« Il est heureux que les radios d’inspiration chrétienne agissent ensemble », affirme le card. Poupard

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Colloque à Prague

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ROME, Jeudi 29 septembre 2005 (ZENIT.org) – « Il est heureux que la multitude des radios d’inspiration chrétienne agissent ensemble, chacune selon ses propres moyens, tout en se sentant soutenue par cet immense réseau capable de toucher les consciences et les cœurs et, ainsi, contribuer à la paix et la concorde entre les peuples », affirme le cardinal Poupard.

Le cardinal Paul Poupard, président du Conseil pontifical de la Culture, a en effet tenu son intervention sur le thème : « La culture : fondement de la citoyenneté européenne », ce 29 septembre, à Prague, lors du XIIe colloque de la conférence européenne des radios chrétiennes (CERC).

Le cardinal Poupard a cité, au terme de son intervention, ce matin cette phrase de Jean Patocka, « philosophe tchèque, porte-parole de la Charte 77, mort au sortir d’un interrogatoire policier » : « L’Europe est un concept qui repose sur des fondements spirituels. Aussi a-t-elle une mission à accomplir ».

Le cardinal Poupard disait vouloir exprimer ses « convictions sur l’Europe, et plus précisément sur l’importance de la culture comme élément fondateur d’une identité commune d’une Europe unie et heureuse de l’être ».

Il affirmait d’emblée : « Nous le constatons, l’Europe peine aujourd’hui à trouver sa véritable physionomie : elle est traversée par un ensemble de crises qui témoignent de l’affaiblissement de sa culture millénaire et l’empêchent de construire solidement une maison commune, la « Maison Europe ». La conscience des valeurs partagées dans la pluralité des cultures de l’ensemble des peuples du continent, éprouve quelque mal à s’affirmer, parfois par manque de volonté et d’engagement des citoyens, mais surtout parce que le modèle actuellement proposé, essentiellement à travers un ensemble de lois économiques contraignantes, n’est pas propre à soulever les enthousiasmes ».

Le ministre de la culture de Jean-Paul II et Benoît XVI voyait par conséquent la nécessité « d’ouvrir l’Europe à de nouveaux horizons, d’en faire naître, avec un enthousiasme communicatif porteur d’une ambition commune, une culture partagée dont tous se reconnaîtront à la fois comme les fils et les créateurs ».

Il citait les propos de Jean-Paul II lors de sa visite au Parlement européen à Strasbourg, en octobre 1988 : le pape voyait comme d’un signe des temps, « le fait que cette partie de l’Europe, qui a jusqu’ici tant investi dans le domaine de sa coopération économique, soit de plus en plus intensément à la recherche de son âme, et d’un souffle capable d’assumer sa cohésion spirituelle. »

Evoquant son précédent séjour à Prague, en 1993, le cardinal Poupard s’exclamait : « Cette merveilleuse ville de Prague ruisselle de beauté. Et pourtant, son nom même, associé dans nos mémoires à la belle saison du printemps – « le printemps de Prague » –, évoque aussi le tragique hiver de la rude confrontation dont nous avons été témoins au siècle dernier, entre la culture et sa négation dans l’idéologie marxiste-léniniste athée. Cette tragédie a ébranlé les vastes territoires du centre et de l’est du continent européen pendant la plus grande partie du XXème siècle, privant des peuples entiers de leurs droits les plus fondamentaux, en premier lieu celui de vivre leur religion dans la pleine liberté de leur conscience. Dieu merci, Monsieur le Ministre, ces temps sont passés, et Prague délivre à notre Europe trop souvent amnésique, le message d’un humanisme né d’une culture chrétienne riche de trésors incomparables d’architecture, de peinture et de sculpture, de musique et de littérature, signes admirables de la fécondité emplie d’humanité du message de l’Évangile ».

Le cardinal affirmait : « C’est notre conviction : l’humanisme issu des béatitudes possède en lui-même une force interne qui le rend, mieux que toute autre force éducative, capable de réunir les hommes, les peuples et les nations dans un ensemble géographique et humain qui réponde pleinement aux exigences du XXIe siècle. Celles-ci ne sont autres que celles de la justice et de la paix, de la prospérité et de la liberté, d’un monde fait pour l’homme, conscient de sa dignité et de sa responsabilité devant Dieu et devant l’histoire ».

