Jean-Paul II évoque l’histoire de la liberté polonaise et de Solidarnosc

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Traduction intégrale du discours de Jean-Paul II

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CITE DU VATICAN, Mardi 11 novembre 2003 (ZENIT.org) – Jean-Paul II évoque l’histoire de la liberté polonaise et de Solidarnosc et constatant les abus actuels dans le monde du travail en Pologne, il interroge : « Est-ce que cela ne signifie pas limiter la liberté pour laquelle « Solidarnosc » a lutté? »

Jean-Paul II a reçu ce matin des représentants du syndicat polonais Solidarnosc, dont son ex-Président, M. Lech Walesa, et Mgr.Tadeusz Goclowski, responsable de la pastorale du monde du travail de la Conférence épiscopale polonaise.

Etant donné l’importance de ce discours, nous en publions une traduction – rapide, de travail – d’après la traduction du polonais en italien publiée par la salle de presse du Saint-Siège (www.vatican.va)

Le pape rappelle d’abord que c’est aujourd’hui l’anniversaire de la création de la République polonaise en 1918.

– Discours de Jean-Paul II –

« Je donne la bienvenue à toutes les personnes présentes. Je salue de façon particulière le président Lech Walesa et le président actuel du syndicat. Je salue Mgr Tadeusz Goclowski, responsable de la part de l’épiscopat pour la pastorale du travail. Je suis heureux de pouvoir accueillir de nouveau au Vatican les représentants de « Solidarnosc ».

« Ce n’est pas la première fois que nous nous rencontrons le 11 novembre, jour particulier pour la Pologne. Je me souviens qu’une telle audience a déjà eu lieu en 1997. Je disais alors : « Je porte vos problèmes, vos aspirations, vos inquiétudes, la fatigue de votre travail au plus profond de mon cœur et je les confie à Dieu chaque jour dans la prière ». Aujourd’hui, je le répète une fois encore, pour vous assurer que le sort des hommes au travail en Pologne m’est toujours cher.

« En rappelant la date du 11 septembre, je ne peux pas manquer de me souvenir de la liberté nationale reconquise en ce jour, après des années de lutte qui ont coûté à notre nation tant de renoncements et tant de sacrifices. Cette liberté extérieure n’a pas duré longtemps, mais nous avons toujours pu en appeler à elle dans notre lutte pour conserver notre liberté intérieure, la liberté de l’esprit. Je sais combien ce jour était cher à tous ceux qui, à l’époque du communisme, cherchaient à s’opposer à la suppression programmée de la liberté de l’homme, à l’humiliation de sa dignité et à la négation de ses droits fondamentaux. Plus tard, de cette opposition est né ce mouvement dont vous êtes les artisans et les continuateurs. Ce mouvement aussi se rattachait au 11 novembre, à cette liberté qui a trouvé, en 1918, son expression extérieure, politique, et qui naît de la liberté intérieure de chacun des citoyens de la République polonaise divisée et de la liberté spirituelle de toute la Nation.

« Cette liberté d’esprit, bien que réprimée à partir de la fin de la seconde guerre mondiale, et des accords de Yalta, a survécu et elle est devenue le fondement des transformations pacifiques dans notre pays et ensuite dans toute l’Europe, qui se sont réalisées aussi grâce au syndicat « Solidarnosc ». Je rends grâce à Dieu pour l’année 1979, au cours de laquelle le sens de l’unité dans le bien et le commun désir de la prospérité de la Nation opprimée l’emporte sur la haine et la volonté de vengeance, et devienne le germe de la construction d’un Etat démocratique. Oui, il y a eu des tentatives pour détruire cette œuvre. Nous avons tous en mémoire le 13 décembre 1981. On a réussi à survivre à de telles épreuves. Je remercie Dieu parce que le 19 avril 1989 j’ai pu prononcer ces paroles: Marie « je recommande à Ta sollicitude maternelle « Solidarnosc » qui, aujourd’hui, après la légalisation du 17 avril, peut recommencer à agir. Je Te recommande le processus lié à cet événement, qui vise à modeler la vie de la Nation selon les lois de la société souveraine. Je te prie Notre Dame de Jasna Góra, pour que sur le chemin de ce processus tous continuent à manifester le courage, la sagesse et la prudence indispensables pour servir le bien commun ».

« Je rappelle ces événements parce qu’ils ont une signification particulière dans l’histoire de notre Nation. Et il semble qu’ils sont en train d’échapper à la mémoire. Les plus jeunes générations ne les connaissent plus d’expérience. On pourrait se demander s’ils vont apprécier justement la liberté qu’ils possèdent, s’il ne se rendront pas compte du prix qu’il a fallu payer pour elle. « Solidarnosc » ne peut négliger la sollicitude pour cette histoire, si voisine et en même temps désormais lointaine. On ne peut se passe du souvenir de l’histoire de l’après-guerre pour retrouver la liberté. C’est le patrimoine auquel il convient de revenir constamment afin que la liberté ne dégénère pas en anarchie, mais assume la forme de la responsabilité commune pour le sort de a Pologne et de chacun de ses citoyens.

