Discours de Benoît XVI aux évêques des Etats-Unis (16 avril)

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Vêpres en la basilique de l’Immaculée Conception, à Washington

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ROME, Jeudi 17 avril 2008 (ZENIT.org) – Pour que l’apostolat « puisse porter des fruits abondants », il faut « une sage direction », recommande Benoît XVI aux évêques des Etats-Unis. Il leur recommande de « promouvoir le bien intégral de la personne », et pour cela, de promouvoir le renouvellement « dans le Christ notre espérance ». Il les invite à être « proches » de leurs prêtres.

Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours prononcé par Benoît XVI le mercredi 16 avril, lors des vêpres célébrées en la basilique de l’Immaculée Conception, à Washington D.C.

Vénérés frères dans l’épiscopat,

Ma joie est grande en vous saluant aujourd’hui, au début de ma visite dans ce pays, et je remercie le cardinal George des paroles aimables qu’il m’a adressées en votre nom. Je désire remercier chacun de vous, en particulier les membres de la Conférence épiscopale, pour le travail important qu’a supposé la préparation de ce voyage. Mon appréciation reconnaissante va, en outre, à l’équipe et aux volontaires du Sanctuaire national, qui nous ont accueillis ici ce soir. Les catholiques d’Amérique sont connus pour leur réelle dévotion à l’égard du Siège de Pierre. Ma visite pastorale ici est une occasion pour renforcer davantage les liens de communion qui nous unissent. Nous avons commencé par la célébration de la prière du soir dans cette basilique consacrée à l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, sanctuaire possédant une signification spéciale pour les catholiques américains, précisément au cœur de votre capitale. Unis en prière avec Marie, Mère de Jésus, nous confions avec amour à notre Père céleste le Peuple de Dieu dans chaque partie des Etats-Unis.

Pour les communautés catholiques de Boston, New York, Philadelphie et Louisville, il s’agit d’une année de célébrations particulières, étant donné qu’elle marque le bicentenaire de l’érection de ces Eglises locales au rang de diocèses. Je m’unis à vous pour rendre grâce pour les nombreux dons célestes accordés à l’Eglise dans ces lieux au cours des deux derniers siècles. Etant donné que l’année en cours marque également le bicentenaire de l’érection du siège fondateur, Baltimore, au rang d’archidiocèse, cela m’offre l’opportunité de rappeler avec admiration et gratitude la vie et le ministère de John Carroll, premier évêque de Baltimore et digne pasteur de la communauté catholique dans votre nation qui était devenue depuis peu indépendante. Ses efforts inlassables pour diffuser l’Evangile dans le vaste territoire confié à ses soins jetèrent les bases de la vie ecclésiale dans votre pays et permirent à l’Eglise en Amérique de grandir vers la maturité. Aujourd’hui, la communauté catholique que vous servez est l’une des plus vastes du monde et l’une des plus influentes. Il est donc très important de faire en sorte que votre lumière brille devant vos concitoyens et devant le monde, « afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 16).

Un grand nombre des personnes auprès desquelles John Carroll et ses confrères évêques exercèrent leur ministère il y a deux siècles venaient de terres lointaines. La diversité de leur provenance se reflète dans la riche variété de la vie ecclésiale de l’Amérique d’aujourd’hui. Chers frères évêques, je désire vous encourager, ainsi que vos communautés, à continuer à accueillir les immigrants qui s’unissent à vous aujourd’hui, à partager leurs joies et leurs espérances, à les soutenir dans leurs souffrances et leurs épreuves, et à les aider à prospérer dans leur nouvelle maison. C’est d’autre part ce que firent vos concitoyens pendant des générations. Dès les débuts, ils ont ouvert leurs portes à ceux qui étaient las, aux pauvres, aux « masses qui se pressaient à la recherche d’un souffle dans la liberté » (cf. Sonnet gravé sur la statue de la liberté). Telles étaient les personnes que l’Amérique a faites siennes.

