G8: Un traitement « médiatique » aux antipodes de la « science »

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Entrevue du prof. Malinvaud avec Fides

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ROME, Jeudi 19 juillet (Zenit.org/Fides) – Le professeur Edmond Malinvaud a accordé l’entretien suivant à Fides. Il salue l’existence d’une organisation « entre Etats » comme le G 8, mais regrette le traitement trop « médiatique » de « problèmes importants pour l´avenir » qui, ainsi « ne sont pas traités comme ils devraient l´être » : « C´est vraiment l´antithèse de ce qu´un scientifique peut considérer comme bon ». Il dénonce également les comportements égoïstes des pays riches, au niveau des gouvernements comme au niveau des « électeurs ».

Le Professeur Edmond Malinvaud, âgé de 78 ans, a une longue carrière comme économiste et statisticien. Il a travaillé également sur des recherches dans les milieux internationaux. Président de l´Académie Pontificale des Sciences Sociales, depuis sa création en 1994, il a été nommé pour cinq et renouvelé pour cinq autres années.

F. – A propos du G8, on parle beaucoup de globalisation. Au mois d´avril dernier, l´Académie Pontificale des Sciences Sociales a consacré sa Session Plénière à cette question. Quel est votre programme pour l´avenir ?

E.M. – Notre programme vise à donner des éléments qui sont de nature scientifique
sur les phénomènes et sur les problèmes à ceux qui mettent au point la doctrine sociale de l´Eglise. C´est une activité qui est à long terme, plus que dans le courant de la vie publique. Ces dernières années, nous avons étudié les problèmes du travail, du chômage, et de la démocratie; après cela, nous devions étudier ce sujet de la globalisation, puisqu´il y a de nombreux témoignages scientifiques à apporter sur un certain nombre de choses. Notre première réunion a été consacrée à faire un grand tour d´horizon sur les problèmes de la globalisation, tels qu´on pouvait les voir lorsqu´on adoptait une attitude éthique, et notamment le développement des Pays pauvres du monde. Une session est prévue dans deux ans. Dans un séminaire préliminaire, nous étudierons de près les nouvelles formes d´inégalité dans le monde pour voir si c´est un effet de la globalisation, ou si c´est l´effet d´une autre chose.

F. – Y a-t-il un lien direct entre la pauvreté et la globalisation ?

E.M. – Quand on parle de pauvreté dans le monde, il n´est pas nécessaire de l´associer à la globalisation. Cela a d´autres raisons d´être, et a existé avant que l´on ne parle de globalisation. Elles peuvent être multiples, et toucher notamment à des structures sociales et politiques de ces Pays, ou toucher également aux conditions naturelles dans lesquelles les populations sont placées. Il peut y avoir aussi des éléments culturels, ce qui est important.

F. – La globalisation met en lumière la différence entre les riches et les pauvres, la dette extérieure, l´écologie, l´économie comme dimension unique de l´homme. Comment ces problèmes vous interrogent-ils?

E.M. – En tant que chrétien, je suis interpellé par ces questions , et je le suis aussi en tant que chercheur dans le domaine de l´économie. En tant que chercheurs, nous ne considérons pas que l´économie soit la totalité de la vie humaine. D´ailleurs, il y a 6 économistes dans notre Académie Sociale des Sciences Sociales, et 24 spécialistes dans d´autres disciplines. C´est une déviation grave de notre éthique collective que de penser que l´économie fait tout. Nous ne sommes pas satisfaits du tout de voir que, effectivement, dans certaines discussions sur l´avenir de l´humanité, l´économie prime par rapport à toute autre considération. Ce n´est évidemment pas la doctrine sociale de l´Eglise, et ce point de vue n´est pas partagé par les véritables chercheurs.

F. – Comment voyez-vous personnellement les événements de ces jours liés au G8 et aux manifestations contre le G8 ?

E.M. – C´est une grande tristesse que nos sociétés ne sachent pas faire mieux que de se comporter ainsi. Il s´agit de problèmes importants pour l´avenir, et ils ne sont pas traités comme ils devraient l´être. Qu´ils soient traités comme des phénomènes médiatiques, c´est vraiment l´antithèse de ce qu´un scientifique peut considérer comme bon.

F. – Et sur le G8 ?

E.M. – Le G8 est une Organisation entre Etats ; on ne peut pas se plaindre qu´il y ait des organisations entre Etats. Il s´agit simplement de savoir ce qu´elles font. Pour ma part, je ne sais pas exactement ce qu´ils vont faire à Gênes, je ne suis pas suffisamment informé des détails de cette Rencontre ; et je ne vois pas ce qui est répréhensible au fait que, à différents niveaux, les Pays se réunissent pour essayer d´harmoniser leur politique. A cela, il n´y a rien qui soit scandaleux, et ce ne sont tout de même pas des repaires de  » mafieux  » ! Enfin, il faut être raisonnable !

F. – Mais ne trouvez-vous pas que les Pays riches font preuve d´un grand égoïsme ?

E.M. – Nos Pays riches font preuve de trop d´égoïsme à cette époque de notre histoire. Le fait que les Américains, par exemple, ne veulent pas réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, qui peuvent être dangereux pour l´avenir de la planète, est véritablement très révélateur à cet égard. Et quand je dis les Américains, c´est le gouvernement américain, mais avec le soutien du peuple américain. Il n´y a pas lieu d´être satisfaits de la situation actuelle. Mais ce ne sont pas les réunions entre gouvernements qui sont alors en cause, mais quelque chose de plus profond… Le fait que, par exemple, l´aide directe au développement ait plutôt une tendance à se réduire qu´à augmenter, est très révélateur. On veut bien en parler comme cela, manifester pour elle ; mais lorsqu´on propose d´augmenter les impôts pour augmenter cette aide, les électeurs ne suivent plus.

F. – Est-il possible d´arriver à une conversion de cet égoïsme et de traduire cette conversion en choix précis ?

E.M. – C´est la mission de tous les chrétiens. C´est toujours difficile : entre l´intention et l´action, il y a toujours une période très délicate ; et je suis sûr que beaucoup d´hommes pensent que la situation présente n´est pas satisfaisante du point de vue éthique, mais sont bien en peine de savoir même que faire, ou encore que faire qu´ils soient prêts à accepter.

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ZENIT Staff

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