France : « La noblesse de l’engagement politique », par le card. Ricard

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Ouverture de l’assemblée plénière de la conférence des évêques de France

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ROME, Mardi 27 mars 2007 (ZENIT.org) – « Nous voulons redire l’importance et la noblesse de l’engagement politique », a conclu le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, président de la conférence des évêques de France, lors de l’ouverture de l’assemblée plénière de la conférence. Le site de la conférence publie aujourd’hui ce texte intégral du cardinal Ricard (cf. www.cef.fr), intitulé : « Rappel de quelques convictions à l’approche des élections ».

Le cardinal Ricard déclare également : « Nous voulons redire clairement notre oui en faveur de la famille (…). Nous disons oui à tout ce qui est fait pour accompagner les personnes en fin de vie (…). Nous voulons également dire oui à tout ce qui conduit à un plus grand partage du travail et des richesses (…). Nous disons oui à un accueil des immigrés, généreux, responsable et respectueux des droits de l’homme (…) ».

RAPPEL DE QUELQUES CONVICTIONS A L’APPROCHE DES ELECTIONS

La proximité des élections, présidentielles puis législatives, conduit de nombreux catholiques à s’interroger sur le contenu des programmes présentés par les divers candidats. Le Conseil permanent a proposé, il y a quelques mois, le message « Qu’as-tu fait de ton frère ? » (1) comme une « invitation à soutenir la vie démocratique dans notre pays par la réflexion et par l’action ». Dans nos diocèses, beaucoup ont travaillé ce texte et y ont fait référence. Le document publié sous la responsabilité du Conseil pour les questions familiales et sociales, intitulé « Perspectives pour une société juste et fraternelle » (2), a également stimulé la réflexion de bien des groupes.

A quelques semaines des élections présidentielles, dans le cadre de cette Assemblée plénière, nous souhaitons rappeler quelques-unes de nos convictions.

Soyons clairs. Nous n’avons pas à dire pour quel candidat voter. Il n’appartient pas à la compétence des évêques de donner des consignes de vote ! Chacun vote selon sa conscience. Mais cette conscience doit être éclairée par une réflexion et un discernement préalables (3). Comme tout citoyen, un catholique devra se poser les questions suivantes :
– vu l’analyse de la situation de la France, quel est le programme politique qui correspond le mieux à la politique à promouvoir ?
– ce programme est-il réaliste ?
– le candidat ou la candidate qui le promeut semble-t-il avoir les qualités qui correspondent à ce qu’on attend d’un Président de la République ?

Dans sa réflexion, un catholique doit tendre à une cohérence entre ses choix politiques et ses convictions chrétiennes, entre l’approbation d’un programme et la vision de l’homme qui lui vient de sa foi. C’est pour aider à un tel discernement que l’Eglise a développé, à partir de l’Evangile, de sa Tradition et de son expérience concrète, une pensée sociale, appelée aussi « Doctrine sociale de l’Eglise » (4). Cet enseignement de l’Eglise offre d’utiles critères de réflexion. Ces critères ne s’adressent d’ailleurs pas seulement aux catholiques. Ils peuvent être adoptés par d’autres plus largement.

Evoquons-en quelques-uns particulièrement importants aujourd’hui.

Nous voulons redire clairement notre oui en faveur de la famille, cellule de base de la communauté humaine et premier lieu où les hommes et les femmes apprennent la confiance en eux-mêmes et dans les autres. Elle a besoin, aujourd’hui plus que jamais, d’être soutenue. Nous disons oui à la famille fondée sur le mariage d’un homme et d’une femme, ouverte à la procréation, oui au droit qu’a l’enfant d’avoir un père et une mère.
C’est d’ailleurs cela qui nous fait dire non aux unions entre personnes de même sexe et à l’adoption d’enfants par de tels couples.

Nous disons oui à tout ce qui est fait pour accompagner les personnes en fin de vie, en respectant leur dignité, en luttant contre la souffrance physique et psychique. Nous disons oui au développement des soins palliatifs et à la formation d’un personnel soignant qualifié pour cela.
Mais il nous faut dire clairement non à l’acharnement thérapeutique, non à la reconnaissance d’un prétendu « droit à la mort » que constituerait une légalisation de l’euthanasie. Quel signal négatif ceci représenterait de la part de la société vis-à-vis des plus faibles de ses membres ! De plus, on peut craindre que, très vite, les exigences économiques, pesant lourdement sur le monde de la santé, viennent dicter les choix en ce domaine. La dignité de la vie, qui est toujours à renforcer et à promouvoir, ne conduit, en aucune façon, à admettre une exception d’euthanasie.

Nous voulons également dire oui à tout ce qui conduit à un plus grand partage du travail et des richesses et non à ce qui favorise l’inégalité grandissante dans le monde et dans notre pays. En effet, la mondialisation de l’économie nous pousse à nous interroger fortement sur nos comportements personnels et collectifs. De même, les enjeux environnementaux nous questionnent : quelle planète voulons-nous léguer aux générations futures ? Sommes-nous attentifs aux choix politiques qui favorisent un développement solidaire ? Sommes-nous prêts à modifier notre mode de vie afin de permettre un réel développement des pays les plus pauvres, en particulier en Afrique ? Il est important de lancer aujourd’hui cet appel et de tenir un langage de vérité sur ces questions.
Cette ouverture sur le monde est aussi une exigence pour l’Europe : « L’Europe ne saurait se replier sur elle-même. Elle ne peut ni ne doit se désintéresser du reste du monde ; elle doit au contraire garder pleine conscience que d’autres pays, d’autres continents attendent d’elle des initiatives audacieuses, pour offrir aux peuples les plus pauvres les moyens de leur développement et de leur organisation sociale, et pour édifier un monde plus juste et plus fraternel » (5).

