France/Unité des Chrétiens: Le rapport entre baptême et eucharistie

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Explication de l´enseignement catholique

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ROME, Jeudi 26 juillet 2001 (Zenit.org) – « Il n´est pas acceptable que des non-baptisés, même à titre d´exception, puissent être admis à l´eucharistie, sciemment et de manière durable, même au long d´un accompagnement transitoire en vue du baptême. Nous ne trouvons aucune base à cette pratique ni dans l´Écriture, ni dans la tradition patristique ou plus récente », explique la commision épiscopale française pour l´Unité des chrétiens, présidée par Mgr François Saint- Macary, archevêque de Rennes. L´Eglise craint la « confusion  » que cette décision peut créer dans les esprits.

Nous proposons ci-dessous l´exposé de l´enseignement catholique sur les relations entre baptême et eucharistie, fait par la commisison épiscopale française pour l´unité des chrétiens à l´occasion de la décision du Synode réformé de Soissons relative au baptême et à la Sainte Cène.

– Réflexions de la Commission épiscopale pour l´unité des chrétiens –

La Commission épiscopale pour l´unité des chrétiens, émue par la décision du Synode national de l´Eglise réformée, pense nécessaire de faire connaître ce qu´est le point de vue catholique sur une question aussi grave.

1. Pour parler du baptême et de l´eucharistie, il convient de les replacer dans la cohérence de la doctrine et de l´expérience chrétiennes.
Si l´on considère la place respective de ces deux sacrements dans un parcours de foi comme indifférente ou interchangeable, on risque de ne plus saisir, d´un point de vue pratique et d´un point de vue dogmatique, la relation entre les deux.

Dans la perspective catholique, le salut est donné gratuitement à l´homme dans la mort et la résurrection du Christ. L´homme y accède par la médiation de l´Eglise-sacrement. C´est la conséquence du régime de l´incarnation. Cette médiation est un élément important de différence avec la doctrine de l´Eglise réformée.
Nous n´abordons pas ici la question du salut des non-chrétiens.

Selon l´Écriture, la proclamation de l´Évangile éveille l´homme à la connaissance de Dieu et le conduit à l´aimer. Il entre alors, selon une décision libre, en relation avec lui par le baptême (Mc 16, 16 ; Mt 28, 19 ; Ac 2, 38.41 ; 8, 36 ; 9, 18), qui lui fait vivre, à travers la symbolique sacramentelle, le mystère de la mort et de la résurrection du Christ (Rm 6 ; Col 2, 2) et le fait renaître à une vie nouvelle (Jn 3, 5). Le baptême le sauve (1 P 3, 21) et fait de lui un enfant de Dieu par adoption, puisqu´il reçoit l´Esprit Saint, l´Esprit du Fils (Ga 4, 6) grâce auquel il peut se tourner vers le Père, en l´appelant Abba, avec la même confiance que Jésus lui-même (Rm 8 14-17). Par le baptême, l´être humain devient un être spirituellement neuf, il entre dans la maison de Dieu (Ep 2, 19), comme membre du peuple de Dieu (1 P 2, 9-10), membre du corps du Christ (1 Co 12, 13).

Plus encore, le baptême en fait un être sacerdotal (1 P 2, 5.9 ; Ap 1, 6 ; 5, 10) : il devient capable de vivre sa vie comme une louange et comme une offrande de lui-même et du monde à Dieu (Rm 12, 1 ; Ph 4, 18 ; 1 P 2, 5).
En partageant les joies et les peines qui sont celles de tout homme en ce monde, le baptisé se tourne et tourne le monde vers Dieu, créateur et sauveur. Il y trouve sa joie et son plein accomplissement.

Ainsi ouvert à la dimension secrète et mystérieuse de son être personnel et mis en relation avec Dieu par le Christ sauveur, le chrétien accède aux richesses du corps du Christ, qui vit de l´Esprit Saint et qui se nourrit du corps et du sang de son Seigneur. Cette nourriture eucharistique a été donnée aux baptisés par le Christ lui-même comme nourriture et breuvage de vie, pour le temps de l´histoire (cf. Jn 6, 51-54).

Accéder à l´eucharistie suppose que l´on vive de son Esprit, pour discerner, dans cette nourriture, prélevée sur les biens que Dieu nous donne, le corps et le sang du Ressuscité (1 Co 11, 29).

Membres du peuple sacerdotal, ceux qui communient sont aussi ceux qui célèbrent l´eucharistie. Dans la célébration de l´eucharistie, c´est, en effet, pour la doctrine catholique, la communauté rassemblée (à condition qu´elle soit convoquée, réunie et présidée par un ministre ordonné) qui est le sujet intégral de l´action liturgique.
C´est au titre du sacerdoce universel que l´on accède à l´eucharistie ; cela signifie que l´on ne communie que si l´on est membre du peuple sacerdotal de Dieu, donc baptisé.

