France: "Créons des employeurs qui créeront des emplois" (A. Mulliez)

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Chrétiens en entreprise, un industriel français témoigne…

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CITE DU VATICAN, Mercredi 5 décembre 2001 (ZENIT.org) – « Créons des employeurs qui créeront des emplois », André Mulliez raconte comment cette idée simple a pris corps, porteuse d´espérance.

« Les entreprises où l’on méprise les hommes, et qui ont pour seul but les résultats financiers, sont condamnées à disparaître », explique encore l´industriel français, lors du symposium organisé, le 1er décembre, à l´athénée pontifical « Regina Apostolorum », à Rome, sur le thème: « France : témoin d’espérance pour le nouveau millénaire ». On peut se procurer les Actes du colloque en en faisant la demande à l´adresse: France@upra.org .

André Mulliez déclare: « Je suis de ceux qui croient que la méthode évangélique est la plus efficace pour construire mon bonheur, celui de ma famille, et pour construire les entreprises pérennes et en croissance. Je pense vraiment que les entreprises où l’on méprise les hommes, et qui ont pour seul but les résultats financiers, sont condamnées à disparaître.
Les hommes que sont les clients, les fournisseurs, les collaborateurs, les dirigeants, les actionnaires sont tous à respecter et un des rôles du chef d’entreprise consiste à s’assurer qu’aucun n’est oublié, qu’aucun n’a la préférence au détriment des autres ».

André Mulliez est un industriel français et un chrétien engagé dans les Equipes Notre-Dame au début de son mariage, dans le Centre des Jeunes Dirigeants, depuis 10 ans dans le « Mouvement des Cadres et Dirigeants Chrétiens » (M.C.C.). En 1985, une idée simple mais forte prend forme: « Créons des employeurs qui créeront des emplois ». Un réseau naissait, et bientôt devait suivre la mise en place d´une formation pour faire connaître ces principes même aux prêtres.

« L’entreprise, lieu de création de richesse, parfois mal compris de notre bonne Eglise complexée devant l’argent, doit être regardée de deux manières, explique André Mulliez. Le premier regard: la création de la richesse est un devoir de tous d’y contribuer. Celui qui a reçu un talent (1 million de francs, 152.000 euros ou presque 300 millions de lires italiennes) et qui ne l’a pas fait fructifier, le Maître le lui reprend et l’exclut, le jette dehors ; celui qui en a reçu 10 (10 millions de francs, ou 1.520.000 euros ou 3 milliards de lires italiennes) et qui les a doublés (en combien de temps, on ne sait pas) est félicité, il les rend au Maître qui lui en confiera d’autres plus importants ».

Et de dénoncer la « paresee » de notre siècle: « Dans ce XXI e siècle, notre plus grand vice, ce n’est ni la luxure, ni la jalousie (envie), c’est la paresse, c’est-à-dire le non-usage de nos talents, dans les deux sens de ce mot : mes capacités d’agir et les moyens sous ma responsabilité ».

« Le 2e regard, continue l´industriel, c’est l’emploi de cette richesse et alors là, oui, on nous prêche abondamment que cela doit être au service de tous… Le principe de partage, s’il n’est pas respecté et développé conduit au terrorisme planétaire entre les nations – entre les classes sociales au sein d’une nation – entre frère et sœur au sein de la famille. Mais on ne peut partager que ce qui existe et il est plus efficace de répandre le travail que le fruit du travail ».

M. Mulliez fait remarquer que « la mondialisation a été rendue possible par deux progrès techniques considérables: le coût du transport entre les continents et entre les pays a été divisé par 100 ou 500 au cours des 50 dernières années ; la transmission de la pensée, donc des offres et des demandes, donc de la finance, donc des événements locaux, est devenue instantanée et quasi gratuite ».

M. Mulliez se présente comme « descendant d’une famille d’industriels depuis 1920 ». Il évoque ses souvenirs qui sont déjà un témoignage de la vie de l´Evangile: « Mes père et oncles ont été façonnés par une Action Catholique qui s’appelait alors ‘’Bourgeoisie Chrétienne.’’ J’ai vu mon père développer des relations réelles avec son personnel et leur syndicat – amorce du Comité d’Entreprise – et parfois après des réunions houleuses, il les amenait partager avec simplicité notre table familiale (13 enfants). Il a fait émerger, dès 1935, les allocations familiales à Roubaix et Tourcoing, le même effort se faisait en même temps à Lyon, allocation qui fut reprise par l’Etat à la sortie de la guerre. Il s’est aussi chargé de maintenir en vie la Presse Catholique de province (Croix du Nord), responsabilité que j’ai reprise 20 ans après en y ajoutant Croix du Midi et Voix du Jura. Un oncle fut initiateur du C.I.L., Comité Interprofessionnel du Logement, généralisé par l’Etat à la sortie de la guerre. Un autre oncle a suivi pendant 15 ans l’activité du Centre spirituel du Hautmont tenu par des Jésuites, responsabilité que j’ai aussi reprise en 1962! »

Sa génération a vu une mutation de l´industrie familiale: « Nous sommes passés du Textile à la Distribution et nous y avons brillamment réussi, en 50 ans, pour passer de 1000 collaborateurs à 200.000. Et là aussi, sans le proclamer bien sûr, nous nous efforçons d’y appliquer nos convictions chrétiennes ».

Un Evangile qui se traduit en trois « partages »: « Partage du savoir : Information, formation généralisée, poursuivie en cours de carrière ; Partage du pouvoir, les décisions sont à prendre le plus proche possible du terrain, mais au niveau où on en mesure toutes les conséquences (principe de subsidiarité); Partage de l’avoir, prime d’intéressement basée sur les résultats, atteignant souvent un à deux mois de salaire. Actionnariat du personnel… Hors la famille et au delà de nos 450 actionnaires familiaux, les collaborateurs sont nos plus importants actionnaires : 16% du capital, 90% du personnel ayant plus de 6 mois d’ancienneté est actionnaire et plus de 50 % d’entre eux ont une épargne supérieure à un an de revenu ».

Il confie, à propos de la bourse: « Nous partageons donc avec eux les plus-values en maintenant les capacités de croissance, ceci car nous sommes allergiques à la Bourse… Les hausses et baisses de la Bourse sont le plus souvent fictives. Si je m’y enrichit c’est qu’un autre s’y appauvrit. Seuls les outils de travail sont créateurs de richesse. La stabilité des épargnants-investisseurs, qu’on appelle les capitalistes, avec souvent crainte et mépris, la stabilité des propriétaires assure mieux la stabilité de l’entreprise dans ses hommes du haut en bas, et dans ses finalités. Qui investit en Bourse? Ceux qui disposent d’une épargne, d’une trésorerie et l’y placent, ne pouvant pas ou n’osant pas entreprendre une activité avec risque ».

Une crise du textile a été source d´une nouvelle initiative: « Créons des employeurs qui créeront des emplois ». André Mulliez raconte: « En 1985, en pleine montée du chômage, ayant dû licencier 600 ouvriers du textile, (on fabriquait de la laine à tricoter et les femmes avaient cessé de tricoter), nous nous sommes dit, avec un groupe de cousins, « créons des employeurs qui créeront des emplois ». Nous avons donc ouvert, à Roubaix, un centre d’accueil pour futurs créateurs pour les aider à construire leur projet et le valider, faciliter le financement par prêt sans intérêt ni caution, remboursable en cas de réussite seulement, et les accompagner pendant les deux, trois années de leur démarrage ».

Une application du « principe de subsidiarité »! Il s´agit en effet de « déléguer la responsabilité de chef d’entreprise à celui qui peut et veut l’exercer,
l’accompagner dans le développement de ses capacités par le soutien et la confiance jusqu’à lui prêter sans intérêt ni caution, l’aider étroitement à se lancer en 2 ou 3 ans puis le laisser aller son chemin et l’inciter à la réciprocité, c’est-à
-dire à rendre à d’autres toute l’aide qu’il a reçue ». Et de préciser: « Qu’il ne cherche pas à rendre à celui dont il a reçu car il serait le cul-de-sac d’une chaîne de solidarité – mais plutôt qu’il soit un maillon, en gardant la main ouverte, pour devenir lui-même un lanceur – par subsidiarité – de quelqu’un d’autre ».

Un succès dont André Mulliez explique les suites: un vrai réseau de rebonds avec une charte précise. « C’est beaucoup plus que de la solidarité et ma joie profonde est que ce système a tellement bien marché qu’en 1992 des Lyonnais nous ont copié. Puis ce fut Le Havre, Bordeaux, etc. et à ce jour, 25 associations sont animées par 2500 chefs d’entreprise qui ont fait émerger depuis l’origine plus de 600 projets et pour cette seule année 2001 250 projets. Chacune des 25 associations est autonome mais bénéficie des méthodes mises au point en 16 ans à condition de respecter les trois principes de notre charte : 1. L’homme est premier dans tous nos choix : celui des adhérents, des partenaires, (donnant du temps et de l’argent) et bien sûr des nouveaux créateurs qui doivent venir avec leur objectif de produit ou service et leur cible de clientèle. 51% des chances de réussite dépend de la qualité de l’entreprenant. 2. Gratuité. C’est le créateur qui doit réussir donc interdiction de participer à son capital. Renoncement au pouvoir que donne l’argent. Je n’ai d’autorité que celle qu’on me reconnaît. Et il ne doit rien s’il échoue. 3. Réciprocité. Si je donne sans retour, j’en fais un assisté, donc chacun des lauréats doit aider ses collègues puis, au bout de 5-7 ans de réussite, il nous revient librement à titre de militant ».

« Ceci est ma manière – notre manière – d’incarner l’Evangile, sans le proclamer, mais concrètement, indique André Mulliez. Et par un hasard – logique – la plupart de nos adhérents sont chrétiens ! Un dernier principe, plutôt méthodologique : ce sont des chefs d’entreprise qui épaulent des nouveaux chefs d’entreprise avec des méthodes d’entreprise ».

Mais la formation des prêtres aussi intéresse le mouvement, explique l´industriel: « Choqué de contre vérités parfois entendues à l’homélie de la messe du Dimanche, nous nous sommes dit que nos prêtres n’avaient reçu aucune formation à ce sujet. Avec quelques amis, nous avons mis au point, sous l’autorité de Mgr Albert Rouet, président de la Commission Sociale et avec deux autres évêques, une formation économique pour ministres ordonnés de moins de 50 ans. Elle consiste en six semaines à plein temps, du lundi 9h au vendredi 17h, en internat à Paris, réparties sur 2 ans. Nous avons démarré le mois dernier (novembre 2001) la 6e promotion. Chacune a en moyenne 15 prêtres, cela fait donc 80 prêtres qui proviennent de 40 diocèses ».

Le principe est le suivant: « En 6 modules, les participants expérimentent la joie d’entreprendre, la complexité de l’entreprise vivante: comment «donner du souffle» aux collaborateurs, comment optimiser les moyens matériels; ils abordent les maladies possibles de l’entreprise et les moyens de les prévenir; ils s’interrogent sur la mondialisation , sur le rôle des mondes politique, syndical, financier dans la gestion du pays. Ils terminent leur formation par une immersion dans une réalité économique de leur choix. Tout au long du parcours, intervenants et participants sont chercheurs ensemble dans la réalité économique avec le réalisme de l’intelligence, l’optimisme de la volonté et la transfiguration de la foi… »

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ZENIT Staff

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