France : Vers la création d'embryons pour l’industrie de la fécondation ?

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Adoption d’un projet de loi

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ROME, Mardi 15 février 2011 (ZENIT.org) – La France s’oriente-t-elle vers la création d’embryons pour l’industrie de la fécondation avec le projet de loi de bioéthique qui vient d’être adopté ?

La Fondation Jérôme Lejeune souhaite montrer que « malgré le rappel et le maintien du principe fondateur d’interdire la création d’embryon humain pour la recherche » tel que défini par l’article L.2151-2 du Code de la Santé publique « la conception in vitro d’embryon humain à des fins de recherche est interdite », le projet de loi de bioéthique français va tout organiser pour en donner une « autorisation implicite » et « favoriser les besoins de l’industrie de la procréation ».

Il propose en effet, pour faire sauter les verrous, de « modifier les conditions de l’Assistance médicale à la procréation (AMP), celles de la recherche puis les conditions d’obtention et de conservation des gamètes », fait observer « Gènéthique », la synthèse de presse de la Fondation Jérôme Lejeune dans cette analyse du projet de loi français qui doit maintenant passer devant le sénat.

Analyse proposée par Gènéthique

Conditions d’AMP modifiées

L’article L2141.3 qui spécifie les modalités de conception d’un embryon in utero dans le cadre d’une AMP, précisait en 2004 que l’AMP est faite pour remédier à l’infertilité. Dans le projet de loi, cette indication est étendue à la conception in vitro, transfert d’embryons, insémination artificielle et conservation des gamètes et des embryons… La conception d’embryons n’est donc plus exclusivement permise pour remédier à l’infertilité mais pour permettre la réalisation des techniques d’AMP, ce qui introduit l’espace/temps de la création d’embryon pour la recherche.

L’étude d’impact accompagnant le projet de loi, rappelle que les parlementaires en 2004 avaient explicitement refusé, en raison de l’interdit de création d’embryon pour la recherche, la mise en œuvre de techniques d’AMP innovantes. Pour contourner cet interdit, l’OPECST a proposé dans ses rapports sur la bioéthique de 2008 et 2010 de considérer la recherche sur les embryons dans le cadre de l’AMP comme étant des pratiques de soin : « Toute technique ayant pour objectif d’améliorer les possibilités de développement in utero d’un embryon humain devrait être considérée comme un soin et non comme une recherche. » Dans un de ces rapports, on apprenait aussi que plusieurs demandes d’autorisation d’essais cliniques sur les techniques de fécondation et de congélation sont déposées auprès de l’AFSSAPS : projet de vitrification ovocytaire, congélation lente d’embryons, projet de recherche incluant un embryon. Le projet de loi ne retient pas ces distinctions byzantines mais pour contourner l’interdit, il présente ces recherches comme de simples améliorations de techniques.

Recherche à visée médicale

L’article 23 de l’actuel projet de loi, traitant de la recherche sur l’embryon, en proposant de substituer à thérapeutique, la notion de médical pour obtenir les dérogations de recherche sur l’embryon signe évidemment un chèque en blanc à la recherche sur l’embryon dans le cadre de l’Assistance médicale à la procréation. Le dernier verrou d’ordre général saute.

Accroître les stocks

Enfin les modalités du consentement du couple à la recherche sur ses embryons, telles qu’elles sont détaillées par l’article R. 2151-4 du décret d’application relatif à la recherche sur l’embryon et sur les cellules embryonnaires signé le 6 février 2006, permettent la création d’embryons pour la recherche. Dans le cadre d’une AMP, le couple peut « consentir dans le même temps par écrit à ce que les embryons, qui ne seraient pas susceptibles d’être transférés ou conservés, fassent l’objet d’une recherche ». Ce consentement a priori constitue donc la conception in vitro d’embryons à des fins de recherche.