« Le 15 janvier 1981, j’ai dit aux représentants de « Solidarnosc »: « Je pense, chers Messieurs dames, que Vus avez pleinement conscience des devoirs qui sont devant vous (…). Ces devoirs sont d’une énorme importance. Ils sont liés au besoin d’une pleine garantie de la dignité et de l’efficacité du travail humain, moyennant le respect de tous les droits personnels, familiaux et soucieux de chaque homme qui est le sujet du travail. Dans ce sens, ces devoirs ont une signification fondamentale pour la vie de toute la société, de toute la Nation: pour son bien commun. En effet, le bien commun de la société se réduit, en définitive, à cette question: qui est la société, qui est chaque homme, comment vit-il et comment travaille-t-il? Et pour cela votre autonomie active a, et doit toujours avoir une référence claire à toute la morale sociale. Avant tout la morale liée au domaine du travail, aux relations entre les travailleurs et l’employeur ».

« Il semble qu’aujourd’hui cette exhortation à garantir la dignité et l’efficacité du travail humain n’a pas perdu son importance. Je sais combien ces deux caractéristiques du travail sont aujourd’hui en péril. En même temps que le développement de l’économie de marché, apparaissent de nouveaux problèmes qui touchent douloureusement les travailleurs. A diverses reprises, dernièrement, j’ai parlé du problème du chômage, qui, dans de nombreuses régions de la Pologne acquièrent des dimensions dangereuses. Il semble apparemment que les syndicats n’aient pas d’influence là-dessus. Mais il faut se demander si nous n’avons pas une influence sur la façon d’embaucher les employés, à partir du moment où de plus en plus fréquemment (le travail) a un caractère temporaire, ou bien sur la façon de procéder aux licenciements qui sont faits sans aucun souci du sort des employés et de leurs familles. Oui, « Solidarnosc » manifeste une activité majeure dans les grandes entreprises, spécialement dans celles qui sont propriété de l’Etat. Mais on peut cependant se demander si e syndicat a assez de sollicitude pour le sort des employés dans les petites entreprises, privées, dans les supermarchés, les écoles, les hôpitaux, ou dans d’autres sujets de l’économie de marché, qui ne disposent pas de la force qu’on tles mines et es aciéries. Il faut que votre syndicat prennent ouvertement la défense des travailleurs auxquels les employeurs nient les droits à parler et le droit de s’opposer aux phénomènes qui violent les droits fondamentaux du travailleurs.

« Je sais qu’il arrive dans notre pays qu’on ne paie pas les salaires des travailleurs. Il y a peu de temps, en me référant à la lettre publiée à ce propos par les évêques polonais, j’ai dit que le blocage du paiement dû pour le travail est un péché qui crie vengeance vers le ciel. « Il tue son prochain celui qui lui enlève sa no
urriture, il verse le sang celui qui refuse le salaire de l’ouvrier (Siracide 34, 22). Cet abus est la cause de la dramatique situation de nombreux travailleurs et de leur famille. Le syndicat « Solidarnosc » ne peut pas rester indifférent face à ce phénomène angoissant.

« Un problème à part est le fait que les travailleurs sont fréquemment traités exclusivement comme de la main d’œuvre. Il arrive qu’en Pologne les employeurs refusent à leurs employés le droit au repos, à l’assistance médicale, et même à la maternité. Est-ce que cela ne signifie pas limiter la liberté pour laquelle « Solidarnosc » a lutté ? Il reste tant à faire sous cet aspect. Ce devoir pèse sur les autorités de l’Etat, sur les institutions juridiques, mais aussi sur « Solidarnosc », avec lequel le monde du travail a rassemblé tant d’espérance. On ne peut le décevoir.

En 1981, alors que l’Etat d’urgence était encore en vigueur, j’ai dit aux représentants de « Solidarnosc »: « L’activité des syndicats n’a pas de caractère politique, ne doit pas être un instrument de l’action de personne, d’aucun parti politique, pour se concentrer de façon exclusive et pleinement autonome, sur le grand bien social du travail humain et des travailleurs » (15 janvier 1981).

« Il semble que justement la politisation du mouvement syndical – probablement due à la nécessité historique – ait conduit à son affaiblissement. Comme je l’ai écrit dans l’encyclique « Laborem excercens », qui détient le pouvoir dans l’Etat est un employeur indirect, dont les intérêts ne vont pas habituellement de pair avec les besoins des employés. Il semble qu’en entrant dans une certaine étape de l’histoire directement dans le monde de la politique et en assumant la responsabilité du gouvernement du pays, « Solidarnosc » a dû forcément renoncer la défense des intérêts des travailleurs dans de nombreux secteurs de la vie économique et publique. Qu’il me soit permis de dire qu’aujourd’hui, si « Solidarnosc » veut vraiment servir la Nation, il devra revenir à ses propres racines, aux idéaux qui l’éclairaient en tant que syndicat. Le pouvoir passe de main en main, et les ouvriers, les agriculteurs, les enseignants, les agents de santé, et tous les autres travailleurs, indépendamment de qui détient le pouvoir du pays, attendent une aide pou la défense de leurs justes droits. A cela, « Solidarnosc » ne peut pas manquer.

« C’est un tâche difficile et exigeante. C’est pourquoi chaque jour j’accompagne de ma prière tous vos efforts. En défendant les droits de ceux qui travaillent vous travaillez à une cause juste, vous pouvez donc compter sur l’aide de l’Eglise. Je crois qu’une telle action sera efficace et conduira à l’amélioration du sort des travailleurs dans notre pays. Avec l’aide de Dieu, continuez à faire l’œuvre que nous avons commencée ensemble il y a des années. Dieu vous bénisse. »

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ZENIT Staff

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