« Comment ne pas me référer à l’un de vos plus grands compositeurs, Antonín Dvorák, dont la Symphonie du nouveau monde est pour nous comme une allégorie – je n’ose pas dire une prophétie – de ce que nous souhaitons pour notre « maison commune » ? », disait le cardinal Poupard en évoquant ce « compositeur génial ».

Il citait Rainer Maria Rilke, « le poète autrichien né à Prague », l’écrivain Franz Kafka et le musicien Gustav Mahler, le neuro-psychiâtre Sigmund Freud, et Edmund Husserl, « fondateur de la phénoménologie, qui a tant séduit un jeune philosophe Karol Wojtyla, devenu pape sous le nom de Jean-Paul II ! ».

« Les horizons ouverts par la « révolution de velours » ont redonné la pleine liberté à votre peuple, et vous avez repris le destin de votre nation entre vos mains en dissipant l’épais brouillard d’une folle oppression, rappelait le cardinal Poupard. Mais une décennie plus tard, nous nous interrogeons sur l’avenir à l’aube du troisième millénaire (…). Pardonnez au Français que je suis cette allusion à la devise de mon pays d’origine – « Liberté, égalité, fraternité » –, je n’ignore pas pour autant celle de la République Tchèque, d’une éloquence suggestive : « Pravda vítězí » – « la vérité gagne », surtout pour nous chrétiens qui professons dans le Christ le mystère de l’amour vainqueur du mal et de la mort ».

« Chers amis de la Conférence Européenne des Radios Chrétiennes venus à Prague à l’invitation de Radio Proglas, vous entendez réunir les émetteurs des pays d’Europe qui partagent, à la lumière de l’humanisme chrétien, un même regard sur le monde pour promouvoir la démocratie, tout en favorisant l’émergence d’une conscience européenne et la compréhension entre les peuples. C’est un vaste programme, et il est heureux que la multitude des radios d’inspiration chrétienne agissent ensemble, chacune selon ses propres moyens, tout en se sentant soutenue par cet immense réseau capable de toucher les consciences et les cœurs et, ainsi, contribuer à la paix et la concorde entre les peuples ».

Aux radios chrétiennes d’Europe , le cardinal disait : « Comme Président du Conseil Pontifical de la Culture, je suis heureux de cette occasion qui m’est donnée pour vous encourager à renforcer votre collaboration, dans la conviction de l’importance de votre mission, même si votre audience peut vous paraître, pour certaines d’entre-vous, sans commune mesure avec celle des grands media « laïcs ». Face au géant Goliath, David n’a eu besoin pour libérer son peuple, que d’une petite pierre et de sa fronde faite de ses propres mains. Aujourd’hui, au cœur du tintamarre médiatique, vous êtes les David de la liberté de conscience en assumant pleinement votre mission d’informateurs et d’éducateurs, sans céder aux sirènes de l’efficacité immédiate et de la rentabilité à tous prix ».

Et de préciser : « Dans le document Pour une pastorale de la culture, publié à la Pentecôte 1999, le Conseil Pontifical de la Culture souligne le rôle des moyens de communication sociale et des technologies de l’information, et les changements culturels dus à la mutation du langage suscitée en particulier par la télévision et les modèles qu’elle propose (n. 9). Nous le constatons, notamment dans le domaine de la publicité, les media se jouent des frontières et brouillent les repères du Vrai et du Bien, et, par là, du Beau, en hypertrophiant le désir et parfois l’instinct de l’audit
eur au détriment de sa vocation de personne libre et responsable. Le bombardement médiatique à chaud ne favorise pas par ailleurs le recul nécessaire à la réflexion, et transforme la perception du réel : la réalité cède le pas à ce qui en est montré, et la répétition soutenue d’informations choisies devient un facteur déterminant pour créer une opinion considérée comme publique. Trop souvent, nous le constatons, le matraquage médiatique truffé de slogans réducteurs nuit à l’écoute d’un message spirituel et à la compréhension du mystère de l’Église. « Silence sur l’essentiel », disait mon ami le philosophe Jean Guitton ».

« Cette influence prépondérante des media appelle les chrétiens à une créativité nouvelle pour rejoindre les centaines de millions de personnes qui consacrent quotidiennement un temps important à la radio et à la télévision. Moyens d’information et de promotion culturelle, j’aime à le répéter, les radios chrétiennes sont aussi des moyens de formation et d’évangélisation, pour nombre de ceux qui n’ont guère d’occasions d’entrer en contact avec l’Église et l’Évangile, dans nos cultures sécularisées.

Pour tenter de répondre maintenant plus directement à la proposition que vous m’avez faite de réfléchir avec vous à La culture, fondement de la citoyenneté européenne, je voudrais rapidement évoquer trois points : 1) la citoyenneté est fille de la culture, 2) elle est aussi responsable de sa culture, 3) elle le fait dans une authentique volonté d’éduquer l’homme, tout l’homme et tous les hommes ».

Le cardinal concluait : « J’ai tenu à plusieurs reprises à souligner le rôle indispensable et tout à fait considérable, bien digne de susciter votre enthousiasme, des radios chrétiennes, non seulement dans vos programmes de diffusion, mais aussi dans votre dialogue avec les autres moyens de communication sociale. J’aime à le répéter : si avec les autres, vous donnez bien évidemment de l’information, votre vocation propre est, à travers l’information, de donner une formation ».

Il achevait sur cette évocation de l’un des « pères de l’Europe », Robert Schuman, auquel il a consacré l’une de ses conférences de carême, à Notre-Dame de Paris, le 9 mars 2003 : « Inspiré par sa foi chrétienne et nourri de l’expérience d’une longévité parlementaire exceptionnelle, Robert Schuman sut incarner au cœur des contingences politiques son idéal évangélique au service des hommes… A un demi-siècle de distance, permettez-moi de restituer [cette] remarquable prise de position à nos mémoires amnésiques : « Je parle, disait le Président Schuman, en croyant à des croyants… Nos démocraties contemporaines développent en nous le sens de la responsabilité personnelle. C’est la conséquence heureuse et la contrepartie de tout régime basé sur la liberté. Mais le courage civique, individuel ou collectif au sein d’une Assemblée, n’est pas toujours à la mesure de cette responsabilité… Il importe de nous rendre compte que l’Europe ne saurait se limiter à la longue à une structure purement économique. Il faut qu’elle devienne aussi une sauvegarde pour tout ce qui fait la grandeur de notre civilisation chrétienne : dignité de la personne humaine, liberté et responsabilité de l’initiative individuelle et collective, épanouissement de toutes les énergies morales de nos peuples.
Une telle mission culturelle sera le complément indispensable et l’achèvement d’une Europe qui jusqu’ici a été basée sur la coopération économique. Elle lui confèrera une âme, un anoblissement spirituel et une véritable conscience commune. Il ne faut pas que nous ayons de la future Europe une conception étriquée, se confinant dans des préoccupations matérielles, si nous voulons qu’elle résiste à l’assaut des coalitions racistes et aux fanatismes de tous genres. L’Europe, après le discrédit qu’on a déversé sur elle, dans de grandes parties du monde, devra être à même de reprendre à nouveau son rôle d’éducatrice désintéressée, notamment des peuples qui viennent de naître à la liberté.
L’aide aux pays sous-développés sera ainsi la grande tâche à laquelle devront s’associer tous ceux qui ont le privilège d’être en avance sur d’autres. L’humanité de demain sera ce que nous aurons su en faire. Si nous nous bornions à les équiper économiquement et militairement, sans leur fournir en même temps cette armature morale, sans leur donner aussi l’exemple d’un comportement basé sur des principes spirituels, nous aurions fait une œuvre, non seulement vaine, mais dangereuse. Nous les aurions détachés de leurs anciennes croyances traditionnelles, sans leur procurer un idéal nouveau, complément et contrepoids du progrès technique… A leur égard, nous avons une véritable charge d’âme. Nous ne remplirions nullement notre devoir, en bornant notre action à la construction de routes et d’usines, d’écoles et de dispensaires, si nous leur apportions l’autonomie ou même l’indépendance, sans leur avoir enseigné l’usage qu’il faut en faire, sans les avoir mis en garde contre les abus qui peuvent en être faits. Il faut que l’émancipation s’accompagne d’une éducation morale autant que technique, sans quoi, on risque de voir se produire de lamentables rechutes dans l’anarchie et dans la barbarie… Et c’est encore une tâche spécifiquement européenne… » ».

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ZENIT Staff

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