Inde : En Orissa, arrestation d'un responsable chrétien

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Il est accusé davoir organisé des attentats maoïstes

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ROME, mardi 10 janvier 2012 (ZENIT.org) – Dans l’Etat indien d’Orissa, un leader chrétien accusé d’avoir organisé des attentats maoïstes a été arrêté, déplore « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris (EDA) dans cette dépêche de ce 10 janvier 2012.

Lundi 9 janvier, aux petites heures du matin, la police de Baliguda, dans le Kandhamal, a arrêté Junus Pradhan, responsable de la section de Daringbadi pour le Biju Janata Dal (BJD), parti actuellement au pouvoir en Odisha (dénomination officielle de l’Orissa depuis novembre 2011). L’homme politique, qui est également le président de la Kandhamal Christian Jana Kalyan Samaj (KCJKS), un mouvement chrétien aborigène local, a été accusé d’être à l’origine des derniers attentats maoïstes qui se sont produits dans le district du Kandhamal.

Selon différents médias locaux, le responsable du BJD a été appréhendé à son domicile à 4h30 du matin, sous l’accusation de « liens avec les naxalites » et de « participation aux attentats » qui ont fait quatre morts, dont trois policiers, et trois blessés graves dans la jungle du Kandhamal, un des bastions de la guérilla.

Chargé de l’enquête, le commissaire Jaynarayan Pankaj a déclaré qu’il « existait des preuves très sérieuses » contre le leader chrétien, également « suspecté d’avoir participé à d’autres crimes commis par les maoïstes dans le district ». Ces soupçons concernant Junus Pradhan semblent cependant s’appuyer uniquement sur des témoignages et des dénonciations : « Il est le cerveau du complot naxalite, la face cachée des maoïstes. Mais nous aurons d’autres détails sur ses liens avec les rebelles après son interrogatoire », assure le commissaire Pankaj, ajoutant que deux plaintes ont été déposées contre le président de la KCJKS à la police de Kotagarh.

Le 5 janvier dernier, l’explosion d’une mine près de Kotagarh faisait un mort et plusieurs blessés. Le lendemain 6 janvier, sur la route de Kotagarh-Srirampur, une mine déclenchée à distance faisait sauter un véhicule de l’unité spéciale de police venue enquêter sur les lieux de l’attentat de la veille. Ce deuxième acte terroriste avait fait trois morts, dont deux policiers, et trois blessés graves. Les deux attentats avaient été revendiqués par les naxalites qui faisaient observer depuis deux jours un bandh (grève générale) sévère dans toute la région, en représailles aux récentes arrestations de certains de leurs membres par la police.

Dans le district du Kandhhamal, la présence de la guérilla naxalite a toujours été très forte (1), mais ces dernières semaines, les attaques semblent s’être multipliées, suite à l’installation d’unités de police à proximité de la jungle où les maoïstes dissimulent leurs camps d’entraînement. Dans ce bastion des naxalites, la menace maoïste est souvent brandie par les autorités ou les hindouistes pour accuser les chrétiens, comme ce fut le cas lors de l’assassinat du swami Laxmanananda, à l’origine de la meurtrière vague de violences antichrétiennes qui a déferlé sur l’Etat en 2008 (2).

Junus Pradhan, âgé de 46 ans, est membre de l’une de ces communautés chrétiennes qui ont versé un lourd tribut à ces pogroms perpétrés par les hindouistes. La section du Christian Jana Kalyan Samaj qu’il présidait pour le Kandhamal avait, entre autres, multiplié les démarches auprès des autorités pour demander la protection des chrétiens, avant les attaques de décembre 2007, puis à la veille de Noël 2008 alors qu’un bandh général avait été lancé par les hindouistes. Prévenant le gouvernement des menaces qui pesaient sur les communautés, dénonçant le fait que les réfugiés étaient forcés de retourner dans leur village, sans aide ni protection, demandant la protection des chrétiens ainsi que de leurs lieux de culte, le groupe avait remis des mémorandums aux ministres de l’Etat et au gouvernement central indien.

Si dans le contexte de discrimination antichrétienne qui perdure encore aujourd’hui au Kandhamal, la mise en accusation de Junus Pradhan en tant que responsable du KCJKS n’a rien de surprenant, le fait que le leader chrétien soit également un membre actif du Biju Janata Dal (BJD), parti actuellement au pouvoir, l’est davantage.

