Fin de vie : Enjeux du débat parlementaire en France

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CITE DU VATICAN, Vendredi 26 novembre 2004 (ZENIT.org) – Hier, à la veille du débat parlementaire français de ce vendredi 26 novembre, où les députés ont examiné la proposition de loi sur la fin de vie et le droit des malades, la revue de presse de la fondation Jérôme Lejeune a lu la parole à la presse française (www.genethique.org). Elle est revenue sur ce thème aujourd’hui.

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Ce projet de loi ne dépénalise pas l’euthanasie mais vise à instaurer un droit à “laisser mourir” et renforce les “droits” du malade (interdiction d’obstination déraisonnable, nouvelle définition des procédures d’arrêt de traitement, …).

Jean Leonetti, président de la mission parlementaire d’information sur la fin de vie à l’origine de la proposition de loi, explique : « nous avons estimé que la dépénalisation de l’euthanasie remettrait en cause le principe de l’interdit de tuer, limite dont le franchissement n’a été revendiqué au demeurant par aucun professionnel de santé ni aucun juriste au cours de ces huit mois de travaux ».

Quinze articles devraient être ajoutés au code de santé publique dont les articles qui suivent :

– article 1 «Ces actes [de soin] ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de la vie.»

– article 2 : «Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne en phase avancée d’une affection grave et incurable quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir comme effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade ou la personne de confiance, la famille ou à défaut un de ses proches.»

– article 5 : «Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt du traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue ou la famille ou à défaut un de ses proches et le cas échéant les directives anticipées aient été consultés.»

– l’article 6 : «Lorsqu’une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable décide de limiter ou d’arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l’avoir informée des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans le dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie.»

Ainsi la proposition protège les malades de l’acharnement thérapeutique et les médecins du risque judiciaire qui découlerait de la décision d’arrêter les soins.

Au moment où le débat parlementaire s’engage, particuliers et associations interviennent.

Aujourd’hui, est rendue publique une lettre écrite à Jacques Chirac par Michèle de Somer qui réclame « le droit de mourir » pour son fils, Eddy. Jeune homme de 26 ans, il est tétraplégique depuis trois ans à la suite d’un accident de scooter. Pris en charge à l’hôpital de Berck, il a été le voisin de Vincent Humbert. Fin décembre 2002, il a regagné son domicile où sa mère s’occupe de lui.

L’association « Faut qu’on s’active » et « l’Association pour le droit de mourir dans la dignité » (Admd) ne sont pas satisfaites de la proposition de loi et militent, en présentant une loi d’initiative populaire, pour que soit reconnue une exception d’euthanasie dans le code pénal.

Marie de Hennezel publie un nouvel ouvrage, Propositions pour une vie digne jusqu’au bout, une « version abrégée et simplifiée » du rapport sur l’accompagnement de fin de vie qu’elle avait remis à Jean-François Mattéi en octobre 2003 (cf. revue de presse du 17/10/03). Elle explique : « Une mort humaine et digne est possible sans recourir à l’euthanasie. Il faut que les français le sachent ».

Sources : Le Figaro (Martine Perez) 25/10/04 – Le Quotidien du Médecin (Stéphanie Hasendhal) 25/10/04

L’ensemble de la presse revient sur l’examen qui débute aujourd’hui, vendredi 26 novembre, à l’assemblée nationale sur la proposition de loi « relative aux droits des malades et à la fin de vie ». Les journaux reviennent sur les conditions d’élaboration de la proposition par la mission d’information parlementaire sur la fin de vie, sur les différentes mesures prévues par le texte ainsi que sur des témoignages de personnels hospitaliers dans des services de soins palliatifs ou de réanimation qui insistent sur la nécessité d’accompagner les mourants.

L’objectif de cette loi est de clarifier les pratiques des médecins qui traitent des patients en fin de vie ou dans un état jugé incurable, de renforcer les droits des malades et protéger les médecins d’éventuelles poursuites pénales.

