Kenya : L’Eglise accompagne les victimes du Sida

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Interview de Mgr Rotich, ordinaire militaire pour le Kenya

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 ROME, Dimanche 13 mars 2011 (ZENIT.org) – L’Eglise ne juge pas les personnes infectées par le sida. Elle cherche plutôt à être une compagne fidèle et devient ainsi en quelque sorte « affectée », par compassion.

C’est une des réflexions proposées par Mgr Alfred Kipkoech Arap Rotich au cours de l’émission de télévision « Là où Dieu pleure ».

Dans cette interview, Mgr Rotich évoque plusieurs aspects du problème du Sida au Kenya. Il parle des enfants « laissés pour compte » et explique pourquoi les Kenyans ont compris que le préservatif n’est pas la solution au Sida.

Q : Votre nom, « Rotich », sonne quasiment comme un nom allemand. Que signifie-t-il ?

Mgr Rotich : Dans ma famille au Kenya, Rotich signifie que mon père est né à l’heure où les vaches étaient prêtes pour la traite, vers 3 heures de l’après-midi. J’ai pris les six dernières lettres du nom de mon père et on m’a appelé Arap, le fils de Rotich – ce qui signifie fondamentalement un pasteur qui guide une procession, et il se trouve que, maintenant, je guide la procession dans l’Eglise.

Votre excellence, vous êtes également colonel des forces armées au Kenya. Comment cela se fait-il ?

Il s’agit d’un ministère de l’Eglise. Cela fait partie intégrante de notre travail pastoral que, dans ce pays, il soit donné aussi aux forces armées la possibilité de vivre leur foi, d’avoir un aumônier indigène. Après dix ans comme aumônier, j’ai été consacré évêque.

Le Kenya est l’une des locomotives de l’Afrique ; pourtant, dans le même temps, la grande majorité de la population vit en-deçà du seuil de pauvreté. D’où vient une telle disparité entre riches et pauvres au Kenya ?

Quand les gens sont égoïstes et qu’il s’agit de partager, ils veulent le meilleur pour eux-mêmes. Mais je crois que cela a fourni une occasion de réflexion et de discernement sur comment on en arrive là. Quand existe un certain niveau de corruption, un certain niveau d’égoïsme, il y a là déjà une démarcation ; déjà une ligne qui sépare les riches et les pauvres ; la richesse ici peut être superficielle, parce que la richesse d’un pays consiste à donner l’occasion de partager le bien qui est présent dans la société. C’est donc un défi et je suis certain que tous les leaders essaient de s’attaquer à cette idée.

Que fait la conférence épiscopale pour répondre à cette question de la pauvreté et de la disparité des richesses ?

Les évêques ont publié des lettres pastorales invitant la société, notamment les dirigeants, mais aussi l’ensemble de la population du pays, à considérer la personne humaine – la placer au centre du développement – comme aussi la dignité de l’individu. Par conséquent, si mon frère ou ma sœur souffre, alors tous les regards doivent se tourner vers eux, et leur souffrance devenir notre problème.

Il existe un dialogue continu et une constante attention à la question du sida, qui a frappé l’Afrique particulièrement durement, plus durement que les autres continents. Chaque jour, au Kenya, 300 personnes meurent du sida. Pourquoi le sida est-t-il si répandu dans ce pays ?

Il y a de nombreuses raisons à cette propagation du sida chaque jour. Mais je crois que tant le gouvernement et la société civile que les Eglises ont pris des mesures pour faire face à ce problème. Nous ne voulons pas juger la personne affectée, mais nous voulons l’accompagner fidèlement, et en étant le fidèle compagnon des personnes infectées, nous devenons ‘affectés’ et cela suscite notre compassion. Nous devons nous approcher d’eux afin, tout d’abord, de les assurer que tout n’est pas perdu.

C’est une question importante car j’ai lu que, au Kenya, beaucoup de femmes, par exemple, ont peur de passer les tests de dépistage parce que si le mari, qui est le seul gagne- pain de la famille, venait à l’apprendre il, il pourrait s’en aller. Donc la question de l’accompagnement de la part de l’Eglise, j’imagine, est très importante.

