L’avenir des communications dans l’Eglise en Afrique et pour l’Afrique (5)

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La radiophonie et la « tam-tamisation »

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CITE DU VATICAN, Mercredi 4 février 2004 (ZENIT.org) – En cette semaine des Communications sociales promue par l’Eglise en France (cf. le « Dossier » du portail Internet de la conférence épiscopale www.cef.fr), Mgr André Joos, du Conseil pontifical pour les Communications sociales (CPCS) explique à Zenit, dans ce cinquième entretien, l’importance de la radiophonie et de la « tam-tamisation » soulignée lors des travaux du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique de Madagascar et des îles (SCEAM-SECAM), qui s’est tenu à Dakar, du 30 septembre au 13 octobre 2003 pour l’avenir des communications au service de l’Eglise en Afrique. Il représentait le CPCS à cette réunion, organisée bientôt dix ans après « Ecclesia in Africa » et dans le contexte de la mondialisation (pour les quatre entretiens précédents, cf . ZF040129, ZF040130, ZF040201 et ZF040203).

Zenit : Vous évoquiez, Mgr André Joos, dans notre entretien d’hier, la nécessité de suppléer et de former des jeunes technicien(ne)s qui pourraient s’engager à gérer la communication multimédia à distance en Afrique: mais par où commencer?

Mgr Joos : Je pense à la convergence d’action communicative entre une radio catholique, comme Radio Espérance par exemple, et une agence en ligne comme Zenit, au moins dans le contexte francophone. La rencontre de Dakar a rappelé la priorité du ‘dire’, du ‘chanter’, du ‘tam-tamiser’, du ‘musicaliser’ pour les africains. Nous savons bien quelles ont été les attentes dans le domaine de la radiophonie tant au niveau d’une couverture continentale que celles de proximité. Elle a été mise en rapport avec la priorité ‘orale’ de l’Afrique (Jean Paul II, «Ecclesia in Africa», nº 71). Pourquoi ne pas partir de là pour projeter une assistance concertée pour cette formation en créant des ‘points de chute’ dans les diocèses intéressés, qui pourront ensuite être des relais autonomes et autosuffisants en coopération avec les autres Eglises régionales, en pleine parité. Il faudra naturellement pourvoir les jeunes engagés d’instruments qui font cruellement défaut en Afrique (selon les endroits). Mais l’expérience a déjà été tentée avec succès en Amérique latine, précisément par l’initiative de Zenit (la RIIAL et Zenit-Amérique latine, si vous le voulez bien je reviendrai sur ce point concernant la question des rapports à distance entre les régions ecclésiales et les diocèses au moyen d’un réseau informatique en Afrique).
La portée médiatique de la radio est toujours notable (J. Befe Ateba, L’Assemblée générale du CEPACS 26 – 30 mai 2002, in AA. VV., General Assembly of CEPACS in Yaoundé, 25-30 May 2002. Theme: The Church in Africa in the era of Radiobroadcasting, Accra 2002). L’histoire de la radiophonie en Afrique porte en elle certains présupposés et certaines implications. Depuis 1950, on calcule qu’une personne sur 4 dans le monde avait un récepteur radio, mais sur 50 nations privées d’infrastructure radiophonique dans la dernière partie du XXº siècle, 23 appartenait aux régions africaines (en 1960, 12), précisément celles auxquelles correspondait le mieux le ‘filon’ de la communication orale, retard rapidement comblé après les années ’70 (S. McBride, Many Voices, One World, London 1981, pp. 60-61).
Seulement , dans les zones en voie de développement technologique la radiophonie est reconnue comme authentiquement ‘de masse’ (à la portée d’un grand nombre) [1]. Si la presse d’actualité autochtone africaine avait acquis –pour sa part- un rôle dans la promotion de l’indépendance face aux régimes coloniaux (S. T. Kwame Boafo, Communication Technology and Dependent Development in Sub-Saharan Africa, in G. Sussman – J. A. Lent, Transnational Communications. Wiring the Third World, London 1991, p. 105), par contre, la radio naît en pays colonisés comme moyen pour maintenir les liens émotifs des colonisateurs avec leur mère patrie (ibidem). Si l’on veut parler des ‘monopoles’ et des ‘radios coloniales de propagande’ en Afrique, la question devient bien plus complexe au niveau de la radiodiffusion elle-même au début du XXº siècle… évitons les simplismes (cf. ce que dit P. Tor Alumuku, Radio Broadcasting and the Future of Evagelization in Africa, in AA. VV., General Assembly of CEPACS in Yaoundé, 25-30 May 2002. Theme: The Church in Africa in the era of Radiobroadcasting, Accra 2002, p. 7 of the report).
Est-ce bien là le critère à prendre en compte pour une évaluation concernant la radio en Afrique? Faut-il considérer la ‘radio en elle-même’ ou la considérer dans ses rapports vivants avec l’ensemble du multimédia toujours en mouvement? Nous avons vu au cours de la dernière rencontre du CEPACS en 2002 que la présentation d’une programmation radiophonique ‘globalisée’, applicable à toutes les radios catholiques possibles, n’est pas vraiment crédible (Cf. R. White, How can a Diocesan Radio Station Can Support an Evangelization Plan, in AA. VV., General Assembly of CEPACS in Yaoundé, 25-30 May 2002. Theme: The Church in Africa in the era of Radiobroadcasting, Accra 2002).
La 9e assemblée du SCEAM-SECAM avait suggéré un discernement en faveur de la priorité radiophonique. Le synode de 1994 était entré avec prudence dans cette perspective de propriété typiquement catholique de stations radiophoniques. Certaines indications nous offrent un panorama approximatif de ce qui a été fait et de ce qui se projette (je pourrais vous donner la liste approximative des initiatives radiophoniques, si vous le voulez, mais ce serait un peu long dans le cadre de ces réponses). Il suffit de voir ce rapide panorama pour comprendre qu’on ne peut la négliger. Aujourd’hui, on désire cependant savoir si l’impact radiophonique est significatif au niveau du témoignage chrétien (J. Befe Ateba, L’Assemblée générale du CEPACS 26 – 30 mai 2002, in AA. VV., General Assembly of CEPACS in Yaoundé, 25-30 May 2002. Thème: The Church in Africa in the era of Radiobroadcasting, Accra 2002, Introduction au thème de I’Assemblée Générale. «L‘Eglise en Afrique à l’ère de la radio diffusion», pp. 1-2 du rapport). On craint également le risque d’un ‘gouffre béant’ en plusieurs endroits (ibidem). La présence catholique limitée sur le continent africain (14% nous dit «Ecclesia in Africa» -n° 38) pourra-t-elle sortir de la diaspora par cette voie et offrir une contribution, plus importante que sa seule quantité numérique, aux régions africaines (comme il est dit pour les centres sanitaires)? Notons que les centres sanitaires sont des centres d’assistance ouverts au-delà de l’appartenance religieuse et rayonnant une présence professionnelle –à un endroit bien précis- dont les fruits sont offerts à tous. Si un certain malaise est ainsi exprimé, peut-on se demander ‘où le bât blesse’?