La proposition de loi ne prévoit pas de dépénaliser l’euthanasie ou d’autoriser le suicide assisté, le code pénal ne devrait donc pas être modifié. Les mesures présentées par la proposition supposent de remanier le code de santé publique ce qui va changer la prise en charge des malades en fin de vie en France. Le texte pose le refus de « l’obstination déraisonnable », le devoir du médecin de « respecter la volonté du malade » en établissant des procédures « d’arrêt de traitement ». La décision du malade sera « inscrite dans son dossier médical ». S’il est inconscient, la décision d’arrêt de traitement doit se faire de manière « collégiale » et après consultation de la « personne de confiance » désignée par le patient. La proposition de loi crée une sorte de « testament de vie » du malade qui recueille les « directives anticipées » du patient, rédigées « moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne ».
L’obstination déraisonnable des « actes de prévention, d’investigation ou de soin », autrement dit l’acharnement thérapeutique, ne doit pas être poursuivie afin d’encourager « le passage à une logique palliative » pour « sauvegarder la dignité du mourant ».

Pour les personnes comme Vincent Humbert, conscientes, très gravement atteintes mais pas en fin de vie, la proposition prévoit le droit de refuser « tout traitement » comme l’alimentation ou la respiration artificielles même si cela met la vie du patient en danger (article 5). Jean Léonetti précise « il n’est pas question de lui faire une piqûre. Il n’est pas équivalent de laisser mourir quelqu’un ou de le faire mourir ».

Un amendement adopté par la Commission spéciale institue le « principe du double effet » c’est à dire qu’un médecin qui applique un traitement qui peut avoir comme effet secondaire d’abréger la vie du patient doit en informer le malade ou la personne de confiance, la famille ou à défaut un de ses proches.

La proposition de loi prévoit de renforcer les soins palliatifs par l’obligation de créer des lits identifiés de soins palliatifs et d’imposer des référents en soins palliatifs dans chaque grand service accueillant des pathologies graves.

Ce texte fait déjà l’objet d’un large consensus politique. Il est issu du travail de la mission parlementaire sur la fin de vie, créée à la suite du décès de Vincent Humbert, jeune tétraplégique qui réclamait « le droit de mourir ». Pendant 8 mois, les 31 parlementaires de cette mission de tous bords politiques ont mené plus de 80 auditions lors desquelles peu de voix se sont portées favorables à l’euthanasie mais beaucoup ont demandé à « lever l’hypocrisie de certaines pratiques médicales » et à améliorer le droit des malades.

Le vote de la proposition de loi est prévu mardi 30 novembre.

Pour André Lienhart, chef du service d’anesthésie-réanimation de l’hôpital Saint Antoine (Paris) « cette loi va permettre de réduire les écarts de pratique » entre les hôpitaux.

Pour Isabelle Marin, qui dirige l’équipe mobile de soins palliatifs de l’hôpital Delafontaine (Seine St Denis), « l’hôpital doit redevenir un lieu de soins et pas seulement un plateau technique ». Pour elle, « le débat sur la fin de vie est à côté de la plaque (…). Il faut d’abord former les médecins, soigner autrement, modifier la relation médecin-infirm
ière, le travail est énorme » car « l’euthanasie est un débat de gens bien portants. C’est l’offre qui crée la demande, pas l’inverse ». Isabelle Atmanni, psychologue de l’unité mobile, estime que « prôner la légalisation de l’euthanasie, c’est prendre le débat sur la fin de vie par le petit bout de la lorgnette. Les demandes sont très rares, et surtout elles ne sont pas linéaires ». Pour Fabienne et Marie, infirmières, « on peut faire autrement qu’euthanasier. On peut maintenant mourir avec un visage calme ».

Pour Marianne Gomez de La Croix, ce texte est « un équilibre entre la protection de la vie et le respect du libre choix ».

Pour Eric Favereau de Libération cette proposition de loi est « une autorisation explicite – et plutôt large – de l’euthanasie passive, c’est-à-dire un acte médical qui provoque la mort, sans intention directe de la donner » [ndlr : la rédaction de ne cautionne pas cette définition de l’euthanasie et cette fausse distinction entre euthanasie active et passive.] Gérard Dupuy, dans son éditorial, constate que « la loi évite tout ce qui pourrait ressembler à un droit au suicide et donc la reconnaissance entière de la liberté de chacun de disposer de lui-même ». Mais « l’inconvénient », explique-t-il, c’est que « la loi s’applique à tous les cas sauf aux éventuels cas de conscience » ce qui justifiera « l’opportunité d’une nouvelle réforme législative ».

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ZENIT Staff

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