Europe/Evêques: "Vers un modèle d'agriculture durable pour l'Europe"

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Réflexion de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne

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CITE DU VATICAN, Vendredi 29 novembre 2002 (ZENIT.org) – « Vers un modèle d’agriculture durable pour l’Europe », c’est le titre d’une réflexion de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE), publiée aujourd’hui à Bruxelles.

Les évêques européens déclarent: « Les reflexions ci-dessus ne sont pas définitives. Nous les concevons comme une invitation au dialogue sur la meilleure voie à suivre pour l’agriculture européenne. Nous serions contents de recevoir de réactions, notamment de la part des conférences épiscopales et des mouvements de l’Eglise ».

– Vers un modèle d’agriculture durable pour l’Europe –

En mars 2001, nous, les évêques de la COMECE, avons publié une déclaration concernant l’agriculture, dans laquelle nous nous sommes prononcés en faveur de la réforme de la politique agricole commune et pour le concept de la multifonctionnalité de l’agriculture.

Depuis, lors d’une série d’événements internationaux et européens des décisions importantes pour l’agriculture et le visage futur de la politique agricole commune ont été prises. Nous commentons et donnons notre point de vue ci-dessous sur ces décisions :

Le Conseil Européen de Göteborg de Juin 2001

Dans sa stratégie européenne du développement durable le Conseil européen de juin 2001 à Göteborg a stipulé, « que la politique agricole commune, dans ses formes actuelles et futures, devrait viser entre autres à contribuer à un développement durable en encourageant davantage les produits sains et de qualité élevée, des méthodes de production écologiquement viables, y compris la production biologique, les matières premières renouvelables et la protection de la biodiversité. »

Nous sommes d’accord avec ces objectifs nouveaux pour la politique agricole commune, parce qu’ils s’approchent beaucoup plus des orientations bibliques pour la sauvegarde de la création que les divers objectifs existants . La réforme de la politique agricole commune est essentielle pour permettre le développement durable en Europe.

Nous croyons cependant qu’une manière de produire durablement n’est possible que si les habitudes des consommateurs, que nous sommes tous, changent également. Une conscience plus claire des conséquences écologiques et sociales de nos choix de consommateurs nécessite sans aucun doute des informations plus amples, mais nous posons la question si cela ne nécessite pas non plus une vision spirituelle nouvelle et plus profonde. Dans la doctrine chrétienne sur la création se trouvent une série d’indications incitant à une autre gestion des biens de notre terre. Le développement durable et la politique agricole ont besoin d’une impulsion éthique fondamentale.

La conférence de l’OMC à Doha en novembre/décembre 2001 et le sommet mondial pour le développement durable à Johannesburg en août/septembre 2002

Lors de la dernière conférence ministérielle de l’OMC en novembre 2001 à Doha/Qatar, l’Union Européenne s’est déclarée disposer à négocier de la réduction des subventions à l’exportation avec comme objectif leur abolition complète . Avec son initiative « Tous sauf les armes » l’UE avait déjà ouvert son marché aux produits des pays les plus pauvres au printemps 2001 . Puis, elle a renouvelé son engagement de négocier les subventions à l’exportation jusqu’en 2005 lors du sommet mondial pour le développement durable en août 2002 à Johannesburg.

Abolir au plus vite et complètement les subventions à l’exportation est de notre point une question de crédibilité politique de l’UE qui souhaite à juste titre jouer un rôle plus important et exemplaire sur le plan international. C’est quasi nécessaire aussi d’un point de vue éthique Il n’est ni bon ni juste, que les excédents de production, résultat d’une politique de prix erronés soient bradés grâce à de nouvelles subventions sur les marchés mondiaux à des prix si bas que d’autres producteurs venant souvent des pays beaucoup plus pauvres ne restent plus compétitifs. La politique qui consiste à déclarer les excédents comme aide alimentaire, que suivent les Etats-Unis de temps à autres, n’est d’ailleurs pas une solution non plus. Les problèmes d’une société d’abondance deviennent ainsi les problèmes des sociétés pauvres.

L’abolition des subventions à l’exportation et l’ouverture des marchés européens ne garantit pas automatiquement une meilleure existence aux paysans pauvres dans les pays en voie de développement. De plus, il n’est pas exclu que ce sont avant tout les gros propriétaires et les entreprises multinationales présentes dans les pays en voie de développement qui profitent de ces mesures. Les mouvements de concentration de l’industrie agro-alimentaire au niveau mondial sont une des raisons de la nécessité d’une politique de concurrence au niveau mondial. Celle-ci est important pour éviter des cartels et des situations de monopole sur le marché mondial. C’est pourquoi nous saluons que le sujet d’une politique de concurrence au niveau mondial figure en bonne place sur l’agenda du développement de l’OMC voté à Doha. Pour aider les paysans pauvres dans les pays pauvres, la mise en place de structures coopératives et de réseaux de distribution alternatifs peuvent être une solution à la promotion de laquelle l’Eglise contribue déjà à travers ses œuvres d’entraide.

Les propositions de la Commission européenne du 10 juillet 2002

Afin de tenir les engagements de Göteborg, Doha et Johannesburg et certainement aussi afin de faire participer les nouveaux pays membres pleinement et au plus vite après leur adhésion et ce dans la perspective d’une baisse du budget agricole, la Commission européenne a utilisé la possibilité de révision à mi-terme – prévue dans l’Agenda 2000 – pour proposer une réforme des principes fondamentaux de la politique agricole commune.

