Évêques américains : Un pas en avant dans la lutte contre les abus

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Une religieuse canoniste passe en revue trois années de négociations

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ROME, Lundi 28 juin 2010 (ZENIT.org) – La Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis (USCCB) est impliquée activement dans la lutte contre les abus sexuels par le clergé depuis la moitié des années quatre-vingt, affirme l’avocate canoniste Sharon Euart, sœur de la Miséricorde.

« Le droit canonique et la crise des abus sexuels par le clergé : une vision générale de l’expérience des Etats-Unis » était le thème de l’intervention de la religieuse durant une journée sur le droit canonique, organisée le 25 mai à Washington, sous l’égide de la conférence épiscopale américaine et l’Association de droit canonique d’Amérique, en réponse à « l’intérêt des moyens de communication pour les abus sexuels commis par des religieux », soulignent les organisateurs.

La journée a été marquée par quatre interventions, avec textes et vidéos à l’appui, des séances de questions réponses et un débat en ligne.

Sœur Euart a offert une vision générale de 30 années d’expérience des évêques, soulignant d’emblée que « dès le Moyen Age, le droit canonique considérait les abus sexuels comme une grave offense ».

« Les péchés contre le sixième commandement sur mineurs étaient considérés des actes criminels, a-t-elle rappelé. La condamnation de ce genre de crime a toujours été ferme et sans équivoque ».

La révision plus récente du Code de droit canonique, publiée en 1983, a réduit le nombre de délits et les peines au niveau ecclésiastique, a souligné la religieuse, mais « la condamnation des abus sexuels sur des mineurs par des membres du clergé a été maintenue comme crime pouvant être sanctionné par la démission de l’état clérical ».

Simplifier

Sœur Euart a expliqué que les évêques des Etats-Unis sont justement partis de cette punition dans une première approche de travail avec le Saint-Siège sur cette question.

Le code de 1983, a-t-elle souligné, envisageait deux options pour imposer une démission de l’état clérical : «  La demande volontaire d’un prêtre de retourner à l’état laïc (…) ou la sanction d’exclusion de l’état ecclésiastique à la suite d’une procédure judiciaire menée par un tribunal collégial de trois prêtres-juges  ».

A cette époque, les évêques américains souhaitaient, quant à eux, une procédure rationalisée, une « procédure administrative de démission de l’état clérical », laissée davantage entre les mains des évêques diocésains, qui leur permettrait d’exclure le prêtre « sur la base de la nécessité pastorale plutôt que sur celle d’une sanction », mais dont le critère serait la protection future des enfants.

Quoiqu’il en soit, a-t-elle poursuivi, d’un point de vue canonique, « les droits du prêtre devaient être garantis », et le Saint-Siège et les évêques des États-Unis n’ont pas encore trouvé de procédure rationalisée et administrative, susceptible de garantir les droits de toutes les parties.

Cependant, et dès 1987, la Conférence épiscopale avait proposé aux diocèses américains cinq principes relatifs aux abus sexuels qui ne seront rendus publics qu’en 1992.

« À cette époque, au tout début des années 1990, les évêques avaient, en rendant publique leur initiative, consacré leur énergie pastorale à tenter de briser le cycle des abus », a déclaré sœur Euart.

En plus de cela, a-t-elle ajouté, « après l’échec des discussions entre des représentants de la Conférence épiscopale américaine et le Saint-Siège pour un accord sur une procédure administrative mais non judiciaire, le pape Jean Paul II institua en 1993 une commission mixte de représentants du Saint-Siège et de l’USCCB, pour étudier une procédure judiciaire et proposer des moyens de la simplifier ».

« Le travail de cette commission mixte a abouti à une proposition visant à déroger du droit canonique, c’est-à-dire à modifier les lois particulières pour fournir une plus large application de la procédure pénale de démission dans les cas d’abus sexuels sur des mineurs », a-t-elle expliqué.

« Ces dérogations ont été approuvées à une écrasante majorité par les évêques, puis, moyennant quelques modifications, promulguées par le Saint-Siège en 1993 ».

Clarifier les choses

Dès la fin des années 1990, a expliqué la religieuse, la plupart des diocèses américains appliquaient déjà un certain nombre de dispositions destinées à régler la question des abus sexuels : des principes de base étaient adoptés, des commissions d’observation mises en place etc…

Selon soeur Euart, « Les questions canoniques en suspens étaient essentiellement de s’assurer que les prêtres pédérastes ne puissent pas être réaffectés à un ministère et que ce type de décisions serait confirmé par les services compétents à Rome ».

