Drogue : l’Eglise ne peut pas se taire, par le card. Parolin

Print Friendly, PDF & Email

Jubilé de la miséricorde dans un centre d'aide aux personnes toxicomanes

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican, a présidé la messe de Noël du Jubilé de la miséricorde pour les hôtes, et leurs familles, du « Centre italien de solidarité don Mario Picchi » de Rome (CEIS). La célébration a eu lieu mardi 22 décembre au «Presidio Paolo VI».
“L’Eglise “ne peut pas se taire” sur la drogue et “fidèle à l’enseignement de Jésus, l’Église ne peut pas abandonner ceux qui sont impliqués dans la spirale de la drogue », déclare le cardinal Parolin.
Il ajoute immédiatement : « L’Eglise les prend par la main, à travers l’œuvre de tant de professionnels et de bénévoles, pour qu’ils redécouvrent leur dignité et fassent émerger de nouveau ces ressources, ces talents personnels que la drogue a enterré en eux, mais qu’elle n’a pas pu effacer puisque tous les hommes sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. »
Mais il avertit : « On ne peut pas, cependant, se limiter au travail de réhabilitation. Il faut travailler sur la prévention. » Il précise : « Il faut penser à une action de prévention qui se traduise par une intervention sur la communauté tout entière, afin que l’action éducative, culturelle et formative implique le plus grand nombre possible de filles et de garçons, et pas seulement les groupes à risque. »
Le cardinal Parolin rend hommage à l’œuvre de don Picchi : « Le père Mario, dont nous faisons mémoire au cours de cette messe, cinq ans après sa mort, a été pour beaucoup d’entre vous le bon Samaritain de la parabole de Jésus. Il l’a été hier, en sauvant tant de vies précipitées dans la spirale de la drogue, et il l’est aujourd’hui encore, après sa mort, pour ceux qui vivent dans cet établissement où tout parle de lui et du bien qu’il a fait et, qu’à travers vos mains, il continue d’accomplir aujourd’hui. »
« Être ici avec vous pour vivre d’une manière spéciale ce jubilé extraordinaire de la miséricorde, est aussi une façon de vous transmettre la caresse du pape », déclare aussi le cardinal Parolin.
Voici notre traduction complète de l’homélie du Secrétaire d’Etat sur un sujet si important.
Homélie du cardinal Parolin
Chers amis, frères et sœurs,
Je suis content d’être ici à la veille de Noël pour célébrer l’Eucharistie avec vous.
Aujourd’hui, pour nous tous, le temps de l’Avent est accompli et le cœur de chacun se transforme en un berceau où, comme dans la grotte de Bethléem, nait l’Enfant Jésus, le Fils de Dieu fait homme. C’est la condition pour que ce soit vraiment Noël ainsi que nous l’enseigne Angelus Silesius, un mystique allemand du XVIIème siècle : « Même si le Christ naissait mille fois à Bethléem, s’il ne naît pas dans ton cœur, ce ne sera jamais Noël. »
D’une façon particulière, il renaît dans vos cœurs à vous, qui suivez un parcours de désintoxication de la drogue, mais je voudrais plutôt dire, de retour à la vie. Oui, à la vraie vie !
Et c’est pour vous que, ce soir, comme nous venons de l’entendre dans l’Évangile de Luc, nous pouvons proclamer le Magnificat, parce que le Seigneur a regardé vos vies et vous a tendu la main, il a « relevé l’homme de la domination du péché et de la mort », ainsi que nous l’avons prié dans la collecte.
C’est un Noël particulier pour vous et pour vos familles qui vous soutiennent, prient, souffrent et espèrent avec chacun de vous. C’est un Noël spécial pour tous ceux qui ont terminé le parcours de réhabilitation à travers un long chemin, certainement pas facile, fait aussi de chutes, mais où, comme nous l’enseigne le Saint-Père François « ce qui importe n’est pas de ne pas tomber, mais de ne pas rester par terre » (Dialogue avec les étudiants des écoles gérées par les jésuites en Italie et en Albanie, 7 juin 2013).