Zenit : Quelles sont les conditions pour une meilleure pastorale dans ce domaine de l’action radiophonique? Comment la promouvoir?

Mgr Joos : Les avis recueillis semblent s’orienter dans un sens commun: 1º savoir où on en est, 2º pointer sur la qualité de la communication offerte, 3º ne pas abandonner les radios à elles-mêmes. Une chose étonnante serait d’instituer de but en blanc une radio locale et d’examiner ensuite sa portée d’audience (E. W. Ngoma, AMECEA Secretariat Social Communications Department Report 1999 to 2002, in AA. VV., General Assembly of CEPACS in Yaoundé, 25-30 May 2002. Theme: The Church in Africa in the era of Radiobroadcasting, Accra 2002, p. 8 of the report). La question est moins d’avoir à tout prix une infrastructure radiophonique propre (et tous les aléas qui y sont liés), que de pouvoir produire des programmes qui seront écoutés. Comment maintenir ou créer un lien inter-radios et entre la radio et le multimédia i
nterdisciplinaire? Une fois encore apparaît la priorité d’un ‘noyau’ de vie, d’une ‘âme de la famille’ qui puisse inspirer ces productions, des ‘centres’ de créativité communicationnelle au service de la ‘vie nouvelle’ (surtout en Afrique où les instruments ne sont pas à la portée de tous et ne peuvent être supposés présents dans chaque maison ou appartement individuels). Une issue multimédia pour les radios locales de l’Eglise pourrait être son appartenance et sa coordination en référence à des ‘centres’ multi-communicatifs en contact continuel avec les autres aspects de la production communicative. C’est là que radiophonie, centres (points de chute) de communication et formation peuvent se rencontrer de façon opérationnelle. Une voie complémentaire pourrait être –également- la tenue de rencontres pour les opérateurs radiophoniques comme cela se fait ailleurs. On sait –par ailleurs- qu’il ne faut pas réduire la référence typiquement ecclésiale des programmations radiophoniques à une incidence purement dévotionnelle. On parle aussi de radios communautaires, mais il n’est pas inutile de clarifier –à ce niveau- quel pourrait être le type de prise en charge ecclésiale de telles initiatives et surtout en quel sens la pluralité nécessaire dans les questions qui engagent les intérêts de la vie civile conditionneront la présence de l’Eglise au sein de telles radios (P. Tor Alumuku, Radio Broadcasting and the Future of Evagelization in Africa, in AA. VV., General Assembly of CEPACS in Yaoundé, 25-30 May 2002. Theme: The Church in Africa in the era of Radiobroadcasting, Accra 2002, p. 5 of the report). D’autre part, tant les ‘radios communautaires’ que l’‘Eglise-famille’, ont besoin d’un point d’ancrage local typiquement ecclésial pour en animer l’ouverture communautaire: une radio qui opérerait sans cet enracinement vécu fera facilement partie d’un courant ou l’autre, inspiré par des mouvements qui ont leur propres finalités. Cela peut se vérifier quant à la priorité ‘communautaire-sociale’ ou quant à une orientation principalement dévotionnelle. Les ‘noms de genre’ ainsi donnés aux radios ne sont peut-être pas le plus important, il convient de voir quelle est leur programmation effective. Présenter les radios communautaires comme la solution idéale pure et simple pour toute l’Afrique semble cependant simpliste, du fait même que chaque situation locale est ‘unique’. Les radios communautaires peuvent durer un certain temps alors que la radiophonie passe à une urgence successive, comme cela s’est vu récemment dans l’interdisciplinarité multimédia qui redistribue les spécificités. C’est là –une nouvelle fois- que se pose l’issue concrète et locale autour d’un ‘centre de communication’ au cœur des initiatives diocésaines à distance, qui pourrait mettre en confrontation continuelle le rapide parcours de chaque média et les priorités à privilégier par ‘l’âme de la famille’ du lieu. La question des médias n’est pas seulement celles des ‘quand, où, comment’ mais surtout ‘pour combien de temps’: il faut donc être toujours prêt à la reconversion… Et pourtant, il faut quand même un ‘élément stable’ dans cette spirale de vitalité. Cet élément stable est la référence vivante à l’Eglise locale (par exemple là où existent les ‘centres’ de communication).