« À cette époque, on ne savait pas très bien quelle Congrégation romaine aurait le dernier mot dans ces affaires, une situation qui a laissé bien des évêques frustrés dans leurs tentatives de sanctionner les prêtres qui avaient enfreint les règles ».

En 2001, un document de Jean-Paul II a levé les doutes, affirmant que seule la congrégation pour la doctrine de la foi « disposait de l’autorité exclusive de l’Église pour fournir les normes de procédure, pour déclarer ou imposer les sanctions canoniques » dans ce type de délits.

Les normes du document de 2001 incluent les dispositions qui reflètent les dérogations approuvées pour les Etats-Unis par le Saint-Siège en 2003, a expliqué la religieuse.

« Ce qui signifie que les dispositions qui, auparavant, relevaient uniquement du droit particulier pour les Etats-Unis, sont entrées dans le droit universel, applicable dans le monde entier », a-t-elle commenté.

Quand le scandale arriva sur les premières pages des journaux américains, en 2002, de nombreux pas avaient été accomplis pour traiter cette affaire.

Et il y en aura d’autres, comme la réunion en avril 2002 entre le Saint-Siège, les cardinaux et évêques des États-Unis, où il fut décidé, a expliqué sœur Euart, que les évêques des Etats-Unis seraient en droit d’édicter une série de normes et politiques.

Cette décision donna lieu à un document « Normes essentielles pour la politique des diocèses/éparchies relatives à la manière de traiter les allégations d’abus sexuels sur des mineurs par des prêtres et diacres », approuvé par le Saint-Siège cette même année.

A posteriori

Sœur Euart a ensuite fait quelques observations qui peuvent servir de leçons à partir de l’expérience des évêques.

Elle a estimé que les premiers débats publics sur la question, comme ceux des années 80, pouvaient aider le public à « se rendre compte de l’engagement des évêques à traiter le problème, et de la mauvaise gestion de la crise ».

Cela dit, la religieuse a souligné l’importance de la responsabilité, affirmant que « les évêques auraient dû à l’époque, et qu’ils le doivent aussi aujourd’hui, assumer le problème, accepter d’être tenus pour responsables des mauvaises décisions prises et garantir que les nouvelles affaires seraient traitées avec rapidité et efficacité ».

Une troisième observation de la religieuse concerne la complexité des procédures canoniques. Selon l’experte, le problème ne venait pas du droit canonique.

« Le problème est venu du refus des évêques d’utiliser les dispositions du droit canonique concernant, à l’époque, le retrait du ministère sacerdotal, a-t-elle expliqué. « Les outils canoniques existaient ».

« Cela dit, les procédures extraordinaires et le fait que peu de spécialistes en droit canonique avaient une formation et une expérience en droit canonique pénal, pouvaient être un obstacle p
our les évêques », a reconnu sœur Euart qui a, en ce sens, loué les compétences des laboratoires mis en place depuis 2003, pour former des avocats canonistes dans l’application des procédures canoniques pénales.

Double standard ?

La complexité de cette question s’est faite encore une fois sentir lors des questions réponses échangées entre les participants et les divers intervenants au séminaire.

Concernant la démission d’un prêtre de son état clérical, les experts ont dû fournir une brève explication théologique sur le caractère « éternel » du sacerdoce.

D’autres explications faisaient référence aux « lenteurs » du droit canonique, conduisant le père John Beal à comparer cette situation à celle de n’importe quel autre procès légal.

L’expert a affirmé que le droit canonique, comme le droit américain, doit considérer que tout accusé a droit à son procès.

Dans tout système légal, a-t-il ajouté, « tout jugement correct dû à l’accusé (…) appelle à des procédures qui sont plutôt lentes ».

A titre d’exemple, l’expert a cité la complexité de la comparution en justice des auteurs d’attaques terroristes, comme celles du 11 septembre 2001.

Une autre question concernait le cas d’« un ami avocat expert en droit canonique » qui a essayé de défendre des prêtres accusés d’abus sexuels qu’il réputait innocents.

Le père Beal a répondu qu’ « autrefois la parole des prêtres avait plus de poids que celle de la victime ».

« Le balancier de la pendule a ensuite oscillé dans l’autre direction, et maintenant si on porte une accusation qui n’est pas clairement fausse, l’accusé doit prouver sa propre innocence ; il y a eu un changement considérable ».

Pour plus d’informations, www.usccb.org/canonlawseminar/

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ZENIT Staff

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