Il n´est donc pas acceptable que des non-baptisés, même à titre d´exception, puissent être admis à l´eucharistie, sciemment et de manière durable, même au long d´un accompagnement transitoire en vue du baptême. Nous ne trouvons aucune base à cette pratique ni dans l´Écriture, ni dans la tradition patristique ou plus récente.

La Didachè le souligne :  » Que personne ne mange ni ne boive de votre eucharistie, si ce n´est les baptisés au nom du Seigneur  » (Didachè IX, 5) ; ou encore saint Justin :  » Nous appelons cet aliment eucharistie, et personne ne peut y prendre part s´il ne croit pas à la vérité de notre doctrine, s´il n´a reçu le bain pour la rémission des péchés et la régénération, et s´il ne vit selon les préceptes du Christ. Car nous ne prenons pas cet aliment comme du pain commun et une boisson commune  » (I Apologie 66), ou saint Cyprien, dans son commentaire du Notre Père qui parle de l´eucharistie comme du  » pain quotidien  » des chrétiens.

2. Les dispositions du Synode réformé de Soissons s´appuient sur la prise en compte pastorale de considérations psychosociologiques, qui rejoignent la réalité complexe et éclatée de la société contemporaine. Toutes les Églises qui accueillent sans distinction ceux qui se présentent ou des communautés chaleureuses largement ouvertes sont exposées à ce que des personnes non formées viennent participer à une célébration, en voyant dans la communion un geste de fraternité auquel elles s´associeront sans en discerner le sens. Dieu connaît les cœurs de celles et ceux qui agissent ainsi, mais quand les membres de la communauté le découvrent, il est de leur devoir d´avertir et de faire réfléchir les personnes concernées, en leur proposant un accueil et une initiation, comme cela s´est toujours fait au cours de l´histoire chrétienne.
Rien n´a vraiment changé sur ce point au cours de l´histoire, hors des temps de chrétienté où chacun savait ce qu´étaient l´Église et la vie chrétienne.

Dans la confusion actuelle, où ceux qui cherchent à donner plus de sens à leur vie sont tentés par des expériences variées, avant de prendre un engagement, la fréquence de ces cas particuliers est sans doute élevée. Raison de plus pour renforcer le catéchuménat, pour initier et préparer une démarche réfléchie et libre.

3. Donner accès à la Cène sans baptême ne peut qu´introduire la confusion dans les esprits des croyants et des sympathisants qui s´approchent. C´est faire trop peu de cas de ce que les premiers chrétiens appelaient, à la suite de Saint Paul, le  » Repas du Seigneur  » (1 Co 11, 20), c´est-à-dire le repas institué par lui, pour les croyants et où les croyants entrent en communion avec lui.

Si la mesure d´accueillir à la Cène avant le baptême est appliquée, pour quelque raison que ce soit, à des enfants et à des jeunes, la confusion nous paraît devoir être encore plus grande.
Mais là se manifestent, sans doute, deux conceptions très différentes des sacrements que nous ne pouvons passer sous silence. D´un côté, pour faire bref, des sacrements qui sont actes du Seigneur et chemins de grâce, inscrits dans la cohérence d´un parcours et d´une construction de l´être spirituel ; de l´autre, des signes symboliques de même nature que la prédication de l´Évangile,  » une forme d´expression métaphorique et particulière de la Parole de Dieu  » (cf. Réf
orme, 5-11 juillet 2001, Forum p. 6), et qui, à ce titre, sont des appels à croire et peuvent donc être distribués, occasionnellement, comme des signes de convivialité capables d´activer la foi.

Cela appelle à approfondir le dialogue car les mots ne recouvrent plus les mêmes choses ; cela nous invite à préciser notre pastorale de l´accompagnement.

4. La démarche œcuménique nous pousse à l´interpellation réciproque dans la clarté.
En 1982, le document de Lima, proposé par la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Eglises, portant sur le baptême, l´eucharistie et les ministères, a fait des propositions qui nous semblent méconnues ici, en tout cas mises en cause.  » Il y a une relation nécessaire entre notre compréhension et pratique du baptême et notre compréhension et pratique de l´eucharistie  » (BEM 6). Pour sa part, le Groupe des Dombes a travaillé le consensus sur la notion de sacrement dans son texte de 1979  » l´Esprit Saint, l´Eglise et les sacrements « , en des termes qui peuvent éclairer le débat qui surgit maintenant.

Nous souhaitons que le dialogue nous permette de nous rapprocher sur la notion de sacrement et de préciser ce qu´est, pour nous tous, le baptême dont nous disons qu´il nous est commun. Nous constatons que nous ne sommes pas les seuls à exprimer une inquiétude.

Or, la pratique dit quelque chose de la doctrine et si celle qui est proposée par le Synode de Soissons devait s´affirmer, nous ne serions plus aussi assurés de ce qui constitue le socle de notre unité. Cela signifierait un glissement dans la théologie du baptême. Ce serait un recul évident sur le chemin de l´unité.

+ François SAINT MACARY

Archevêque de Rennes
Président de la Commission épiscopale pour l´Unité des chrétiens

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ZENIT Staff

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