Oui. Un certain nombre de projets et d’initiatives ont été lancés par l’Eglise. Si vous allez dans la ville de Nairobi, il y a un programme notamment dans les quartiers est, sponsorisé par des organisations pour enfants comme Maryknoll, sous le contrôle de prêtres experts et d’un personnel sanitaire. On réalise que l’Eglise est bien présente. Elle demande aux gens de ne pas avoir peur de passer les tests. Naturellement, puisqu’il s’agit d’une maladie liée à des relations extra-conjugales, les gens n’iront pas directement dire qu’ils en sont atteints de peur d’être jugés par la société. Mais cette pression sociale diminue peu à peu et les gens sont encouragés à faire les tests même pendant les cours d’éducation et préparation au mariage. Durant toutes les sessions, l’Eglise les encourage et les assure que leur situation ne signifie pas la fin de leur vie. […] Oui, il y a des cas où le mari a répudié sa femme, mais une assistance est offerte dans ces cas, et elle contribue à favoriser un sentiment de compréhension et de compassion envers l’autre personne.

Un des grands problèmes de cette maladie et des personnes affectées, c’est qu’elle touche des enfants. Et beaucoup d’entre eux se retrouvent chefs de famille.

Oui, c’est pour nous un grand défi. Mais, dans la société africaine, nous sommes plus ou moins une communauté. Si l’un est frappé – par la mort d’un ou des deux parents – la société l’accueillera. Mais maintenant qu’il y a une grande migration vers les villes, quand cela arrive, les enfants restent seuls.

Cet aspect communautaire se perd dans les villes ?

Oui, il se perd, et c’est l’une des valeurs que nous aimerions recouvrer ; insister sur le fait que nous sommes une famille. Aussi, quand il y a des orphelins dans ces communautés, l’Eglise s’efforce de faire le maximum, en utilisant chaque ressource. Et la première est de faire preuve d’empathie, partager leur souffrance. Des congrégations de religieuses viennent, chaque jour, gérer la situation et solliciter les efforts de la communauté pour tenter d’aider les enfants.

C’est la réponse de l’Eglise, mais il y a eu la réponse du monde en quelque sorte, ou de beaucoup d’organisations internationales, qui sont arrivées en brandissant la solution du préservatif. Vous êtes à la tête d’un mouvement de protestation contre la propagation du préservatif au Kenya. Pourquoi le préservatif ne représente-t-il pas la solution pour la prévention de l’HIV/Sida ?

Nous avons constaté, en effet, que ce n’était pas la solution. Nous avons invité les jeunes à ne pas écouter les promoteurs de préservatifs, parce que nous avons constaté qu’ils cherchaient à éduquer les gens, même très jeunes, à avoir des rapports sexuels. […] Nous avons perçu que la moralité du pays était en baisse. Il faut donc une aide éducative, notamment de la part des pasteurs, pour condamner cette solution avec véhémence et promouvoir l’abstinence, qui est à présent un programme que nous avons introduit dans les écoles. 

Maintenant, le gouvernement, le ministère de l’éducation, prête attention au fait que le préservatif ne constitue pas la solution. Mais qu’un système fondé sur des valeurs peut avec le temps procurer une force interne pour dire : pour cela je peux attendre. Il y a un temps pour tout, un temps pour attendre le moment où on vit une vie conjugale.

Ainsi comme nous l’avons dit, commençons par les enfants, puisqu’ils sont les premiers à être affectés. Ne nous donnez pas une route ou une feuille de route pour fournir des choses qui sont étrangères à notre culture, étrangères à notre sens des valeurs.

Propos recueillis par Mark Riedermann pour l’émission télévisée « La où Dieu pleure », conduite par la Catholic Radio and Television Network (CRTN), en collaborati
on avec l’association Aide à l’Eglise en Détresse (AED).

Sur le Net :

– Aide à l’Eglise en détresse France
www.aed-france.org

– Aide à l’Eglise en détresse Belgique

www.kerkinnood.be

– Aide à l’Eglise en détresse Canada
www.acn-aed-ca.org

– Aide à l’Eglise en détresse Suisse
www.aide-eglise-en-detresse.ch

Traduit de l’anglais par E. de Lavigne

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ZENIT Staff

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