Forum de Davos : pour l'ouverture de l'économie à la transcendance

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Favoriser une éthique vraiment humaine

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Invité à adresser un message au Forum économique mondial de Davos (Suisse), le pape François lance un appel à « l’ouverture à la transcendance » de façon à « former une nouvelle mentalité politique et commerciale, capable de guider toutes les actions économiques et financières dans l’optique d’une éthique vraiment humaine ».

« La communauté des entreprises internationales peut compter sur beaucoup d’hommes et de femmes d’une grande honnêteté et d’une grande intégrité personnelle : leur travail est inspiré et guidé par de grands idéaux de justice, générosité et le souci d’un authentique développement de la famille humaine. Je vous exhorte donc à puiser à ces grandes ressources morales et humaines, et à relever ce défi avec détermination et clairvoyance », insiste le pape.

Le Forum réunit des dirigeants d’entreprises, des responsables politiques du monde entier ainsi que des intellectuels et des journalistes, afin de débattre des problèmes les plus urgents de la planète, y compris dans les domaines de la santé et de l’environnement.

Le financement du forum est assuré par les 1 000 entreprises multinationales membres.

Voici notre traduction intégrale du message du pape François au Forum fondé par M. Schwab, professeur d’économie, en Suisse, en 1971.

 A. Bourdin

Message du pape François au Forum de Davos

Au Professeur Klaus Schwab,

Président exécutif du Forum exécutif mondial

Je vous remercie infiniment de votre aimable invitation à m’adresser à la rencontre annuelle du Forum Economique Mondiale qui, selon d’habitude, se tiendra à Davos-Klosters à la fin de ce mois-ci.

Dans l’espoir que cette rencontre puisse être l’occasion d’une réflexion plus profonde sur les causes de la crise économique qui a impliqué le monde entier ces dernières années, je voudrais offrir quelques considérations qui puissent enrichir les débats du Forum et fournir une contribution utile à son important travail.

Notre époque est caractérisée par des changements considérables et des progrès significatifs dans différents domaines, avec des conséquences importantes pour la vie des hommes. En effet, « on doit louer les succès qui contribuent au bien-être des personnes, par exemple dans le cadre de la santé, de l’éducation et de la communication » (Evangelii gaudium, 52), et dans tant d’autres domaines de la vie active de l’homme, et il faut reconnaître le rôle fondamental que l’entreprenariat moderne a eu dans ces changements historiques, stimulant et développant les immenses ressources de l’intelligence humaine.

 Toutefois, bien que ces succès aient réduit la pauvreté chez un grand nombre de personnes, il n’est pas rare que ces mêmes succès aient également conduit à une exclusion sociale diffuse. En effet, la plupart des hommes et des femmes de notre temps vivent encore dans la précarité, dont les conséquences quotidiennes sont souvent dramatiques.

Je désire rappeler en ce lieu l’importance qu’ont les différentes instances politiques et économiques pour la promotion d’une approche inclusive, qui tienne compte de la dignité de chaque personne humaine et du bien commun. Cette préoccupation est celle qui devrait régir tout choix politique et économique, or elle semble parfois n’être qu’un ajout pour compléter un discours. Tous ceux qui ont des obligations dans ces domaines ont une responsabilité précise envers les autres, particulièrement envers les plus fragiles, les plus faibles et sans défense. On ne peut tolérer que des milliers de personnes meurent chaque jour de faim, alors que d’immenses quantités de nourriture sont disponibles, et qu’elles sont souvent et tout bonnement l’objet d’un énorme gâchis. De même que l’on ne saurait rester indifférents à tous ces réfugiés en quête d’un minimum de conditions de vie plus dignes : non seulement ils ne trouvent pas d’accueil, mais ils trouvent très souvent la mort lors de voyages inhumains.

J’ai conscience que ces paroles sont fortes, voire dramatiques, toutefois elles entendent souligner, mais aussi défier, la capacité d’influence de cet auditoire. En effet, ceux qui, par leur génie et leur habilité professionnelle, ont été capables de créer des nouveautés et de favoriser le bien-être de tant de personnes, peuvent apporter une nouvelle contribution, en mettant leurs compétences au service de tous ceux qui, encore aujourd’hui, se trouvent dans l’indigence.

Cela exige de la part de tous un nouveau sens, profond et étendu, de leurs responsabilités. « La vocation d’un entrepreneur est en effet un noble travail : il doit toujours se laisser interroger par un sens plus large de la vie » (Evangelii gaudium, 203). Ceci permet à tant d’hommes et de femmes de servir avec plus d’efficacité le bien commun et de rendre les biens de ce monde plus accessibles pour tous. Toutefois, bien qu’elle la présuppose, la croissance en équité exige quelque chose de plus que la croissance économique. Elle exige avant tout « une vision transcendante de la personne » (Benoît XVI, Caritas in veritate, 11), car « sans la perspective d’une vie éternelle, le progrès humain demeure en ce monde privé de souffle » (ibid.). Cela demande également des décisions, des mécanismes et des processus visant une distribution plus équitable des richesses, la création de possibilités de travail nouvelles et une promotion intégrale des pauvres qui aille au-delà du simple assistanat.

Je suis convaincu qu’une telle ouverture à la transcendance permettrait de former une nouvelle mentalité politique et commerciale, capable de guider toutes les actions économiques et financières dans l’optique d’une éthique vraiment humaine. La communauté des entreprises internationales peut compter sur beaucoup d’hommes et de femmes d’une grande honnêteté et d’une grande intégrité personnelle : leur travail est inspiré et guidé par de grands idéaux de justice, générosité et le souci d’un authentique développement de la famille humaine. Je vous exhorte donc à puiser à ces grandes ressources morales et humaines, et à relever ce défi avec détermination et clairvoyance.

Sans ignorer naturellement la spécificité scientifique et professionnelle de chaque contexte, je vous demande de faire en sorte que la richesse soit au service de l’humanité au lieu de la gouverner.

Monsieur le Président, chers amis, dans l’espoir que mes brèves paroles soient perçues comme un signe de sollicitude pastorale et comme une contribution constructive afin que vos activités soient de plus en plus nobles et fécondes, je désire renouveler mes vœux pour une heureuse issue de la rencontre, et j’invoque la bénédiction divine sur vous, sur les participants du Forum, ainsi que sur vos familles et vos activités.

Vatican, 17 janvier 2014

Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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