Parmi ceux qui vinrent ici pour se construire une nouvelle vie, beaucoup furent capables de faire bon usage des ressources et des opportunités qu’ils y trouvèrent, et d’atteindre un haut niveau de prospérité. En vérité, les citoyens de ce pays sont connus pour leur grande vitalité et créativité. Ils sont également connus pour leur générosité. Après l’attaque des tours jumelles, en septembre 2001, et également après l’ouragan Katrina en 2005, les Américains ont montré leur rapidité à venir en aide à leurs frères et sœurs qui étaient dans le besoin. Au niveau international, la contribution offerte par le peuple d’Amérique aux opérations de secours et de sauvetage après le tsunami de décembre 2004 est une démonstration supplémentaire de cette compassion. Permettez-moi d’exprimer mon appréciation particulière pour les innombrables formes d’assistance humanitaire offertes par les catholiques américains à travers les Caritas catholiques et les autres agences. Leur générosité a porté des fruits dans l’attention aux pauvres et aux indigents, ainsi que dans l’énergie manifestée dans la construction du réseau national de paroisses catholiques, d’hôpitaux, d’écoles et d’universités. Tout cela offre de solides raisons pour rendre grâce.

L’Amérique est également une terre de grande foi. Votre peuple est bien connu pour sa ferveur religieuse et il est fier d’appartenir à une communauté de prière. Il a confiance en Dieu et il n’hésite pas à introduire dans les discours publics des raisons morales enracinées dans la foi biblique. Le respect pour la liberté de religion est profondément enraciné dans la conscience américaine ; c’est un fait qui a contribué à ce que ce pays attire des générations d’immigrants à la recherche d’une maison où pouvoir librement rendre leur culte à Dieu selon leurs propres convictions religieuses.

Dans ce contexte, je prends volontiers acte de la présence parmi vous d’évêques de toutes les vénérables Eglises orientales en communion avec le Successeur de Pierre : je les salue avec une joie particulière. Chers frères, je vous demande d’assurer vos communautés de ma profonde affection et de ma prière incessante, pour elles comme pour les nombreux frères et sœurs restés dans leur terre d’origine. Votre présence dans ce pays rappelle le courageux témoignage en faveur du Christ de tant de membres de vos communautés, souvent en affrontant de grandes souffrances, dans leurs patries respectives. Cela constitue également un grand enrichissement pour la vie ecclésiale en Amérique, car une expression vivante de la catholicité de l’Eglise et de la variété de ses traditions liturgiques et spirituelles est ainsi offerte.

C’est sur ce sol fertile, nourri par tant de sources différentes, que vous, vénérés frères dans l’épiscopat, êtes appelés aujourd’hui à répandre la semence de l’Evangile. Cela m’amène à me demander comment, au XXIe siècle, un évêque peut répondre au mieux à l’appel à « faire chaque chose nouvelle en Jésus Christ, notre espérance » ? Comment peut-il conduire son peuple « à la rencontre avec le Dieu vivant ? », source de cette espérance qui transforme la vie dont parle l’Evangile ? (cf. Spe salvi, n. 4). Peut-être a-t-il tout d’abord besoin d’abattre certaines barrières qui empêchent cette rencontre. Même s’il est vrai que ce pays est marqué par un authentique esprit religieux, l’influence subtile du sécularisme peut toutefois marquer la façon dont les personnes permettent que la foi influence leurs propres comportements. Est-il cohérent de professer notre foi à l’église le dimanche et ensuite, au cours de la semaine, de promouvoir des affaires ou des procédures médicales contraires à cette foi ? Est-il cohérent pour les catholiques pratiquants d’ignorer ou d’exploiter les pauvres et les exclus ; de promouvoir des comportements sexuels contrai
res à l’enseignement moral catholique, ou d’adopter des positions qui contredisent le droit à la vie de chaque être humain de sa conception jusqu’à sa mort naturelle ? Il faut résister à toute tendance à considérer la religion comme un fait privé. Ce n’est que lorsque la foi imprègne chaque aspect de leur vie que les chrétiens deviennent vraiment ouverts à la puissance transformatrice de l’Evangile.

