Inde : Affichage de portraits diffamatoires du Christ

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Les chrétiens indignés

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ROME, Mardi 23 février 2010 (ZENIT.org) – L’image d’un Christ « à la cigarette et à la canette de bière » fait scandale en Inde et suscite l’indignation des chrétiens, rapporte « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris (MEP), ce 23 février.

Le couvre-feu mis en place le samedi précédent à Batala, ville de l’Etat du Penjab, a été maintenu par les autorités en raison de la persistance d’une situation tendue depuis les incidents du week-end dernier. Toutes les écoles sont restées fermées. Les 19 et 20 février, plusieurs villes de l’Etat du nord de l’Inde avaient été le théâtre de violences entre chrétiens et hindouistes, à la suite du placardage dans la ville de Jalandhar, une autre ville de l’Etat, d’affiches d’un Christ au visage sulpicien, tenant une cigarette d’une main et une canette de bière dans l’autre, lesquelles avaient scandalisé la communauté chrétienne.

Les affrontements avaient été particulièrement violents à Batala, une ville industrielle du district de Gurdaspur, qui compte près de 25 % de chrétiens – un pourcentage élévé pour l’Inde -. Le 20 février, malgré les appels au calme des responsables catholiques comme protestants, de petits groupes composés essentiellement de jeunes appartenant à des dénominations chrétiennes sectaires, ont commencé à vouloir faire observer un bandh (1) de protestation aux commerçants de la ville, en les obligeant à fermer leurs stores. Le groupe a été rapidement pris à partie par les militants du Bajrang Dal, du Vishwa Hindu Parishad (VHP) et du Shiv Sena (2) et l’affrontement a dégénéré en bataille rangée et pillage des magasins. Selon les médias locaux, une dizaine de personnes auraient été blessées et de nombreuses interpellations effectuées par la police locale.

A 12 km de Gurdaspur, dans la ville de Dhariwal, des incidents violents auraient également été rapportés, des bandes de jeunes chrétiens à motocyclette cherchant à obliger les commerçants à fermer boutique. A Majitha, dans le district d’Amritsar, les mêmes scènes auraient provoqué la colère de commerçants qui auraient à mis le feu à des motocyclettes appartenant aux chrétiens (3). Dans différentes villes du Penjab, comme Bathinda ou encore Patiala, des manifestations de protestation ont également été organisées, mais aucun incident n’a été à déplorer.

Interrogé par l’agence Ucanews sur les événements, le P. Peter Kavumpuram, porte-parole du diocèse de Jalandhar a précisé que si l’Eglise catholique avait réagi dès l’affichage des portraits diffamatoires du Christ en rencontrant les autorités pour voir avec elles quelles actions pouvaient être menées pour trouver et sanctionner les coupables, Mgr Couto, évêque de Jalandhar, ainsi que les responsables des principales Eglises chrétiennes, avaient exhorté leurs fidèles à ne pas prendre part aux manifestations et à accepter l’incident comme un « sacrifice de Carême ». A la suite des affrontements du 20 février, l’Eglise avait également organisé des réunions dans les villes touchées, afin de condamner les violences qui s’y étaient produites.

Le gouvernement du Penjab, qui avait immédiatement mis en place une équipe spéciale afin d’enquêter sur les « motifs cachés » de la campagne d’affichage, n’a pas tardé à arrêter le principal responsable. Pritpal Singh, médecin ayurvédique et imprimeur de l’affiche litigieuse, a été interpellé par la police avec l’un de ses complices à Jalandhar, lundi 22 février.

Quelques jours à peine avant les événements du Penjab, le Christ « à la cigarette et à la canette de bière » avait déjà provoqué la colère et l’indignation dans le Meghalaya, l’un des Etats où les chrétiens sont les plus nombreux (70 %) Cette fois, c’est dans un manuel scolaire destiné aux écoles primaires que se trouvait l’illustration « sacrilège ». En ce début de troisième trimestre (4), les parents et enseignants catholiques avait découvert avec stupéfaction l’objet du scandale dans les nouveaux manuels des écoliers de grade 1 (l’équivalent du CP), en illustration de la lettre « I » du mot « Idol ».

Mgr Dominic Jala, archevêque de Shilong a déclaré à Ucanews (5) que les catholiques de l’Etat du Meghalaya « étaient profondément choqués et blessés de ce portrait offensant de Jésus-Christ » et que l’Eglise « condamnait fermement ce total manque de respect de l’éditeur du manuel envers les symboles religieux ».

Dès le 18 février, l’école de filles Saint-Joseph, établie à Shillong, capitale de l’Etat, et dirigée par la congrégation de Notre Dame des Missions, a porté plainte pour « offense aux sentiments religieux » contre l’éditeur du manuel scolaire, Skyline Publications, dont le siège est à New Delhi.

Le 21 février, alors que le Penjab s’enflammait au sujet des affiches placardées à Jalandhar, le Meghalaya était à son tour le théâtre de nombreuses manifestations, au cours desquelles des chrétiens, catholiques et protestants mêlés, exprimaient leur colère en brûlant publiquement les manuels incriminés. Selon un quotidien local, The Shillong Times, la maison d’édition Skyline, aurait à ce jour présenté ses excuses pour « avoir heurté les sentiments religieux » et commencé à rappeler tous ses manuels scolaires.

Mais l’image du Jésus « à la cigarette et à la canette de bière » n’en est pas à sa première apparition. Des précédents s’étaient déjà produits dans d’autres Etats, accompagnés des mêmes réactions d’indignation. En juillet 2008, le quotidien Saksi (« témoin »), appartenant au ministre-président de l’Andhra Pradesh, un protestant engagé, avait publié la fameuse illustration, déclanchant la colère des lecteurs qui avaient attaqué les bureaux du journal. Le ministre-président, Y.S. Rajasekhara Reddy avait dû présenter ses excuses et réaffirmer publiquement « son très grand respect pour Jésus-Christ ».

Cette image venait pourtant de déclencher le même scandale un mois plus tôt au Kerala, un Etat également très catholique, en se retrouvant à la Une d’un magazine diocésain. Face à la réaction outrée des fidèles, l’évêque du lieu, Mgr Vincent Samuel, avait tenté d’expliquer que l’illustration qui aurait dû se retrouver en vignette sur la couverture, avait été imprimée en grand format par erreur. Mais malgré la tentative de l’équipe du journal pour camoufler cigarette et bière avec des autocollants, l’indignation des paroisses avait été telle que le diocèse avait dû cesser la publication du magazine (6).

(1) Un bandh en Inde est une grève générale qui se traduit entre autres par une opération « ville morte », en fermant les commerces et baissant tous les stores.

(2) Ces organisations appartiennent à la mouvance de l’hindouisme extrémiste.

(3) punjabnewsline, 21 février 2010 ; uniindia, 22 février 2010, Ucanews, 22 février 2010

(4) Le calendrier scolaire en Inde débute habituellement en juillet pour se terminer fin avril.

(5) Ucanews, 19 février 2010

(6) Voir EDA 490. Pour trouver l’origine de cette image litigieuse, il faut remonter en août 2007, date où un journal malaisien en langue tamoule, le Makkal Osai, avait voulu illustrer humoristiquement la phrase « Si quelqu’un se repent de ses fautes, le paradis l’attend ». Le journal avait été suspendu de publication pendant un mois pour avoir « heurté les sentiments religieux des catholiques ».

© Les dépêches d’Eglises d’Asie peuvent être reproduites, intégralement comme partiellement, à la seule cond
ition de citer la source.

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ZENIT Staff

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