De même, nous ne pouvons pas réfléchir aux questions autour de l’immigration en dehors de ce contexte général. Nous disons oui à un accueil des immigrés, généreux, responsable et respectueux des droits de l’homme, et nous avons à y prendre notre part. Nous ne pouvons pas accepter la libre circulation de l’argent, des marchandises, des informations et, dans le même temps, barrer la route aux immigrés ou vouloir les renvoyer chez eux.

Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas aussi des limites à cette capacité d’accueil dans notre pays. Il est normal qu’un gouvernement définisse une politique de l’immigration mais celle-ci doit alors tenir compte de nos responsabilités spécifiques quant au développement des pays les plus pauvres. Elle doit également respecter pleinement la dignité de ceux qui, pour des raisons politiques, économiques, religieuses, sont amenés à quitter, au prix de grandes difficultés et parfois au risque de leur vie, leur pays d’origine (6).

Plus que jamais, notre pays a besoin de convictions fortes, d’une vision de l’homme qui soit claire sur la défense de ses droits et le rappel de ses devoirs. Notre vie en société appelle des points de repère nets sur les exigences du bien commun et sur la mise en œuvre effective de la fraternité. Les lois que notre pays est amené à voter ne sauraient se résumer à un simple rapport de forces au gré des résultats électoraux successifs. Elles doivent nécessairement avoir un fondement par rapport au bien commun de la société qui représente tout autre chose que la somme des intérêts particuliers des uns et des autres. Il ne faut pas laisser le respect des valeurs fondamentales être le jouet de l’influence de groupes de pression sectoriels ou d’orchestrations médiatiques.

Notons, à ce propos, que la législation passe souv
ent très rapidement, en particulier dans le domaine du respect de la vie et de la dignité humaine, d’une exception, encadrée et dérogatoire, à la définition d’un droit pur et simple. On l’a vu à propos de l’avortement où l’on est passé d’une logique de détresse à l’affirmation d’un droit qui paraît évident et auquel il devient de plus en plus difficile de résister tant les pressions sont fortes. Ceci, bien entendu, ne rend pas compte des drames intimes qui se jouent et des traumatismes qui demeurent.

Dans le domaine de la recherche bioéthique, il faut certes se féliciter des progrès de la science et encourager la recherche pour pouvoir guérir un certain nombre de maladies. Mais comment ne pas s’interroger sur les évolutions législatives, demandées par certains, qui verraient des comportements, hier punis sévèrement comme transgressant des interdits fondamentaux de notre humanité, devenir tout à coup, dans l’espérance hypothétique d’un progrès thérapeutique, des droits purs et simples ? Tout ceci conduit à une fragilisation de la valeur de la loi et des fondements de la vie sociale.

En esquissant ces quelques points et en développant cette réflexion, nous ne définissons pas un programme politique et ne prenons pas parti pour tel ou tel candidat. Nous voulons simplement rappeler que le respect de ces exigences n’est pas compatible avec n’importe quel choix politique.

Dans une note publiée en 2002, la Congrégation pour la Doctrine de la foi rappelait « que la conscience chrétienne bien formée ne permet à personne d’encourager par son vote la mise en œuvre d’un programme politique ou d’une loi dans lesquels le contenu fondamental de la foi et de la morale serait évincé par la présentation de propositions différentes de ce contenu ou opposées à lui » (7). Dans la pratique, le choix d’un candidat peut paraître difficile. A chacun de choisir pour la fonction présidentielle, qui de toute façon doit être assurée, le candidat dont le programme paraît le plus proche de cette vision de l’homme et de la société que nous venons d’évoquer.

Nous voulons, en terminant, redire l’importance et la noblesse de l’engagement politique. Les disciples du Christ ne sauraient le déserter ni le décrier. Parce qu’ils se veulent « au service de tous et sans ambition de pouvoir, les chrétiens se sentent à l’aise dans une société démocratique et laïque. Ils lui apportent leur contribution, sans accepter que leur foi soit reléguée dans la « sphère du privé ». Cette foi a une dimension humaine et sociale. La démocratie, pour être vivante, » doit faire « droit à ses références religieuses et philosophiques dans le débat public » (8). Le domaine de la politique n’est-il pas, selon la célèbre phrase du pape Pie XI, « le champ de la plus vaste charité, la charité politique » (9) ?

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NOTES
1. Message du Conseil permanent, 18 octobre 2006.
2. Documents Episcopat, n° 11/2006.
3. « La conscience a besoin d’être formée. Nous sommes responsables devant notre conscience, ultime témoin de Dieu. Mais nous sommes responsables aussi de notre conscience », Catéchisme pour adultes des Evêques de France, 1991, n° 502.
4. Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise, 2005.
5. Jean-Paul II, Lettre au Cardinal Vlk, président du Conseil des conférences épiscopales européennes, 16 octobre 2000, n° 7.
6. Catéchisme de l’Eglise catholique, 1992, n° 2241.
7. Note doctrinale de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, « Questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique », 24 novembre 2002, n° 4 ; cf. aussi Catéchisme de l’Eglise catholique, n° 2242, et Encyclique Evangelium Vitae, n° 73.
8. Commission sociale de l’épiscopat, Réhabiliter la politique, 1999, n° 35.
9. Pie XI, A la Fédération universitaire catholique, 18 décembre 1927.

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ZENIT Staff

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