Vous avez suivi ce parcours avec vos éducateurs, que je salue et remercie pour l’engagement qu’ils vivent chaque jour à vos côtés. De même, je salue et remercie le président du Centre italien de solidarité, M. Roberto Mineo, et la vice-présidente, Madame Patrizia Saraceno, qui mènent avec abnégation et amour le projet de votre fondateur, le père Mario Picchi, si estimé du bienheureux Paul VI et de saint Jean-Paul II.
Le père Mario, dont nous faisons mémoire au cours de cette messe, cinq ans après sa mort, a été pour beaucoup d’entre vous le bon Samaritain de la parabole de Jésus. Il l’a été hier, en sauvant tant de vies précipitées dans la spirale de la drogue, et il l’est aujourd’hui encore, après sa mort, pour ceux qui vivent dans cet établissement où tout parle de lui et du bien qu’il a fait et, qu’à travers vos mains, il continue d’accomplir aujourd’hui.
Être ici avec vous pour vivre de manière spéciale le Jubilé extraordinaire de la miséricorde est aussi une façon de vous transmettre la caresse du pape. Et avec le Saint-Père, nous voulons redire avec force tous ensemble : « Non à toutes les formes de drogue » (Audience générale, 7 mai 2014). Mais pour dire ce non, il faut « dire oui à la vie, oui à l’amour, oui aux autres, oui à l’éducation, oui au sport, oui au travail, oui à davantage d’occasions de travail » (Audience au participants à la 31èmeConférence internationale de la lutte antidrogue, 20 juin 2014). Et pour trouver la force de dire oui à ces valeurs, il faut dire oui au Seigneur, lui faire confiance, redécouvrir avec joie et étonnement qu’il nous aime et désire notre bonheur, que nous pouvons être authentiquement libres et capables d’établir avec lui un dialogue d’amour qui nous fortifie et nous donne l’espérance.
Vos vies, avec leurs cicatrices qui parlent de souffrance et de douleur, racontent aussi pourtant la résurrection du Christ qui s’accomplit en vous. Oui, chers frères, aujourd’hui, vous ressuscitez avec Jésus à une vie nouvelle et vous vous engagez, comme les disciples d’Emmaüs, à marcher pour toujours avec le Maître, sur les routes de vos vies pour ne pas retomber dans les mêmes erreurs. En faisant cela, vous n’êtes pas seuls mais vous pouvez compter sur l’aide du Seigneur et sur la proximité de nombreux amis et compagnons de route.
Mais en ce moment de joie, nous ne pouvons pas oublier, comme nous l’a rappelé le pape François, que « le fléau de la drogue continue de sévir sous des formes et dans des dimensions impressionnantes, alimenté par un marché abject qui dépasse les frontières nationales et continentales. Ainsi, pour les jeunes et les adolescents, le danger continue de croître. » (ibid.)
Face à ce phénomène, nous ne pouvons pas ne pas exprimer notre profonde douleur et notre grande préoccupation. L’Église ne peut pas se taire ! Et le Saint-Père nous a indiqué la route : « on ne combat pas la drogue par la drogue ! La drogue est un mal et, avec le mal, il ne peut y avoir de relâchement ni de compromis. Penser pouvoir réduire les dégâts en permettant l’usage de psychotropes à des personnes qui continuent de faire usage de la drogue, ne résout absolument pas le problème. Les légalisations de ce que l’on appelle les «drogues douces», même partielles, sont non seulement discutables sur le plan législatif, mais ne produisent pas les effets qu’elles s’étaient fixés. En outre, les drogues de substitution ne sont pas une thérapie suffisante, mais une manière voilée de baisser les bras devant le phénomène. » (ibid.)
Le pape l’a dit avec une grande clarté : « Les opportunités de travail, l’éducation, le sport, une vie saine: telle est la voie de la prévention de la drogue. Si tous ces « oui » se réalisent, il n’y a pas de place pour la drogue, il n’y a pas de place pour l’abus d’alcool et pour les autres dépendances. » (ibid.).