Zenit : Vous semblez insister sur le lien direct de la radio avec son public, c’est-à-dire la vie des gens, une radio réalisant une action de proximité ‘à distance’, et en fonction des endroits.

Mgr Joos : Une observation s’impose au sujet des programmes radiophoniques: le Conseil pontifical invite à ne pas négliger les programmes ecclésiaux au service de la communication publique et dans le cadre des organismes civils ou séculiers (publics, privés, commerciaux). Les occasions manquées à ce niveau sont des omissions dommageables en raison de l’audience généralement plus large des réseaux nationaux, régionaux ou locaux. Il serait utile de faire un inventaire des possibilités tant gratuites qu’éventuellement financées comme acquisition de temps d’antenne. La plainte que ces espaces sont restreints et parfois relégués à des moments moins avantageux ne doit pas nous détourner de rechercher toutes les occasions offertes pour faire circuler le message. La qualité communicative des émissions sera essentielle face à la capacité de discernement du public, qui doit –lui aussi- être entendu. A ce propos, l’orientation du ‘prix radiophonique’ projeté par SIGNIS en Afrique ne devrait pas intéresser exclusivement les ‘radios catholiques’ mais aussi les programmes ecclésiaux présentés et mis en onde sur les réseaux de la société civile (SECAM-SCEAM, Secam Information, in «Internet» 2003, http://www.sceam-secam.org/french/news: «Information-Responsabilités. Compétition 2003 Afrique d’écriture de scénario radiophonique. Dans le but d’encourager et de soutenir les talents d’écriture et de production des scénarios radiophoniques, le CEPACS (Comité épiscopal panafricain pour les communications sociales) et SIGNIS (Association catholique mondiale pour la communication) invitent les stations de radio et les centres de production.).
L’émulation entre ces deux ‘branches’ de la production ne pourra qu’être bénéfique à tous. La distinction des deux sections donnera plus de ‘visibilité’ au travail souvent ardu en milieu et au sein des mentalités parfois peu sensibles au message religieux. Un prix final entre la meilleure production des réseaux catholiques et celle des réseaux civils donnera encore plus d’intérêt à une telle manifestation.
Une section œcuménique et inter-religieuse ne sera pas –par ailleurs- à exclure de cette incitation en vue d’une majeure coopération radiophonique et multimédia. Une nouvelle fois, les radios confessionnelles ne travaillent pas seulement ‘pour elles-mêmes’ mais peuvent devenir des centres de production en studio qui susciteront un intérêt auprès des institutions radiophoniques civiles ou publiques ou encore commerciales. Mais, vous le voyez, nous retombons toujours sur la question d’un ‘point de chute’ –si je puis dire «en famille» comme plate-forme opérationnelle, où le travail sera moins ‘spécialisé’ que ‘convergent’ (c’est-à-dire finalisé à plusieurs potentialités et styles ou secteurs de communication). Radiophonie, formation, centre de communication au cœur du diocèse, lien entre les diocèses et Eglises, tout est organiquement indissociable.
——–
Note
[1] S. McBride, Many Voices, One World, London 1981, p. 61: «In developing countries, radio is the only medium than can really be labelled « mass » , where a large proportion of the population can be reached by radio broadcasts and possess the means to receive them. Estimated Number of Radio Receivers in use in Africa, circa 1960: 4; 1970: 16; 1976: 30 / N. America, circa 1960: 184; 1970: 326; 1976: 454 / Europe, circa 1960: 136; 1970: 233; 1976: 284 / South America, circa 1960: 14; 1970: 31; 1976: 58 / Asia, circa 1960: 22; 1970: 58; 1976: 113 / Oceania, circa 1960: 3; 1970: 8; 1976: 14».

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ZENIT Staff

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