Dans une société riche, un obstacle supplémentaire à une rencontre avec le Dieu vivant se trouve dans l’influence subtile du matérialisme, qui peut malheureusement très facilement concentrer l’attention sur le « centuple » promis par Dieu en cette vie, au détriment de la vie éternelle qu’il promet pour le temps à venir (Mc 10, 30). Il est aujourd’hui nécessaire de rappeler aux personnes le but ultime de l’existence. Elles ont besoin de reconnaître qu’elles ont en elles une profonde soif de Dieu. Elles ont besoin d’avoir l’opportunité de puiser à la source de son amour infini. Il est facile d’être subjugués par les possibilités presque illimitées que la science et la technique nous offrent ; il est facile de faire l’erreur de penser pouvoir obtenir par nos propres efforts la satisfaction des besoins les plus profonds. Il s’agit d’une illusion. Sans Dieu, qui nous donne ce que nous ne pouvons pas atteindre seuls (cf. Spe salvi, n. 31), nos vies sont en définitive vides. Les personnes ont sans cesse besoin d’être appelées à cultiver une relation avec lui, qui est venu afin que nous ayons la vie en abondance (cf. Jn 10, 10). Le but de chacune de nos activités pastorales et catéchétiques, l’objet de notre prédication, le centre même de notre ministère sacramentel doit être celui d’aider les personnes à établir et à nourrir une telle relation vitale avec « le Christ Jésus, notre espérance » (1 Tm 1, 1).

Dans une société qui accorde beaucoup de valeur à la liberté personnelle et à l’autonomie, il est facile de perdre de vue notre dépendance des autres, ainsi que les responsabilités que nous avons à leur égard. Cette accentuation de l’individualisme a même influencé l’Eglise (cf. Spe salvi, nn. 13-15), donnant origine à une forme de piété qui souligne parfois notre relation privée avec Dieu au détriment de l’appel à être les membres d’une communauté rachetée. Et pourtant, dès le début, Dieu vit qu’« il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2, 18). Nous avons été créés comme des êtres sociaux qui ne trouvent leur accomplissement que dans l’amour envers Dieu et envers leur prochain. Si nous voulons vraiment garder le regard fixé sur lui, source de notre joie, nous devons le faire comme des membres du Peuple de Dieu (cf. Spe salvi, n. 14). Si cela semblait aller à l’encontre de la culture actuelle, cela ne serait qu’une preuve supplémentaire de l’urgente nécessité d’une évangélisation renouvelée de la culture.

Ici en Amérique, vous avez été bénis par un laïcat catholique d’une considérable variété culturelle, qui place ses dons multiformes au service de l’Eglise et de la société en général. Il se tourne vers vous pour recevoir de l’encouragement, une direction et une orientation. A une époque saturée d’informations, l’importance d’offrir une solide formation de la foi ne risque par d’être surévaluée. Les catholiques américains ont accordé par tradition une grande valeur à l’éducation religieuse, que ce soit dans les écoles ou dans l’ensemble des programmes de formation pour adultes : il faut maintenir et développer cela. Les nombreux hommes et femmes qui se consacrent généreusement aux œuvres caritatives doivent être aidés à renouveler leur engagement à travers une « formation du cœur » : une « rencontre avec Dieu dans le Christ, qui suscite en eux l’amour et qui ouvre leur esprit à autrui » (Deus caritas est, n. 31). A une époque où les progrès dans les sciences médicales apportent de nouvelles espérances à de nombreuses personnes, des défis éthiques auparavant inimaginables peuvent apparaître. D’où la nécessité, plus importante que jamais, d’assurer une solide formation dans les enseignements moraux de l’Eglise aux catholiques qui sont engagés dans le domaine de la santé. Il est nécessaire dans tous ces domaines d’apostolat, de prendre une direction sage, pour qu’ils puissent porter des fruits abondants. S’ils veulent vraiment promouvoir le bien intégral de la personne, ils doivent eux-mêmes être renouvelés dans le Christ notre espérance.

En tant qu’annonciateurs de l’Evangile et guides de la communauté catholique, vous êtes également appelés à participer à l’échange d’idées sur la scène publique, pour aider à façonner des attitudes culturelles adaptées. Dans un contexte où la liberté de parole est appréciée et un débat substantiel et honnête est encouragé, votre voix est une voix respectée qui a beaucoup à offrir au débat sur les questions sociales et morales de l’actualité. En faisant en sorte que l’Evangile soit entendu de façon claire, non seulement vous formez les personnes de votre communauté, mais, dans le cadre du plus vaste auditoire de la communication de masse, vous aidez à diffuser le message de l’espérance chrétienne dans le monde entier.

L’influence de l’Eglise dans le débat public, cela est clair, se déroule à de nombreux niveaux très différents. Aux Etats-Unis, comme ailleurs, existent actuellement beaucoup de lois déjà en vigueur ou en discussion qui suscitent une préoccupation du point de vue de la moralité et la communauté catholique, sous votre direction, doit offrir un témoignage clair et unitaire sur ces matières. L’ouverture graduelle des esprits et des cœurs de la communauté la plus vaste à la vérité morale est toutefois encore plus importante : c’est un domaine dans lequel il y a encore beaucoup à accomplir. Dans ce domaine, le rôle des fidèles laïcs est crucial en agissant comme un « levain » dans la société. Toutefois, on ne doit pas tenir pour acquis que tous les citoyens catholiques pensent selon l’enseignement de l’Eglise à propos des questions éthiques fondamentales d’aujourd’hui. Encore une fois, votre devoir est de faire en sorte que la formation morale offerte à chaque niveau de la vie ecclésiale reflète l’authentique enseignement de l’Evangile de la vie.

A ce propos, un thème profondément préoccupant pour nous tous est la situation de la famille au sein de la société. Il est vrai que le cardinal George a tout d’abord rappelé que vous avez placé le renforcement du mariage et de la vie familiale parmi vos priorités pour les prochaines années. Dans le Message de cette année pour la Journée mondiale de la paix, j’ai parlé de la contribution essentielle qu’une vie familiale saine offre à la paix dans et entre les nations. Dans la maison familiale, nous vivons l’expérience « de certaines composantes fondamentales de la paix : la justice et l’amour entre frères et sœurs, la fonction d’autorité manifestée par les parents, le service affectueux envers les membres les plus faibles parce que petits, malades ou âgés, l’aide mutuelle devant les nécessités de la vie, la disponibilité à accueillir l’autre et, si nécessaire, à lui pardonner » (n. 3). La famille est, en outre, le lieu primordial de l’évangélisation, dans la transmission de la foi, dans l’aide aux jeunes à apprécier l’importance de la pratique religieuse et de l’observance du dimanche. Comment ne pas être déconcertés en observant le rapide déclin de la famille en tant qu’élément fondamental de l’Eglise et de la société ? Le divorce et l’infidélité sont en augmentation, et de nombreux jeunes hommes et femmes choisissent de retarder le mariage ou même de l’ignorer complètement. Pour certains jeunes catholiques le lien sacramentel du mariage apparaît peu différent d’un lien civil, ou bien il est carrément perçu comme un simple accord pour vivre avec une autre personne de manière informelle et sans stabilit
é. En conséquence, on constate une diminution alarmante des mariages catholiques aux Etats-Unis, ainsi qu’une augmentation des cohabitations, dans lesquelles le don réciproque des époux à la manière du Christ, à travers le sceau d’une promesse publique de vivre les exigences d’un engagement indissoluble pendant toute l’existence, est simplement absent. Dans ces circonstances, on nie aux enfants le milieu sûr dont ils ont besoin pour grandir comme des êtres humains, et on nie également à la société ces piliers stables qui sont nécessaires, si l’on veut conserver la cohésion et le centre moral de la communauté.

Comme mon prédécesseur, le pape Jean-Paul II, l’enseignait : « Le premier responsable de la pastorale familiale dans le diocèse est l’évêque… il doit lui consacrer intérêt, sollicitude, temps, personnel, ressources : mais par-dessus tout, il doit apporter un appui personnel aux familles et à tous ceux qui… l’assistent dans la pastorale de la famille » (Familiaris consortio, n. 73). Votre tâche est de proclamer avec force les arguments de foi et de raison qui parlent de l’institution du mariage, compris comme engagement pour la vie entre un homme et une femme, ouvert à la transmission de la vie. Ce message devrait retentir au milieu des personnes d’aujourd’hui, car il est essentiellement un « oui » inconditionné et sans réserve à la vie, un « oui » à l’amour et un « oui » aux aspirations du cœur dans notre humanité commune, alors que nous nous efforçons de mener à bien notre profond désir d’intimité avec les autres et avec le Seigneur.

Parmi les signes contraires à l’Evangile de la vie que l’on peut trouver en Amérique, mais également ailleurs, il y en a un qui cause une profonde honte : l’abus sexuel des mineurs. Beaucoup d’entre vous m’ont parlé de l’immense douleur que vos communautés ont ressenti quand des hommes d’Eglise ont trahi leurs obligations et leurs devoirs sacerdotaux avec un tel comportement gravement immoral. Alors que vous cherchez à éliminer ce mal partout où il se trouve, soyez assurés du soutien priant du Peuple de Dieu dans le monde entier. Vous donnez à juste titre la priorité à la manifestation de compassion et de soutien aux victimes : c’est une responsabilité qui vous vient de Dieu, en tant que pasteurs, qui est celle de panser les blessures causées par chaque violation de la confiance, de favoriser la guérison, de promouvoir la réconciliation et d’aller à la rencontre de ceux qui ont été aussi gravement blessés, avec une sollicitude pleine d’amour.

La réponse à une telle situation n’a pas été facile et, comme l’a indiqué le président de votre Conférence épiscopale, elle a « parfois été très mal gérée ». Maintenant que la dimension et la gravité du problème sont plus clairement comprises, vous avez pu adopter des mesures disciplinaires et des remèdes plus adaptés et promouvoir un milieu sûr qui offre une plus grande protection aux jeunes. Alors que l’on doit se rappeler que la plus grande majorité des prêtres et des religieux en Amérique accomplissent un excellent travail en apportant le message libérateur de l’Evangile aux personnes confiées à leurs soins pastoraux, il est d’une importance vitale que les sujets vulnérables soient toujours protégés de ceux qui pourraient les blesser. A ce propos, vos efforts pour soulager et protéger portent de nombreux fruits non seulement à l’égard de ceux qui sont directement placés sous votre attention pastorale, mais également de la société tout entière.

Toutefois, si nous voulons qu’elles atteignent pleinement leur but, il faut que les mesures et les stratégies que vous avez adoptées soient placées dans un contexte plus large. Les enfants ont le droit de grandir avec une saine compréhension de la sexualité et du rôle qui lui est propre dans les relations humaines. On devrait leur épargner les manifestations dégradantes et la manipulation vulgaire de la sexualité aujourd’hui si dominante ; ils ont le droit d’être éduqués dans les authentiques valeurs morales enracinées dans la dignité de la personne humaine. Cela nous ramène à la considération sur la place centrale de la famille et sur la nécessité de promouvoir l’Evangile de la vie. Que signifie parler de la protection des enfants lorsque la pornographie et la violence peuvent être regardées dans de si nombreuses maisons à travers les mass media largement disponibles aujourd’hui ? Nous devons réaffirmer de toute urgence les valeurs qui soutiennent la société, de manière à offrir aux jeunes et aux adultes une solide formation morale. Tous ont un rôle à jouer dans cette tâche, non seulement les parents, les guides religieux, les enseignants et les catéchistes, mais également l’information et l’industrie du spectacle. Oui, chaque membre de la société peut contribuer à ce renouveau moral et en tirer profit. Prendre vraiment soin des jeunes et de l’avenir de notre civilisation signifie reconnaître notre responsabilité de promouvoir et de vivre les valeurs morales authentiques qui sont les seules à rendre la personne humaine capable de se développer. Votre tâche de pasteurs qui ont comme modèle le Christ, Bon Pasteur, est de proclamer de manière forte et claire ce message et donc d’affronter le péché de l’abus dans le contexte plus vaste des comportements sexuels. En outre, en reconnaissant le problème et en l’affrontant lorsqu’il a lieu dans un contexte ecclésial, vous pouvez offrir une orientation aux autres, étant donné que cette plaie ne se trouve pas seulement au sein de vos diocèses, mais dans tous les secteurs de la société. Elle exige une réponse déterminée et collective.