Les opinions des chrétiens concernant les propositions de réforme de la Commission européenne sont partagées. Ainsi le découplage des aides directes de la production et la proposition de les lier aux services pour l’environnement et à l’élevage dans des conditions saines ont été souvent critiqués parce que ce concept semble difficilement réalisable et parce qu’ainsi les paysans pourraient glisser dans un système d’assistanat. A ce dernier argument, il faut répondre en toute franchise, que le système existant par les interventions publiques altère aussi les conditions réelles de marché.

Il est clair que l’objectif d’une agriculture durable ne peut être atteint actuellement sans soutien public. L’agriculture durable n’est pas rentable pour l’entreprise agricole aussi longtemps que les consommateurs ne sont pas en mesure et prêts à payer les prix plus élevés liés à cette manière de cultiver la terre.

Toutefois, une agriculture durable est rentable pour la société tout entière, car elle fournit des biens à tout le monde. Parmi ces biens, il faut compter la santé animalière, la non-pollution des sols, de l’air et de l’eau ainsi que la valeur touristique des paysages traditionnels. Ce dont tout le monde profite – et ce qui est voulu par tous – doit aussi être à la charge de tout le monde. Aussi, nous considérons raisonnable et approprié l’objectif de subventionner une agriculture multifonctionnelle, sous condition qu’elle laisse la liberté aux paysans de choisir le type d’agriculture qui leur convient et qui correspond aux conditions géographiques, climatiques et géologiques. Face à ces différences des conditions extérieures, qui deviendront encore plus prononcées après l’adhèsion des nouveaux pays membres une grande flexibilité dans l‘organsiation de l’agriculture dans les régions européennes devrait être assuré. Nous voyons cependant d’un œil critique la proposition de la Commission européenne de lier le montant des aides directes à des valeurs de
références historiques car cela figerait le niveau des revenus existants. Aujourd’hui, 5% des exploitations agricoles reçoivent la moitie des aides directes.

Le Conseil européen du 24 au 25 Octobre 2002 à Bruxelles

Lors du Conseil européen en octobre dernier les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé d’abandonner une orientation de l’Agenda 2000 et de suivre la proposition de la Commission en acceptant que les nouveaux Etats membres participent progressivement au système des aides directes pour les entreprises agricoles. Ainsi ils ont fait une ouverture dans les négociations d’adhésion avec les pays de l’Europe centrale et du Sud et rapproché l’Europe d’un grand pas de l’objectif de son unification politique. En même temps, le Conseil européen a refusé une proposition de la Commission de réduire, déjà dès 2004, le montant total prévu pour les aides directes au profit de moyens supplémentaires pour le développement rural. Selon l’avis d’un certain nombre d’Etats membres une telle décision romprait l’accord sur les dépenses agricoles de l’Agenda 2000.

La décision – surprenante – en faveur d’une introduction progressive des aides directes des membres actuels de l’Union dans les négociations d’adhésion est pour nous source d’une grande satisfaction. Ainsi le danger de cimenter un système à deux classes dans la politique agricole commune entre anciens et nouveaux membres de l’Union a pu être évité.

Les conclusions de Bruxelles incluent également une réduction du budget agricole à partir de 2007, parce qu’à cette date les dépenses agricoles s’appliqueront à un plus grande nombre d’exploitations avec l’élargissement alors que leur montant restera gelé au niveau de 2006. Ceci peut paraître aux yeux de beaucoup de représentants de l’agriculture comme une mesure dure et injuste. La dégradation démographique et par conséquent des finances publiques à partir du milieu de cette décennie contraindra tous les secteurs de la société d’accepter des sacrifices.

Aussi dans la perspective d’un affaiblissement prévisible des budgets publics, nous ne pouvons pas comprendre pourquoi les négociations sur une réforme de la politique agricole commune, qui respecte les engagements de l’Agenda 2000, ne pourraient commencer immédiatement.

Les aides pour le développement rural sont exceptées du plafonnement des dépenses à partir de 2007. Nous espérons une évolution généreuse de cette politique afin de pouvoir s’attaquer aux problèmes structurels et sociaux en milieu rural et pour combattre l’exode rural, qui est très important dans un certain nombre de nouveaux pays membres. Par son accompagnement pastoral et par ses initiatives pour l’apprentissage et la formation, l’Glies avec ses mouvements et associations se considère comme un acteur et partenaire important de cette politique du développement rural

La Convention pour l’avenir de l’Europe du printemps 2002 jusqu’à l’été 2003

La Convention pour l’avenir de l’Europe élaborera d’ici l’été 2003 le projet d’un traité constitutionnel européen qui concernera plus particulièrement l’architecture institutionnelle et juridique d’une Union à 26 Etats membres et plus.

Nous nous demandons, si la Convention ne devrait pas revoir la base juridique de la politique agricole commune (Art 32 – 38 du traité de la Communauté européenne). Il nous semble également approprié de mieux associer le Parlement européen comme représentation élue des peuples européens à la politique agricole commune , car l’agriculture n’est pas un phénomène marginal de la société mais elle est de la responsabilité de tous.

Conclusion

Les réflexions ci-dessus ne sont pas définitives. Nous les concevons comme une invitation au dialogue sur la meilleure voie à suivre pour l’agriculture européenne. Nous serions contents de recevoir de réactions, notamment de la part des conférences épiscopales et des mouvements de l’Eglise.

Réunion plénière de la COMECE
Bruxelles, 29 novembre 2002

(Traduction de la COMECE à partir de l’original allemand)

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ZENIT Staff

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