France : les "Veilleurs", l'avenir…

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La liberté désobéissante

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Partout en France, se lève une nouvelle génération déterminée et paisible, qui proteste dans la non-violence et la résistance culturelle, contre la loi du « mariage pour tous », votée le 23 avril dernier : ce sont les « Veilleurs », présents dans plus d’une centaine de villes françaises, et à l’étranger. Avec une liberté désobéissante.

Le principe de leurs veillées est simple: assis, porteurs d’une bougie allumée, en silence, les Veilleurs écoutent des lectures de textes (Gandhi, Pascal, Victor Hugo, Kipling…), parfois des témoins (Tudgual Derville, Philippe Arino, le cardinal Philippe Barbarin…), ainsi que des oeuvres musicales (Bach, Haendel, hymnes de paix…).

Mais le mouvement va aussi plus loin : selon les mots d’Axel, l’un des organisateurs du mouvement lancé à Paris, les Veilleurs pratiquent la « désobéissance civile dans la non-violence, pour protester contre un régime démiurgique et oppresseur ». A chaque veillée en effet, les participants sont invités à poser pacifiquement un acte de désobéissance : cela peut être de rester plus longtemps que l’horaire imposé par les forces de l’ordre, ou de se déplacer sur la voie publique sans autorisation, jusqu’à un lieu symbolique (Palais de justice, Ministère de la Santé…).

Les Veilleurs ont plusieurs buts : exprimer pacifiquement au gouvernement français leur désaccord avec la Loi Taubira mais aussi se recentrer sur eux-mêmes pour choisir la non-violence.

La non-violence jusqu’au bout

« Historique, impressionnant, grandiose » : Claire, 25 ans, étudiante en communication, ne tarit pas d’éloges pour parler des Veilleurs, qui sont pour elle « paix et calme au milieu de la tempête ».

La jeune fille, qui rejoint les Veilleurs dès que son emploi du temps le lui permet, n’hésite pas à parler de « moments surréalistes », comme ce soir de confrontation – pacifique – avec les CRS, ces « musclés », qui se sont trouvés désemparés face à des jeunes « désarmés ».

A Paris en effet, capitale oblige, les mouvements des Veilleurs sont surveillés de près par les forces de sécurité. Mais, précise Claire, « rien n’est fait pour provoquer les forces de l’ordre ». De même, ajoute-t-elle, « je n’ai jamais entendu de critique gratuite dans les propos tenus par les intervenants. Ce sont des encouragements, des rappels sur la cause que nous défendons, des appels à la paix et au courage, et des appels à la responsabilité ».

Les participants sont toujours « libres » de quitter la veillée quand ils le souhaitent : « On nous rappelle régulièrement que nous sommes libres de rester ou de partir », insiste Claire, car « chaque personne qui n’est pas là librement fragilise le groupe ».

Ce qui est d’autant plus important que « la non-violence n’est pas une attitude simplement passive mais une lutte qui engage jusqu’au bout, jusqu’à être prêt à donner sa vie au nom de la cause que l’on défend… », affirme-t-elle.

Si le mouvement a commencé avec des jeunes, aujourd’hui tout âge peut s’y rallier. Un soir, à côté de Claire, un homme d’une cinquantaine d’année a confié : « Cela fait si longtemps que j’avais envie de venir vivre ça… »

Un pied-de-nez à l’histoire

A Lyon, Carole, 23 ans, a découvert les Veilleurs dimanche dernier, 5 mai. La jeune fille comptait y passer 10 minutes, « juste pour voir »… elle y restera finalement une heure.

« J’ai vécu l’expérience forte d’un mouvement différent », qui « incite à la paix face à un pouvoir qui devient absurde », d’un mouvement qui cherche à « obtenir justice en suivant l’exemple d’hommes comme Gandhi… », témoigne la jeune fille.

