France : Joseph Weizmann, le « petit Jo » de « La Rafle » témoigne

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Sortie en salle du film de Rose Bosch

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ROME, Mercredi 10 mars 2010 (ZENIT.org) – A l’occasion de la sortie en salle, en France, du film « La Rafle », de Rose Bosch, retraçant cette tragique « rafle du Vel’d’Hiv’ », qui a décimé les juifs de Paris, Ouest France a rencontré un survivant: Joseph Weizmann, le « petit Jo ». Un récit recueilli par Olivier Renault.

Il raconte :  « À 12 h 30, deux hommes ont frappé à notre porte. Il y avait un agent français en uniforme et un autre en civil. Nous avons pris quelques affaires et les deux hommes nous ont emmenés vers un autobus ».

Il se souvient : « Comment décrire le Vel’d’Hiv ? C’était une immense pagaille, une cohue invraisemblable ! Il y avait là 13 000 hommes, femmes, enfants, vieillards… Nous sommes restés là trois jours, sans manger, en dormant sur les gradins, avec des cabinets impraticables. L’odeur était épouvantable. Il s’est d’ailleurs produit un phénomène extrêmement curieux lors du tournage de La Rafle. Pour les besoins du film, une partie du Vel’d’Hiv’ avait été reconstituée à Budapest. Quand je me suis retrouvé sur le plateau, j’ai dit : « Qu’est-ce que ça sent la pisse ! » Ma fille qui m’accompagnait a été très surprise. Elle m’a dit : « Mais non papa. Ça ne sent rien du tout. » Alors j’ai demandé autour de moi. Ça ne sentait rien… L’odeur m’était revenue avec cette « image ». »

Puis il connaît les wagons à bestiaux, à la gare d’Austerlitz, et un arrêt au camp de Beaune-la-Rolande, dans le Loiret. Lors d’une première « sélection », il est de ceux qui doivent rester, déchiré par la séparation de sa famille : « Ils sont montés dans les wagons. Destination : solution finale ».

La deuxième tentative d’évasion, avec son copain, « Jo », lui aussi, sera la bonne : « Nous avons mis des heures à traverser les rouleaux de barbelés. Aujourd’hui encore, j’ignore si le gendarme du mirador dormait ou s’il n’a pas voulu nous voir… Nous avons couru dans les bois où nous avons passé trois nuits. Grâce aux 300 F que j’avais récupérés – et lavés -, nous avons pris le bus puis le train pour Paris. Là-bas, nous nous sommes séparés ».

Il poursuit : « Je suis allé chez un ami de mon père qui tenait un bistrot hôtel dans une petite rue voisine de notre ancien appartement. Je lui ai raconté notre histoire. Il m’a donné une soupe et m’a emmené chez une dame, sur la butte Montmartre. Il ne pouvait pas me garder parce que la police venait régulièrement dans son établissement. Alors j’ai été placé dans un orphelinat, rue Lamarck. Comme ça devenait dangereux pour moi, on m’a sorti de Paris. C’est comme ça que je suis arrivé dans la Sarthe. À Pont-de-Gennes exactement (près du Mans). »

A la fin de son récit, il ajoute : « Ma grande frustration, c’est que les trois principaux responsables de la rafle du Vel d’Hiv’ n’ont pas été condamnés pour ce qu’ils avaient fait. Deux d’entre eux sont morts riches. Et Bousquet a été assassiné en 1993, juste avant d’être jugé pour crimes contre l’humanité. »

Mais, les policiers, français qui ont participé à la rafle savaient-ils qu’ils conduisaient des familles à la mort ? Dans Paris Match, Serge Klarsfeld répond à cette question de Danièle Georget en disant : « Je ne le pense pas. Il s’agit de gens modestes qui ne voulaient pas perdre leur travail. Ils n’imaginaient pas les camps de la mort. La plupart ont agi sans enthousiasme : la preuve, ils n’ont arrêté que 9 000 adultes sur les 22 000 qu’on leur demandait. Mais impossible de savoir lesquels ont eu des gestes d’humanité, lesquels ont fait du zèle. Toutes les archives qui contenaient leurs rapports avec les noms des personnes qu’ils arrêtaient ont été brûlées en 1948 par l’archiviste de la préfecture de police, l’épouse du fonctionnaire qui avait supervisé « le fichier juif », André Tulard ».

Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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