Les prêtres ont eux aussi besoin de votre direction et de votre proximité au cours de cette période difficile. Ils ont vécu l’expérience de la honte à la suite de ce qui est arrivé et un grand nombre d’entre eux se rendent compte qu’ils ont perdu une partie de la confiance qu’ils avaient autrefois. Nombreux sont ceux qui font l’expérience d’une proximité avec le Christ dans sa Passion, alors qu’ils s’efforcent d’affronter les conséquences de la crise actuelle. L’évêque, en tant que père, frère et ami de ses prêtres, peut les aider à tirer du fruit spirituel de cette union avec le Christ, en les rendant conscients de la présence réconfortante du Seigneur au coeur de leurs souffrances, et en les encourageant à marcher avec le Seigneur sur le sentier de l’espérance (cf. Spe salvi, n.39). Comme l’observait le pape Jean-Paul II il y a six ans, « nous devons être confiants dans le fait que ce moment d’épreuve apportera une purification de toute la communauté catholique », conduira « à un sacerdoce plus sain, à un épiscopat plus sain et à une Eglise plus sainte » (Message aux cardinaux des Etats-Unis, 23 avril 2002, n. 4). De nombreux signes montrent que, pendant la période successive, cette purification a vraiment eu lieu. La présence constante du Christ au coeur de nos souffrances transforme graduellement nos ténèbres en lumière : chaque chose est faite à nouveau véritablement dans le Christ Jésus, notre espérance.

En ce moment, une partie vitale de votre tâche est de renforcer les relations avec vos prêtres, en particulier dans les cas où une tension est née entre prêtres et évêques à la suite de la crise. Il est important que vous continuiez à démontrer à leur égard votre préoccupation, votre soutien et votre direction à travers l’exemple. Ainsi, vous les aiderez certainement à rencontrer le Dieu vivant et vous les orienterez vers cette espérance qui transforme l’existence dont parle l’Evangile. Si vous vivez vous-mêmes d’une manière qui se configure étroitement au Christ, le Bon Pasteur, qui donna sa vie pour ses brebis, vous inspirerez vos frères prêtres à se consacrer à nouveau au service du troupeau avec la générosité qui caractérisa le Christ. En vérité, une concentration plus claire sur l’imitation du Christ dans la sainteté de vie est nécessaire
si nous voulons aller de l’avant. Nous devons redécouvrir la joie de vivre une existence centrée sur le Christ, en cultivant les vertus et en nous plongeant dans la prière. Lorsque les fidèles savent que leur pasteur est un homme qui prie et qui consacre sa vie à leur service, ils répondent avec une chaleur et une affection qui nourrit et soutient la vie de la communauté tout entière.

Le temps passé à prier n’est jamais perdu, même si les devoirs qui nous pressent de toutes parts sont importants. L’adoration du Christ notre Seigneur dans le Très Saint Sacrement prolonge et intensifie cette union avec lui, qui se constitue à travers la célébration eucharistique (cf. Sacramentum caritatis, n. 66). La contemplation des mystères du Rosaire libère toute leur force salvifique en nous conformant, en nous unissant et en nous consacrant à Jésus Christ (cf. Rosarium Virginis Mariae, 11.15). La fidélité à la Liturgie des Heures garantit que notre journée tout entière soit sanctifiée, en nous rappelant sans cesse la nécessité de rester concentrés sur l’accomplissement de l’œuvre de Dieu, malgré toutes les urgences ou les distractions qui peuvent apparaître face aux obligations à accomplir. De cette manière, la dévotion nous aide à parler et à agir in persona Christi, à enseigner, à gouverner et à sanctifier les fidèles au nom de Jésus, en apportant sa réconciliation, sa guérison et son amour à tous ses frères et sœurs bien-aimés. Cette configuration radicale au Christ Bon Pasteur est au centre de notre ministère pastoral et si nous nous ouvrons, à travers la prière, à la puissance de l’Esprit, Il nous accordera les dons dont nous avons besoin pour accomplir notre devoir formidable, au point de ne jamais nous soucier « pour savoir ce que vous direz ni comment vous le direz » (Mt 10, 19).

En concluant ce discours qui vous est adressé ce soir, je confie de manière toute particulière l’Eglise qui est dans votre pays à la sollicitude maternelle et à l’intercession de Marie Immaculée, Patronne des Etats-Unis. Elle qui a porté dans son sein l’espérance de toutes les nations, puisse-t-elle intercéder pour le peuple de cette nation, afin que tous soient renouvelés en Jésus Christ, son Fils. Chers frères évêques, j’assure chacun de vous ici présents de ma profonde amitié et de ma participation à vos préoccupations pastorales. A vous tous, au clergé, aux religieux et aux fidèles laïcs je donne cordialement ma Bénédiction apostolique, gage de joie et de paix dans le Christ Ressuscité.

© Copyright du texte original en anglais : Librairie Editrice du Vatican

Traduction réalisée par Zenit

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ZENIT Staff

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