Chemin de Croix du synode pour l'Amazonie, capture Vatican News

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"Est-ce que la «pachamama» est une déesse ?", par Mgr Felipe Arizmendi Esquivel

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« Une merveilleuse réponse »

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« Est-ce que la « pachamama » est une déesse ? »: la question est posée par un évêque mexicain, Mgr Felipe Arizmendi Esquivel, évêque émérite de San Cristobal de las Casas (Chiapas, Mexique), collaborateur régulier de Zenit en espagnol.

Il part des faits constatés par lui et de son expérience auprès des populations indigènes. Et il répond à la question. En citant la réponse d’un baptisé.
En effet, des statuettes représentant une femme enceinte et l’enfant qu’elle porte en elle ont été présentes lors du synode sur l’Amazonie, provoquant des accusations d’idolatrie: cinq statuettes ont été jetées dans le Tibre. Etant en bois, elles ont flotté et trois d’entre elles ont été récupérées par le carabiniers italiens. Ensuite, à la demande du cardinal Fernando Filoni, préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples, elles ont été confiées à ce dicastère.
Voici la réflexion proposée en espagnol par Mgr Arizmendi Esquivel, dans une traduction de Zenit.
AB
Est-ce que la « pachamama » est une déesse ?

VOIR

Les images ou les figures utilisées lors des cérémonies du début du synode pan-amazonien dans les jardins du Vatican, lors de la première procession de la basilique de Saint-Pierre à la Salle du synode, auxquelles le pape François a participé, at ensuite dans d’autres églises à Rome, ont provoqué de grandes réactions. Certains condamnent ces actes comme s’il s’agissait d’idolâtrie, d’un culte de la « mère terre » et à d’autres « divinités ». Il n’en fut rien. Ce ne sont pas des déesses; il n’y a pas eu de culte idolâtre. Ce sont des symboles des réalités et des expériences amazoniennes, avec des motivations pas seulement culturelles, mais aussi religieuses, mais sans adoration, qui est due uniquement à Dieu. C’est très osé de condamner le pape comme idolâtre : il ne l’a jamais été, il ne le sera jamais. A la fin de la cérémonie dans les jardins du Vatican, on lui a demandé une parole, et il a simplement prié un Notre Père. Il n’y a pas d’autre dieu que notre Père du ciel.

Il y a des années, lors d’une réunion du CELAM que je devais coordonner à Cochabamba, en Bolivie, sur les différents noms de Dieu dans les cultures originaire du Cône Sud, j’ai demandé à un indigène Aymara si, pour eux, la pachamama (terre mère) et le inti (père soleil) sont des dieux, et il a répondu: « Ceux qui n’ont pas reçu l’évangélisation les considèrent comme des dieux. Pour nous qui avons déjà été évangélisés, ce ne sont pas des dieux, mais les meilleurs dons de Dieu ». Merveilleuse réponse! Voilà ce qu’ils sont! Ce sont des manifestations de l’amour de Dieu, pas des dieux.

Dans mon ancien diocèse, quand j’entendais parler avec beaucoup d’affection et de respect, de la « terre mère », cela m’ennuyait, car je me disais: « Mes seules mères sont ma mère, la Vierge Marie et l’Église. » Et quand je les voyais se prosterner pour embrasser la terre, cela me gênait encore davantage. Mais, en vivant avec les indigènes, j’ai compris qu’ils ne l’adoraient pas comme une déesse, mais qu’ils voulaient la mettre en valeur et la reconnaître comme une vraie mère, car c’est elle qui nous nourrit, qui nous donne l’eau, l’air et tout ce dont nous avons besoin pour vivre: ils ne la considèrent pas comme une déesse; ils ne l’adorent pas; ils lui expriment seulement leur respect et ils prient en rendant grâces à Dieu pour elle.

Il m’arrivait la même chose quand je les voyais se tourner vers les quatre coins de l’univers, les points cardinaux, en s’inclinant, en priant, et en se tournant aussi avec respect vers le soleil. Avant de les connaître et de partager avec eux la vie et la foi, j’ai été tenté de les juger et de les condamner en tant qu’idolâtres; ensuite, j’ai apprécié leur respect pour ces éléments de la nature qui nous donnent la vie, et je me suis convaincu qu’ils ne les adorent pas en tant que dieux, mais en tant qu’œuvre de Dieu, comme son don à l’humanité, et de cette manière, ils éduquent également leurs enfants à ne pas les détruire mais à les protéger et à les respecter. Ce ne sont pas des idolâtres. Ceux qui l’affirment ne les connaissent pas et les jugent à distance, de loin et de l’extérieur. La terre et le soleil sont des créatures de Dieu et Lui seul nous adorons.

PENSER

La Bible dit: « Alors le Seigneur Dieu forma l’homme de la poussière de la terre » (Gn 2,7). Le mercredi des cendres nous rappelle: « Souviens-toi que tu es poussière et que tu dois retourner en poussière. » C’est la réalité de tous les humains.

Dans le Document d’Aparecida, nous qualifions de « mère » la terre soeur, en suivant l’exemple de saint François d’Assise, qui n’était pas idolâtre: « Avec les indigènes d’Amérique, nous louons le Seigneur qui créa l’univers, comme espace pour la vie et la coexistence de tous ses fils et filles, et qui nous les laissa comme signe de sa bonté et de sa beauté. La création, aussi, manifeste l’amour providentiel de Dieu. Il nous l’a donnée, pour que nous en prenions soin et la transformions en source de vie pour tous. Bien qu’aujourd’hui, il y ait en général, une plus grande considération de la nature, nous percevons clairement de combien de façons l’homme menace et détruit son habitat. “Notre sœur la terre mère” (Cantique des créatures, 9) est notre maison commune et le lieu d’alliance de Dieu avec tous les êtres humains et avec toute la création. Négliger les relations mutuelles, et l’équilibre que Dieu même a établi entre les réalités créées, est une offense au Créateur, un attentat contre la biodiversité et, en définitif, contre la vie. Le disciple missionnaire, à qui Dieu a confié la création, doit la contempler, en prendre soin, et l’utiliser en respectant toujours l’ordre que lui a donné le Créateur » (DA 125).

Et pour dissiper tout doute sur l’attitude du Pape, il suffit de rappeler ce qu’il a écrit dans Laudato si’: « Quand nous prenons conscience du reflet de Dieu qui se trouve dans tout ce qui existe, le cœur expérimente le désir d’adorer le Seigneur pour toutes ses créatures … » (n. 87). « Les créatures de ce monde ne peuvent pas être considérées comme un bien sans propriétaire : « Tout est à toi, Maître, ami de la vie » (Sg 11, 26). D’où la conviction que, créés par le même Père, nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble » (n. 89). « Cela ne signifie pas que tous les êtres vivants sont égaux ni ne retire à l’être humain sa valeur particulière, qui entraîne en même temps une terrible responsabilité. Cela ne suppose pas non plus une divinisation de la terre qui nous priverait de l’appel à collaborer avec elle et à protéger sa fragilité » (n. 90).

AGIR

Comme Jésus l’a dit, ne jugeons pas et ne condamnons pas comme une idolâtrie ce qui ne l’est pas. Apprenons à connaître plus à fond les cultures originaires. Et il est c’est notre tâche de partager l’Évangile de Jésus, qui nous libère des idolâtries, quand il y en aurait.

Copyright 2019 – Zenit pour la traduction en français

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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