La loi aménagée, les parents étant consentants, il ne reste plus qu’à organiser l’obtention et la conservation des gamètes. Les campagnes en faveur des dons d’ovocytes et des différentes techniques de conservation ovocytaire ont cet objectif. La denrée rare, le nouvel étalon or c’est l’ovocyte et une fois levé ce dernier obstacle, tout sera en place pour permettre en France l’épanouissement de l’industrie de la procréation.

Marché florissant de la procréation

Dans de nombreux pays, les gamètes et les techniques d’AMP se vendent librement, constituant un marché de l’enfant, désormais mondialisé. Les exemples foisonnent : aux Etats-Unis, on peut acheter du sperme (275 000 USD la dose), des ovocytes (de 2 500 à 50 000 USD, selon les critères morphologiques et raciaux de la « vendeuse ») ; en Ukraine, une mère porteuse loue son utérus entre 25 000 et 45 000 USD… Ce marché est estimé à 3 milliards USD par an aux Etats-Unis, sans compter le reste du monde.

Endocell : culture d’embryon-endomètre

Le 11 juin 2010, les laboratoires Genévrier ont inauguré l’extension de leur centre « Genévrier Biotechnologie, premier centre européen de culture cellulaire à visée thérapeutique ». Le site de Sophia-Antipolis a été transformé en un « véritable centre de production industrielle » dédié à la production d’Endocell, un système de coculture embryon-endomètre. René Frydman et Jean Leonetti étaient présents à cette inauguration.

Système présenté comme « une avancée pour la procréation médicalement assistée », Endocell permet à partir d’une simple biopsie d’endomètre, de fournir un milieu de culture apportant tous les facteurs de croissance nécessaires au développement de l’embryon in vitro jusqu’au stade de blastocyste. C’est la réalisation d’un tapis cellulaire à partir des cellules prélevées sur la muqueuse utérine de la femme. R. Frydman explique dans le Quotidien du médecin (28 juin 2010) que cela permettrait « le transfert d’un embryon unique, sans perte de chances pour la patiente et en lui évitant donc les risques d’une grossesse multiple ». Ce système séduit depuis plusieurs mois les professionnels de l’AMP bien que sa commercialisation ne soit prévue que pour janvier 2011, les résultats d’études cliniques étant encore attendus, indique le journal Libération le 30 septembre 2010. Autorisé à la mise sur le marché en 2007 par l’AFSSAPS, Endocell aurait été testé sur près de 300 femmes et aurait donné lieu à une trentaine de naissances.

Un produit en plein essor

Dans son article sur les laboratoires Genévrier du 4 octobre 2010, la Tribune annonçait pour 2009, 21,4 millions d’euros consacrés à la recherche et au développement, avec un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros contre 112 millions en 2008. Aujourd’hui, l’entreprise, qui détient 83 brevets industriels, emploie plus de 380 salariés et table sur un chiffre d’affaires de 135 millions d’euros en 2010, ce qui en fait le quatrième laboratoire pharmaceutique indépendant français. On comprend mieux que Jean Leonetti, approuvant le « coup de force médical » de René Frydman sur la vitrification ovocytaire ait déclaré dans le Journal du dimanche (7/11/2010) : il faut « offrir aux chercheurs une liberté maximale et leur permettre d’améliorer les conditions de fécondation – ce qui ne peut se faire qu’en maniant l’embryon ».

Conclusion

Malgré quelques hésitations de principe, et sous couvert de simple amélioration de techniques, le projet de loi met en place un système qui ne permettra plus aucun contrôle des manipulations sur l’embryon dans le cadre de l’AMP. Les débats sur la levée de l’interdiction de recherche sur l’embryon seront sans objet si ces recherches sur l’embryon et leur création dans le cadre de l’AMP sont autorisées. C’est un abandon programmé de tout contrôle, amplifié par un transfert de pouvoi
r vers l’ABM. Le législateur saura-t-il protéger l’embryon contre les convoitises ?

© Genethique.org  

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ZENIT Staff

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