Emballement médiatique sur ce que Benoît XVI n'a pas dit

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A propos du discours du Corps diplomatique

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ROME, dimanche 15 janvier 2012 (ZENIT.org) – Après L’Osservatore Romano en italien du 14 janvier, Radio Vatican entre en lice à son tour pour dénoncer une erreur d’information diffusée en anglais à propos du discours de Benoît XVI, le 9 janvier, devant le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège (cf. ZENIT du 9 janvier 2012). Le scoop c’est parfois que le pape soit… « catholique », fait observer un journaliste britannique qui proteste contre des interprétations étrangères au texte.

“Des paroles jamais prononcées”: sous ce titre, L’Osservatore Romano a en effet publié la traduction intégrale d’un article d’Andrew Brown dans le quotidien britannique “The Guardian” qui dénonce des « mystifications » dans la façon de rapporter les paroles de Benoît XVI.

« Oui, le pape est catholique. Mais il n’a pas dit que le mariage gay menace l’humanité », écrit A. Brown.

Des paroles courageuses

Radio Vatican en français a titré, le 15 janvier: “Benoît XVI victime d’une mystification”, et d’expliquer: “Dans le discours adressé par Benoît XVI, le 9 janvier, au corps diplomatique, il n’y a pas un seul mot sur le mariage homosexuel. La polémique, qui n’a cessé d’enfler ces jours derniers, a fini par susciter l’indignation du quotidien anglais « The Guardian » qui dénonce une mystification”.

“Tout est parti, continue la même source, de l’interprétation déformée donnée par un journaliste d’une agence internationale immédiatement après la rencontre. Très vite, comme un tam-tam médiatique, de plus en plus de sources répercutaient cette tromperie en affirmant que le Pape avait dénoncé le mariage gay comme une menace pour la civilisation occidentale. Or Benoît XVI a déclaré que « les politiques qui portent atteinte à la famille menacent la dignité humaine et l’avenir même de l’humanité. Pas un mot sur les homosexuels.”

Radio Vatican souligne le vrai centre de la préoccupation de l’Eglise: “La défense de la famille est un thème prioritaire pour l’Eglise catholique. Benoît XVI n’a lancé aucun pavé dans la mare. Il n’a pas « durement condamné le mariage entre homosexuels » – comme certains l’ont écrit. Il n’a fait que réaffirmer une position bien connue de tous, dans le cadre d’un long discours dans lequel il a évoqué les principaux dossiers de l’actualité internationale.”

La radio du pape rappelle les autres sujets abordés dans ce discours: “Le Pape a parlé des cellules souches, de l’avortement. Il a parlé des conflits dans le monde, des attaques contre les chrétiens, du chômage des jeunes et surtout de la crise économique et financière, en invitant, à ce propos, à réfléchir sur l’existence humaine et sur l’importance de sa dimension éthique, à ne pas se limiter à endiguer les pertes individuelles ou celles des économies nationales, mais à se donner de nouvelles règles au bénéfice de la communauté dans son ensemble. Des paroles courageuses, prophétiques. Mais il n’a pas parlé du mariage homosexuel”.

Statistique parlante

« Le pape est catholique. Il entre peut-être dans la nature du business des informations de s’étonner, tous les deux mois, devant ce fait », conclut pour sa part Andrew Brown.

De son côté, le P. John Flynn a précisé dans ZENIT en anglais, dès le 12 janvier, qu’en effet le pape a parlé de mariage, en évoquant son message pour le 1er janvier 2012, Journée mondiale de la Paix, centré sur l’éducation des jeunes à la justice et à la paix. Le pape a souligné que c’est dans la famille que « ces valeurs sont le mieux enseignées. Une famille fondée sur le mariage d’un homme et d’une femme ».

« Il pourrait sembler qu’en approuvant la conception catholique du mariage le pape désapprouve le mariage entre personnes du même sexe, mais aussi la mono-parentalité et la cohabitation », fait observer le P. Flynn.

Le P. Flynn relève une statistique parlante : le passage du pape sur la famille – incluant une référence à la décision de l’Union interdisant « de breveter les processus relatifs aux cellules souches embryonnaires humaines », et la résolution européenne « qui condamne la sélection prénatale en fonction du sexe » – ne compte que 188 mots, sur un discours qui en contient plus de 2.900 (en français).

Environnement et économie

Andrew Brown fait remarquer lui aussi que le pape a aussi abordé des thèmes importants à propos de l’économie et de l’environnement et regrette que l’agence n’ait pas fait état de ces prises de position importantes.

Il ajoute que le pape Benoît XVI est la « figure européenne la plus importante » pour ses déclarations dans le domaine de l’économie qui insistent sur l’importance de l’éthique pour sortir de la crise.

Le P. Flynn conclut qu’il est important de conserver cet exemple en mémoire lorsque d’autres « cas » éclateront dans les media. C’est d’ailleurs pour des cas similaires que les traductions des discours du pape se révèlent tellement importantes : le lecteur est ainsi capable de constater le décalage qu’il peut y avoir entre les paroles prononcées et les interprétations proposées.

Aucun journaliste n’est infaillible. La rapidité avec laquelle les grandes agences travaillent peut parfois jouer des tours. Ainsi, traduire, loin de trahir, c’est aussi faire œuvre de pacification. Le texte de Benoît XVI a été prononcé en français, mais le Saint-Siège a diffusé le jour même sa traduction en anglais, en italien, en espagnol, en allemand et en portugais (cf. ZENIT de ce 9 janvier 2012, dans les différentes langues) et en polonais.

Responsabilité et rationalité

Un exemple de lecture responsable et de l’importance de l’accès aux sources dans sa langue nous a été donnée par ces lecteurs musulmans, qui, au moment de la polémique sur le discours de Benoît XVI à Ratisbonne sur « foi et raison » (12 septembre 2006) ont demandé à notre agence une traduction pour savoir ce que le pape « avait vraiment dit ».

Ces nouvelles possibilités données par Internet de diffuser les textes de Benoît XVI en direct au lecteur constituent une invitation à exercer la responsabilité – le pouvoir – du « consommateur » des media, pour « coopérer à la vérité » et répondre rationnellement aux emballements médiatiques.

On a peut-être trop souvent insisté sur la seule responsabilité de l’émetteur des nouvelles, en exagérant parfois la « toute puissance » des media. Le développement des informations en ligne offre aujourd’hui au lecteur une occasion de fortifier sa capacité critique: le « communicateur » n’est plus le seul à avoir accès aux « sources », le lecteur peut prendre du recul et se référer au texte vraiment prononcé en cas de polémique.

Anita Bourdin

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ZENIT Staff

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