Jésus dénonce le détournement de la religion à des fins personnelles

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Homélie de Mgr Ricard

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CITE DU VATICAN, Dimanche 3 novembre 2002 (ZENIT.org) – Voici l’homélie de la messe du 31e dimanche ordinaire, par Mgr Jean-Pierre RICARD, Archevêque de Bordeaux, de la Conférence des évêques de France, ce dimanche à Lourdes, en ce premier jour de l’Assemblée plénière 2002 des évêques de France.

– Homélie de Mgr Ricard –

Frères et Sœurs,

Voici un Evangile polémique. Jésus dénonce le comportement des scribes et des pharisiens : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Pratiquez donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire. Mais n’agissez pas d’après leurs actes. » Il y a là la trace de conflits que Jésus a du rencontrer pendant sa vie avec un certain nombre de responsables religieux. Ne faisons pas pourtant de généralisation hâtive : tous les pharisiens ne ressemblaient pas à ceux que Jésus dénonce. Il y a eu parmi eux de grands spirituels et des témoins d’une réelle sainteté. De plus, n’affaiblissons pas la pointe de ce texte en disant que les paroles de Jésus ne nous concerneraient pas car elles viseraient seulement le comportement de personnages depuis longtemps disparus. Non, ce texte nous concerne. Il nous questionne tous aujourd’hui.

Jésus dénonce tout d’abord l’hypocrisie : « Ils disent mais ne font pas. » C’est le décalage bien connu, pour ne pas dire la contradiction, entre ce qui est demandé aux autres et ce qu’on fait soi-même, entre ce qu’on impose aux autres à cause de l’autorité qu’on a et ce qu’on s’impose à soi-même. Faire soi-même ce qu’on dit, c’est là une exigence de la vérité qui doit habiter tous ceux qui sont en situation d’autorité ou de responsabilité : évêques, prêtres, parents, éducateurs…

Mais Jésus n’en reste pas qu’à ce seul registre. Il dénonce le détournement de la religion à des fins personnelles. C’est la tentation de l’homme religieux qui, au lieu de servir Dieu, de s’effacer devant lui, de le mettre vraiment au centre de sa vie, se met lui-même au centre, se sert de Dieu et de la religion pour assouvir sa soif de pouvoir, asseoir sa respectabilité sociale ou répondre à son besoin de paraître. « Ils aiment les places d’honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations sur la place publique. » Cet homme assoiffé d’honneurs est littéralement fasciné par l’image qu’il veut donner de lui-même et par celle que les autres lui renvoient. Jésus dans le désert a lui-même été confronté à cette tentation du détournement à son profit du service de Dieu. Au tentateur pourtant il répondra : « Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et c’est à lui seul que tu rendras un culte » (Lc 4, 8). Cette tentation peut nous guetter tous, nous aussi ; elle peut guetter l’Eglise. Sommes-nous signe ou écran ? Sommes-nous serviteurs ou gérants établis à notre compte ? Accumulons-nous les titres d’enseignant, de père et de docteur (ou de maître) ou bien renvoyons-nous tout cela au seul qui l’est en plénitude : le Seigneur, Celui dont nous ne sommes que les serviteurs ? « Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. »

S’il y quelqu’un qui a refusé de jouer au notable, de centrer les regards sur lui, c’est bien l’apôtre Paul. Certes, Paul a une personnalité forte avec qui il n’a pas dû être facile de vivre tous les jours. Il sait se défendre quand il est attaqué. Et pourtant, il ne centre jamais les gens sur sa personne. Il est attentif à ses interlocuteurs, à ces auditoires qui l’écoutent, à ces communautés qu’il a fondées. Il se présente aux chrétiens de Corinthe comme un père qui les a engendrés dans la foi (1 Co 4, 15), aux chrétiens de Thessalonique comme une mère qui nourrit ses enfants et prend soin d’eux. Mais surtout, il renvoie sans cesse à un autre, le Christ et il sait que dans l’activité missionnaire de l’apôtre, c’est un autre qui agit, c’est le Seigneur. Lui, Paul, n’en est que le serviteur. Il dira aux Corinthiens : « Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé, mais c’est Dieu qui faisait croître. Ainsi, celui qui plante n’est rien, celui qui arrose n’est rien : Dieu seul compte, lui qui fait croître…Car nous travaillons ensemble à l’œuvre de Dieu et vous êtes le champ que Dieu cultive, la maison qu’il construit » (1 Co 3, 6-7, 9). La grande conviction de Paul, c’est que Dieu est à l’œuvre, c’est que sa Parole touche les cœurs, convertit les esprits, change les vies. Il rappellera aux Thessaloniciens : « Quand vous avez reçu de notre bouche la parole de Dieu, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement : non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants. »

Aujourd’hui, c’est Paul qui nous invite à nous exposer à la Parole de Dieu. Il sait qu’elle porte du fruit chez celui qui l’accueille. Dieu ne dit-il pas par la bouche du prophète Isaïe : « De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu et réalisé l’objet de sa mission » (Is 55, 10-11). Sommes-nous vraiment à l’écoute de la Parole de Dieu, attentifs et disponibles à ses appels ? Notre foi se nourrit-elle suffisamment de l’Evangile, de la Bible. Celle-ci est mise aujourd’hui à notre disposition de multiples manières.

Sachons écouter, lire, méditer l’Ecriture comme cette Parole que Dieu nous adresse. Elle sera alors lumière sur le chemin, pain pour la route. Elle établira nos cœurs dans la paix, dans la confiance, dans la disponibilité à la volonté de Dieu. Elle nous donnera courage dans les épreuves, assurance face aux difficultés.

Seigneur, donne-nous faim et soif de ta Parole.
Seigneur, donne à tes serviteurs, les évêques, les prêtres et les diacres de se nourrir eux-mêmes de cette Parole et d’en rompre le pain avec tous. Amen.

Jean-Pierre RICARD
Archevêque de Bordeaux
Président de la Conférence des Evêques de France

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ZENIT Staff

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