« Lorsque je suis arrivée, raconte-t-elle, j’ai vu tous les participants rassemblés avec des bougies, c’était très impressionnant : nous étions au cœur de la ville, entourés de piétons, de voitures, de restaurants, de lumières… et pourtant nous vivions une paix incroyable ! ».

La force du mouvement, ajoute-t-elle, c’est « l’unité » : les participants ne sont pas en effet « des individus isolés » mais ils sont « ensemble », ils « font corps » et ils se sentent en « solidarité » avec ceux de toute la France et dans d’autres pays. Il s’agit d’être « soudés », afin que « la non-violence devienne contagieuse autour de nous », poursuit Carole.

« Ce n’est pas l’engouement d’une seule génération : jeunes et plus âgés, tous sont dans le même esprit de résistance passive », souligne-t-elle : « et la répression n’a pas de prise sur nous si nous restons dans la paix ».

Pour cette étudiante en histoire, la résistance des Veilleurs est « un pied-de-nez à l’histoire d’une certaine France marquée par des révolutions sanglantes » : ce mouvement unique, se réjouit-elle, « va à l’encontre de l’attitude habituelle » de la révolution. Si Carole y retournera ? « Carrément ! »

La résistance par la culture

Dans le nord de la Drôme, à Anneyron, ce sont Jean-Théophane, 23 ans, et Jean, 19 ans, qui sont à l’initiative des Veilleurs. « Il était important que ce mouvement s’implante aussi dans les campagnes », explique Jean-Théophane.

Il souligne la spécificité de cette « résistance par la culture » : les textes et musiques qui rythment la soirée sont tirés de la culture commune de l’humanité, culture « imprégnée par l’altérité homme/femme ».

Pour ce jeune en recherche d’emploi, le mouvement est devenu une nécessité depuis le vote de la loi : « lorsque les paroles ne servent plus à rien, on n’a plus qu’à témoigner en silence » et à « convertir la colère en détermination paisible ».

Jean fait observer de son côté qu’il n’est pas évident de ne pas « céder à la colère » face à l’injustice de cette loi. Les Veilleurs représentent donc l’occasion de mener « une réflexion sur soi », notamment en approfondissant les raisons de cette manifestation.

Même sous la pluie, le rassemblement perdure, avec quelques courageux qui bravent les intempéries. L’important, rappelle Jean, n’est pas le nombre, mais le témoignage donné par cette action. « Les passants voient, le mouvement est connu », constate Jean-Théophane, qui rappelle aussi que « nous ne sommes pas homophobes, nous accueillons toutes les personnes, même si notre message est difficile à entendre aujourd’hui ».

Un mouvement qui se diffuse

Dans le Jura, à Lons-le-Saunier, les Veilleurs sont en train de se mettre en place, à l’initiative de Marie-Solène, 30 ans : « Je suivais les Veilleurs depuis le départ sur Internet, mais je n’avais pas imaginé que notre région belle et reculée pourrait y prendre sa part… Pourtant, lorsqu’une amie m’a dit qu’il fallait absolument qu’on mette en place cela ici, je me suis lancée tout de suite », explique-t-elle.

Marie-Solène souhaite apporter dans sa région le témoignage des Veilleurs, qu’elle décline sur trois aspects : « le don, plus que le droit », car « l’enfant est un don qui dépasse notre seule volonté » ; « la paix et la joie », qui sont des valeurs antithèses de « l’esprit de consommation et des rivalités » ; et « l’espérance », une « force » illustrée par la « petite flamme vacillante des bougies » dans la nuit.

« Un élan s’est levé en France », fait observer la jeune femme, pour qui les Veilleurs sont une façon « d’affirmer que nous ne sommes pas obligés de subir l’évolution d’un monde qui marche contre le réel et l’humain » : « Nous pouvons être acteurs de notre vie, de notre histo
ire ».

Au fond, les Veilleurs, ce sont ceux dont parlait le professeur de philosophie François-Xavier Bellamy dans le Figaro : « Ils n’ont plus peur. Ils sont l’avenir. » (tribune du 23 avril 2013).

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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