusion panthéiste, identifie Dieu avec l’univers,
en matérialisant Dieu dans le monde, et en déifiant le monde en Dieu, n’appartient pas aux vrais croyants ».

L’encyclique condamnne sans ambage la conception raciale du nazisme qui « divinise dans un culte idolâtre » la terre et le sang, et « pervertit et falsifie l’ordre créé et imposé par Dieu ».

Elle dénonce « l’erreur de parler d’un dieu national, d’une religion nationale, et la tentative d’emprisonner dans les limites d’un seul peuple, de réduire ethniquement à une seule race, le Dieu créateur du monde devant la grandeur face à laquelle les nations sont petites comme des gouttes d’eau ».

Du point de vue de l’Ecriture Sainte, l’encyclique défend la valeur de l’Ancien Testament et condamnne qui voudrait « bannir l’histoire biblique de l’église et de l’école et les sages enseignements de l’Ancien Testament » comme « blasphamatoire » contre la « parole de Dieu » et contre « le dessein de salut du Tout puissant ». Elle dénonce la prétention du Führer de se présenter come le dieu de l’Allemagne.

Mais l’encyclique évoque aussi les victimes du régime parmi les catholiques qui, pour défendre la foi, « subissent une violence illégale autant qu’inhumaine » et dénonce ouvertement des « tentations sataniques de faire sortir les fidèles de l’Eglise », et la tentative d’imposer une « Eglise allemande nationale ».

Du point de vue moral, l’encyclique s’oppose ouvertement aux « tentatives de détacher la doctrine de l’ordre moral », une voie, qui « conduit à la décadence morale individuelle et des Nations ».

Le principe nazi selon lequel est « juste ce qui est utile à la Nation » est condamné : « Ce principe, détaché de la loi éthique signifierait, pour ce qui concerne la vie internationale, un état de guerre permanent entre Nations ».

L’encyclique met enfin en garde la jeunesse contre qui est « anathème » en « voulant annoncer un Evangile différent » de celui qu’ils ont reçu.

Le P. Gumpel souligne que « les formules les plus dures contre le nazisme sont de Pacelli, et Hitler le savait ». D’où sa fureur contre le secrétaire d’Etat de Pie XI, et futur Pie XII : Hitler le considérait comme son adversaire numéro un.

Un quotidien italien, « La Repubblica » a par ailleurs cité, le 29 mars, des documents des archives de l’ex-Allemangne de l’Est ou République démocratique d’Allemagne (RDA), sous régime soviétique, affirmant que le plus grand adversaire d’Hitler était à l’époque Pacelli, et que le régime soviétique a fomenté la campagne de calomnies contre Pie XII.

A ce propos, le P. Gumpel fait observer que « ces révélations n’ajoutent rien à ce que le Saint-Siège sait déjà, mais qu’elles sont utiles à ceux qui ont été jusqu’à penser ou même écrire que Pacelli a été « le pape de Hitler ». On a maintenant d’autres documents qui prouvent combien de fausses accusations ont été lancées contre Pie XII. La responsabilité des soviétiques dans la campagne de calomnies contre le pape Pacelli est également évidente ».

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ZENIT Staff

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