Fidèle à l’enseignement de Jésus, l’Église ne peut pas abandonner ceux qui sont impliqués dans la spirale de la drogue : elle les prend par la main, à travers l’œuvre de tant de professionnels et de bénévoles, pour qu’ils redécouvrent leur dignité et fassent émerger de nouveau ces ressources, ces talents personnels que la drogue a enterré en eux, mais qu’elle n’a pas pu effacer puisque tous les hommes sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.
On ne peut pas, cependant, se limiter au travail de réhabilitation. Il faut travailler sur la prévention. Nous avons sous les yeux l’exemple de tant de jeunes qui, désireux de se soustraire à la dépendance de la drogue, s’efforcent de reconstruire leur vie. C’est un encouragement à regarder devant soi, avec confiance.
Cela fait quarante ans que le CEIS est en première ligne dans la lutte contre les dépendances. Pendant tout ce temps, il est toujours resté fidèle à l’enseignement, moral et pratique, que don Mario Picchi a résumé dans les principes de base de la philosophie du « Projet Homme » (Progetto Uomo), qui met la personne humaine au centre de l’histoire, comme protagoniste, affranchie de tout esclavage, tendue vers le renouvellement intérieur, la recherche du bien, de la liberté et de la justice.
Ces dernières années, malheureusement, la gamme des dépendances s’est considérablement élargie. Comment ne pas évoquer le grave phénomène récent de la dépendance compulsive à l’égard, par exemple, de la navigation sur Internet, des achats, des jeux de hasard, de la nourriture et du sexe. Et la liste pourrait encore continuer.
Il faut penser à une action de prévention qui se traduise par une intervention sur la communauté tout entière, afin que l’action éducative, culturelle et formative implique le plus grand nombre possible de filles et de garçons, et pas seulement les groupes à risque.
Il semble important, comme vous le faites depuis bien longtemps avec professionnalisme et passion, mais surtout avec respect et amour, dans une politique de prévention du malaise de la jeunesse, d’augmenter l’estime de soi des nouvelles générations afin de contrecarrer et de dépasser le sentiment d’insécurité et d’instabilité émotive favorisé tant par les pressions sociales implicites que par la nature intrinsèque de la phase de l’adolescence.
Ces dernières années, votre engagement a fait de vous aussi des protagonistes dans l’accueil des réfugiés, le soutien aux personnes âgées abandonnées, aux malades et aux pères en danger d’exclusion sociale. L’Église est à vos côtés et vous encourage à vous opposer à ce que le pape François définit comme « la culture du rebut ». Allez de l’avant sur la route indiquée par don Mario Picchi, qui est la route de l’Évangile : « “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” » (Mt 25,34-36).
Ainsi, brillera la vérité de la logique du « Magnificat » où, avec émerveillement et gratitude, avec Marie, nous expérimentons que l’intervention puissante du Seigneur transforme et renverse des situations desséchées et offre l’espérance aux humbles et la joie aux cœurs purs.
Très chers frères et sœurs, que la joie qui émane de la grotte de Bethléem irradie vos cœurs et ceux de vos proches.
Que, par l’intercession du bienheureux Paul VI et de saint Jean-Paul II qui ont tant fait pour cette bonne œuvre, Marie, la Mère du Seigneur Jésus, vous protège et soit à vos côtés tous les jours de votre vie.
Que mes vœux les plus cordiaux de Joyeux Noël et de Bonne Nouvelle Année vous rejoignent, vous, tous les acteurs du Centre italien de solidarité don Mario Picchi, ainsi que vos familles.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

Share this Entry

Pietro Parolin

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel