France: Appel de Mgr Ricard au travail des historiens

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« Pie XII était l´homme le plus haï par Hitler », répond Gumpel

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CITE DU VATICAN, Vendredi 15 février 2002 (ZENIT.org) – Le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Jean-Pierre Ricard, a souhaité vendredi à Bordeaux que le film « Amen » de Constantin Costa-Gavras qui accuse le silence du Vatican et de Pie XII pendant la Shoah, permette d´ouvrir un débat d´historiens. D´ores et déjà, l´historien allemand Peter Gumpel répond à quelques interrogations suscitées par le film: « Pie XII était l´homme le plus haï par Hitler », explique-t-il. Et « Histoire du Christianisme Magazine » propose un dossier historique en français.

Que les historiens nous éclairent
« Le travail historique du film ouvre le champ des questions: nous souhaiterions que des historiens nous éclairent sur une situation et un personnage plus complexes que ce que montre le film », a déclaré, selon l´AFP, le nouvel archevêque de Bordeaux au cours d´une conférence de presse marquant son arrivée dans la région.

Aucune bienveillance envers les nazis
« On ne trouve rien, dans les écrits de Pie XII, qui aille dans le sens d´une bienveillance vis-à-vis des nazis », a ajouté Mgr Ricard.

Identification intolérable
Interrogé sur le fait de savoir s´il était partisan d´une interdiction du film, Mgr Ricard a répondu: « il y a l´affiche et il y a le film, ce sont deux choses différentes ». Les évêques de France ont condamné cette semaine l´affiche du film dont le graphisme mêle la croix chrétienne et la croix gammée, la jugeant « inacceptable » car elle crée « une identification intolérable du symbole de la foi chrétienne avec celui de la barbarie nazie » (cf. ZF020214).

Le MRAP dénonce « l´amalgame »
Pour sa part, on apprend aujourd´hui que le Mouvement contre le racisme et pour l´amitié entre les peuples (MRAP) dénonce l´affiche du film comme « un logo fusionnel et mensonger », indique l´AFP. Si le film « pose de vrais problèmes » souligne le MRAP, « cela ne peut justifier une image publicitaire qui manie dangereusement – et mensongèrement – l´amalgame ». « Un graphisme qui entremêle étroitement croix chrétienne et croix gammée est d´abord la négation de l´opposition irréductible entre la doctrine nazie et le message du christianisme (et du judaïsme) », déclare le MRAP. « La croix chrétienne est le symbole d´un sacrifice, la croix nazie l´emblème des bourreaux », ajoute le Mouvement, qui se déclare « surpris que M. Constantin Costa-Gavras, compagnon fidèle de nombreux combats du mouvement, n´ait pas été vigilant sur le caractère provocant de cette affiche ».

Le pape a été le plus bruyant
En tant qu´historien, le P. Peter Gumpel, familier des archives du Vatican concernant la période de la Seconde Guerre mondiale, précise auprès de Zenit qu´il est faux de dire que Pie XII ait été « silencieux ». « Par rapport à tous les autres, déclare le P. Gumpel, le pape a été le plus bruyant, celui qui a émit le plus de protestations contre le régime nazi, qui est intervenu à chaque fois que des populations étaient persécutées. Il a même utilisé son argent personnel pour assister et sauver des Juifs ».

Pie XII était l´homme le plus haï par Hitler
Les Nazis ne s´y sont pas trompés, précise l´historien : « Il suffit de lire la presse nazie pour découvrir que Pie XII était l´homme le plus haï par Hitler. Et il suffit de lire la presse juive de ces années-là pour constater combien les juifs ont été reconnaissants au pape pour la façon dont il a agi ». Et d´ajouter: « Il existe des centaines de témoignages de la part de Juifs prouvant combien le pape Pie XII a fait tout ce qui était possible pour sauver des Juifs ».

Les nazis ont compris le message
Pour ce qui est de l´accusation de ne pas avoir prononcé le mot « Juifs », le P. Gumpel cite à la fois le passage d´une lettre où le pape les appelle « fils bien-aimés » et sa première encyclique « Summi Pontificatus » où les Juifs ont leur place dans ce que le pape appelle la « famille humaine ». Les nazis ont compris le message, constate l´historien: « Cette encyclique a été interdite en Allemagne. Les Français en ont distribué 88.000 copies sur le territoire allemand. La jeunesse hitlérienne a été chargée de ramasser toutes les copies et de les brûler ».

Le choix de l´assistance secrète
Costa Gravas soutient que le pape aurait dû protester de façon directe comme les évêques allemands lors des persécutions dont les personnes handicapées étaient victimes. Peter Gumpel précise: « Hélas, en dépit des protestations catholiques, Hitler a poursuivi le programme d´euthanasie pour les malades mentaux et l´a aussi étendu à d´autres catégories sociales et raciales. Ce sont justement les échecs et les rétorsions qui suivaient les protestations publiques qui ont convaincu Pie XII à concentrer les efforts de l´Eglise catholique dans des projets d´assistance secrète pour les persécutés ».

Kurt Gerstein n´a jamais rencontré le Nonce
A propos de la figure centrale, dans le film, de Kurt Gerstein, l´historien explique: « L´histoire du capitaine des SS, Kurt Gerstein, est très ambiguë et contradictoire. Opposant au nazisme dès sa jeunesse, puis volontaire dans les SS, Gerstein est devenu un officier chargé des distributions du gaz mortel Zyklon-B. On suppose qu´il s´est repenti et qu´il a voulu aider les persécutés mais son histoire est encore aujourd´hui pleine de mystères. Selon ses déclarations présentées au procès de Nüremberg, il résulte qu´une partie de l´histoire racontée (par le film, ndlr) est fausse. Il a tenté de se mettre en contact avec la Nonciature du Saint-Siège à Berlin, mais le Nonce, craignant un piège, l´a fait mettre à la porte. Il s´est suicidé, ou peut-être a-t-il été assassiné dans une prison en France ».

Les nombreux prêtres qui ont perdu la vie pour sauver des Juifs
Enfin, pour ce qui est de la figure, non historique du jésuite Fontana, le P. Gumpel, lui-même jésuite, rectifie: « De Riccardo Fontana, le jésuite présumé qui se trouvait à la Nonciature de Berlin, je ne peux rien dire parce que c´est un personnage qui n´a jamais existé, une pure invention. Si Costa gavras avait voulu raconter (l´histoire) de prêtres qui ont perdu la vie pour sauver des Juifs, il n´avait que l´embarras du choix ».

Confrontation avec l´histoire
Rappelons qu´un dossier de 22 pages pour analyser, comprendre et débattre les questions historiques soulevées par le film est disponible en français dans la revue bimestrielle « Histoire du Christianisme Magazine » (n. 9), en vente à partir de jeudi prochain 21 février.

Sous le titre “La Shoah et Pie XII: les trois tentations de Costa-Gavras”, un long article documenté à partir des recherches historiques récentes dans différents pays reprend point par point des questions légitimes que pose le film (entre histoire et fiction): Gerstein a-t-il rencontré le nonce à Berlin? Quel est l´enjeu du discours de Noël 1942? Dans quelles circonstances le concordat a-t-il été conclu et pourquoi? etc…

La revue se trouve en France chez les marchands de journaux (dans les grandes villes uniquement) et en librairie, sinon, par correspondance : CLD, BP 203 – 37 172 Chambray-les-Tours – France (13, 50 euros, port compris). Renseignements (numéro en France) : ++ 33 02 47 28 20 68.

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ZENIT Staff

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