Le Biju Janata Dal (BJD), parti régional issu de la nébuleuse du Janata Dal, se présente comme laïc et socialiste, et draine une grande partie de l’électorat aborigène, dalit (ex-intouchable) et musulman, en prônant une politique de discrimination positive en faveur des castes. Mais sa politique d’alliance avec certains partis hindouistes afin d’accéder au pouvoir dans plusieurs Etats de l’Inde le font souvent considérer avec suspicion par la plupart des Eglises chrétiennes. Selon John Dayal, secrétaire général du Conseil pan-chrétien de l’Inde (AICC), le BJD n’aurait « rien fait pour empêcher les massacres de 2008 » orchestrés par le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), son allié politique en Odisha.

En 2009, le BJD a fini par rompre son alliance avec le parti hindouiste, de façon très opportuniste selon certains, peu avant les élections en Odisha, ce qui lui a permis de sortir vainqueur des urnes et de porter son président Naveen Patnaik à la tête de l’Etat. L’Eglise catholique s’était cependant déclarée optimiste à l’annonce de cette victoire, le BJD s’étant engagé à une plus grande laïcisation de l’Etat et au « respect des droits des minorités » (3). La politique du nouveau gouvernement avait cependant rapidement déçu les chrétiens, les dalits et les autres minorités, les hindouistes restant aux postes-clés de l’Etat.

Dès que la nouvelle de l’arrestation de Junus Pradhan a été connue hier 9 janvier, des centaines de membres du BJD se sont rassemblés devant le quartier général de la section de Daringbadi, pour manifester et demander sa libération immédiate.

Aujourd’hui, mardi 10 janvier, le Global Council of Indian Christians (GCIC), une organisation de défense des chrétiens en Inde, a démenti, dans une déclaration rapportée par l’agence Fides, les accusations « calomnieuses » faites à l’encontre du leader du KCJKS. De plus, affirme Sajan K. George, président du GCIC, la police du Kandhamal a en réalité arrêté deux responsables chrétiens. Quelques heures avant l’interpellation de Junus Pradhan, un pasteur baptiste, Sukadeb Digal, âgé de 33 ans, a en effet été arrêté par la police de Raikia dans son village de Sipainju, sous l’accusation de « pratique de conversions illégales et forcées », un autre motif récurrent d’inculpation des chrétiens dans le district.

« Ces fausses accusations ont pour seul but d’intimider et de discréditer ces deux leaders engagés en faveur de la liberté et de la défense des droits des chrétiens du Kandhamal », a déclaré le GCIC, qui a rappelé que ces derniers n’avaient toujours pas obtenu justice et vivaient encore dans la terreur, plus de trois ans après la vague de violences antichrétiennes qui avait déferlé sur l’Orissa. Selon Mgr John Barwa, nouvel archevêque catholique de Cuttack-Bhubaneswar, ces arrestations interviennent ç un moment où les « chrétiens sortent de leurs catacombes » et témoignent courageusement de leur foi, malgré les menaces dont ils sont toujours victimes.

(1) La guérilla naxalite, d’inspiration maoïste, s’étend aujourd’hui le long d’un « corridor rouge » (Orissa, Jharkhand, Chhattisgarh, Bihar, Maharasthra et Andhra Pradesh) où chaque année, la lutte armée fait des centaines de morts.
 (2) Les violences antichrétiennes ont éclaté après le meurtre du swami Laxmanananda Saraswati le 23 août 2008, les chrétiens ayant été accusés de l’assassinat par les hindouistes, bien que les maoïstes aient revendiqué l’attentat. En 2009, le même scénario s’est reproduit
à la mort d’un leader du RSS : « Nous pensons que les assassins ne sont pas des naxalites, mais des chrétiens déguisés en naxalites », avait déclaré à la presse l’un des membres du mouvement hindouiste. Voir EDA 490, 491, 506, 551
 (3) Voir notamment l’interview de Mgr Cheenath par EDA le 1er avril 2009 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud/inde/orissa-dans-une-interview-pour-eglises-dasie-mgr
 
© Les dépêches d’Eglises d’Asie peuvent être reproduites, intégralement comme partiellement, à la seule condition de citer la source.

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ZENIT Staff

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